Читать книгу Histoire de la guerre d'Italie - Charles Marchal - Страница 18
XIII.
ОглавлениеLes Puissances médiatrices s’empressèrent de protester, avec l’opinion publique, contre la conduite brutale de l’Autriche.
La presse fut également unanime pour la flétrir.
Le Journal des Débats exprima son opinion en ces termes:
«Il nous est impossible de comprendre ou même de pressentir les motifs qui ont pu porter le cabinet de Vienne à refuser un arrangement qui était accepté par toutes les autres Puissances, et qui nous semblait offrir une transaction équitable entre toutes les prétentions et tous les intérêts opposés. Nous croyons sincèrement que l’Autriche, en prenant une résolution si regrettable, n’a pas moins méconnu ses propres intérêts que les intérêts généraux de l’Europe, et qu’elle a assumé sur elle une lourde responsabilité.
«La violence est de trop. Le cabinet de Vienne s’est trompé de siècle; malgré son habileté proverbiale, il a oublié que la force elle-même s’incline, de nos jours, devant l’opinion du monde, et, devant un tel juge, l’Autriche est condamnée avant d’avoir été vaincue.»
Même concert en Angleterre. Après avoir déclaré que l’Autriche venait de commettre une grave et terrible faute, et qu’un châtiment non moins terrible lui était réservé, le Morning-Hérald ajoutait:
«Les hommes d’État de l’Autriche ont détruit tout d’un coup cette sympathie qu’on éprouvait pour leur cause, tant qu’ils s’étaient contentés de se tenir sur la défensive, et de se borner aux préparatifs qu’une Puissance menacée d’être attaquée a légitimement le droit de faire. Nous chercherions vainement à cacher la faute grave dont le gouvernement autrichien s’est rendu coupable par sa précipitation fatale. Pour divers motifs, cet Etat est devenu impopulaire dans plusieurs parties de l’Europe, et sa conduite pendant la guerre de Crimée rendit nécessaires les plus grandes précautions. De la part d’un pareil Etat, c’est une faute impardonnable que, de propos délibéré, s’exposer à allumer la guerre en Europe.
«Tant que l’Autriche a paru disposée à agir avec impartialité et modération, elle a trouvé des amis; mais maintenant qu’elle a tiré l’épée et jeté le fourreau, ses gouvernants ne doivent pas être surpris de voir qu’un sentiment tout différent anime les gouvernants et le peuple d’Angleterre et des autres pays. Les bienfaits de la paix sont parfaitement compris et appréciés, et toute tentative inutile contre elle est assurée du blâme général. L’Autriche a été la première à provoquer la lutte, et ses gouvernants ne devront pas être surpris si leur crime leur attire une terrible rémunération.»
Le Morning-Chronicle partageait ce sentiment:
«Si la témérité de l’Autriche, dit-il, entraîne de fatales conséquences, notre médiation sera néanmoins toujours employée dans les véritables intérêts de la paix. La responsabilité retombera tout entière sur l’Etat qui, de propos délibéré, défie le jugement des autres Etats.»
«L’Autriche a jeté le fourreau, disait le Globe, et virtuellement, sinon de fait, déclaré la guerre à la Sardaigne. Les trois jours de grâce accordés doivent expirer demain, si ce n’est aujourd’hui. C’est dans ce mémorable anniversaire (le vendredi saint) que le chef du saint empire romain proclame la cessation de la paix!
«L’Autriche se verra non-seulement en opposition au Piémont et à la France, mais encore aux quatre Puissances collectivement, car elle aura méprisé leurs conseils, bravé leur autorité et foulé aux pieds leurs intérêts manifestes. Elle se sera fait tort aux yeux de tout le monde, et sera convaincue de fausseté en paraissant écouter et négocier.»
Plus explicite encore, le Constitutionnel terminait ainsi un article sur le même sujet:
«Comme ces fils de famille ruinés, l’Autriche a mis tout son enjeu sur une carte, et demande aux hasards de la guerre une fortune qu’elle n’a point su fonder pendant la paix. Elle croit, d’ailleurs, s’être ménagé les chances: voilà longtemps qu’en secret elle se prépare aux événements que sa conduite en Italie devait, tôt ou tard, faire éclater.
«Quand, le 1er janvier, l’Empereur laissait tomber une parole de tristesse et de regret, c’est qu’il suivait pas à pas la marche de cette politique. Ces armements continués sans relâche, cette ingérence absolue par toute l’Italie, cette opposition systématique, de divers côtés, aux vues généreuses de la France, tout lui révélait les périls plus ou moins prochains de la situation.
