Читать книгу Chasses au lion et à la panthère en Afrique - Benjamin Gastineau - Страница 6
ОглавлениеIII
Ahmed-ben-Amar, d’origine mulâtre, est né au Keff, en Tunisie. A peine adulte, il tua un sanglier. Son premier exploit se fit sur un lion qui était venu ravager sa tribu. Après avoir abattu deux bœufs, le terrible animal se dirigeait vers le premier blessé pour s’en emparer, lorsque le jeune Amar, caché derrière, le bœuf, lui brisa audacieusement le crâne à bout portant. La joie du triomphe, la sensation du bonheur qu’il éprouva à ce moment, décida de sa vocation de chasseur. Il débarrassa sa tribu des lions qui l’importunaient et répondit à l’appel des tribus voisines dont les troupeaux étaient décimés par la gent léonine. Il vint ainsi dans les forêts de Souk-Arras, peuplées de lions et de panthères.
C’est en plein jour, à la face du soleil, que Ben-Amar a tué la plupart de ces animaux féroces, et non pas traîtreusement la nuit. Cependant, il a son costume de nuit, burnous noir, et son costume de jour, burnous blanc.
Dès l’aube, Ben-Amar part, armé d’un fusil arabe à rouet et à pierre et d’un couteau arabe dans sa gaîne, à la rencontre des lions et des panthères dans les forêts qui entourent Souk-Arras, et chasse jusqu’à ce qu’il ait trouvé son gibier. Il marche rapide et discret comme le vent; il passe silencieux comme le fantôme d’Hamlet au château d’Elseneur; il glisse entre les fourrés de bruyères, de lentisques, de cactus, comme un chat-tigre. A peine si l’oreille la plus fine pourrait saisir le frôlement de son passage qui se confond avec la brise. Dès qu’il a trouvé une piste, il traque le lion et la panthère comme en France on traque un lapin ou un lièvre. Avec l’ardeur d’un soldat français montant à l’assaut, il aborde de front l’animal, qu’il va chercher dans son antre, dans un fourré, et qu’il appelle à lui en faisant claquer sa langue contre son palais, l’attaque, le tire, et lutte souvent corps à corps avec la bête lorsqu’elle n’est que blessée.
Telle est la manière de chasser du mulâtre musulman Ahmed-ben-Amar, surnommé le Negro, et dont l’héroïsme est tellement apprécié, que deux courageux officiers, chasseurs de lions, m’ont dit:
–Notre maître en saint Hubert, sans en excepter Gérard, et qui nous dépasse tous de cent coudées, c’est l’Arabe Ahmed-ben-Amar, n’opposant à la bête féroce ni balles explosibles, ni balles à pointes d’acier, ni appâts, ni pièges, mais seulement un mauvais fusil arabe, un couteau et sa force musculaire.
Maintenant, nous allons donner à nos lecteurs le récit de quelques-unes des chasses d’Ahmed-ben-Amar. Nous choisirons naturellement dans nos notes les chasses les plus remarquables, les plus fertiles en incidents dramatiques.