«Depuis, les grandes Puissances de l’Europe se sont unies pour conjurer la crise actuelle et ont participé à nos efforts. L’Autriche, se voyant surprise et contrariée, a jeté le masque, et n’a plus gardé de mesure; elle est allée du manque de foi à la colère, de la colère à la violence.
A son tour, le Daily-News s’écriait:
«L’heure est venue! Fier du commandement d’une armée immense, aveuglé par la servilité de certains hommes d’Etat, l’empereur d’Autriche brave le sentiment du monde civilisé et provoque la guerre.
«L’Autriche a rejeté la proposition d’un congrès, auquel toutes les autres Puissances et la Sardaigne avaient consenti. Elle n’ose pas soumettre à l’examen l’effroyable système qu’elle a suivi en Italie. Plutôt la guerre, plutôt même la défaite et les concessions forcées, que cette horrible flétrissure en face de l’Europe!
«Tout Anglais suivra la lutte de ses sympathies et de ses prières. Que ceux qui combattent pour leur indépendance sachent et sentent que nos cœurs sont avec eux, qu’ils soient convaincus que si le devoir nous défend impérieusement de nous mettre activement de leur côté, le jugement universel de celte nation libre condamne leurs ennemis, et que, quoi qu’il advienne, nulle épée d’Angleterre ne sortira du fourreau pour prolonger la tyrannie autrichienne en Italie. Que personne ne se laisse tromper par le langage de ministres en souffrance, car le peuple de ce pays confondra de honte et renversera tout cabinet assez osé pour ranger le nom et la puissance de l’Angleterre du côté du despotisme.»
«L’Autriche, disait le Morning-Post, a traité avec le dernier dédain les propositions faites par l’Angleterre. Qu’y a-t-il à faire?
«Nous répondrons, et nous avons la ferme confiance que la nation anglaise tout entière répondra, puisque l’Autriche a déclaré la guerre, qu’elle combatte avec l’Italie et la France! Notre rôle est d’observer la plus stricte neutralité et de faire nos efforts pour obtenir que toute l’Europe adopte la même ligne de conduite. Nous pouvons au moins nous opposer en ce moment à ce que la guerre se propage.
«La question qui était primitivement l’objet de la contestation est l’influence autrichienne sur l’Italie centrale, et la mauvaise administration des Etats italiens; elle prend maintenant de plus larges proportions. Par la guerre, les traités se trouvent abrogés et l’Autriche combattra maintenant pour l’anéantissement du Piémont, et l’affermissement de son empire en Italie; tandis que la France, la Sardaigne et le parti libéral s’efforceront de chasser les Autrichiens hors de toute la Péninsule. Le peuple d’Angleterre, outré des actes de tyrannie de l’Autriche, blessé de son attaque infâme, s’unira de sentiment à ce projet. Mais «neutralité » doit être notre devise, nous réservant d’employer la puissante influence de l’Angleterre au moment convenable.»
Les journaux belges jugèrent de même les prétentions et la conduite du cabinet de Vienne.
Le Nord s’exprima ainsi:
«Ce n’est pas au Piémont, ce n’est pas à la France seule que l’Autriche jette ainsi un défi insultant, c’est à toutes les grandes Puissances qui étaient intervenues pour éviter à l’Europe une guerre dont les calamités — si elle vient à éclater — retomberont sur le gouvernement qui n’a tenu aucun compte de l’intervention amicale de ces Puissances. L’Autriche aura à leur rendre compte de son entêtement si elle rejette encore le dernier moyen qui lui est offert de revenir sur ses pas.»
Le langage des autres feuilles ne fut pas moins explicite, même en Allemagne, où les intrigues de l’Autriche avortèrent misérablement. La Gazette prussienne, journal ministériel, constatait, dans un article qui produisit une vive sensation, que c’était grâce à l’Autriche qu’avaient échoué les efforts tentés sans interruption par les Puissances médiatrices pour maintenir la paix menacée.
Du reste, la Prusse avait formellement déclaré qu’elle ne regardait pas le différend soulevé entre les Etats de l’Europe par rapport à la domination autrichienne en Italie, comme intéressant la Confédération Germanique.
En ceci, le gouvernement prussien s’appuyait sur l’article 46 du pacte fédéral, ainsi conçu:
«Si un Etat fédéré, qui possède des provinces en dehors du territoire, commence une guerre, en sa qualité de Puissance européenne, cette guerre, qui ne touche point aux rapports et aux obligations fédérales, reste tout à fait étrangère à la Confédération.»
Ce texte précis s’appliquait parfaitement à l’Autriche.