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VII

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Dans la salle de la villa où reposait la statue, Giorgio Merula s'approcha de l'inconnu étrange.

—Vous cherchez la proportion divine? demanda Merula avec un sourire protecteur. Vous voulez ramener la beauté à une formule mathématique?

L'inconnu leva la tête et, comme s'il n'avait pas entendu la question, se replongea dans son travail.

Les branches du compas s'ouvraient et se refermaient, décrivant de régulières figures géométriques. Avec un geste calme, l'inconnu appliqua le goniomètre aux lèvres exquises d'Aphrodite,—ces lèvres dont le sourire emplissait d'effroi le cœur de Giovanni,—compta les divisions et les inscrivit dans un livre.

—Permettez-moi d'être indiscret, insistait Merula, combien de divisions?

—Cet appareil n'est pas exact, répondit l'inconnu à contre-cœur. Ordinairement, pour calculer les proportions, je divise la figure humaine en degrés, parties, secondes et points. Chaque division représente le douzième de la précédente.

—Vraiment! dit Merula. Il me semble que la dernière division est plus petite que l'épaisseur d'un cheveu. Cinq fois la douzième partie!

—Le point tierce, expliqua l'inconnu avec ennui, est la quarante-huit mille huit cent vingt-troisième partie de la figure.

Merula leva les sourcils et, souriant, incrédule:

—On vivrait un siècle, on apprendrait pendant un siècle. Jamais je n'aurais songé qu'on puisse atteindre à une pareille exactitude.

—Plus on est exact, mieux cela vaut! répartit son interlocuteur.

—Oh! certainement! répliqua Merula, bien que, savez-vous, en art, en beauté, tous ces calculs mathématiques... Je dois avouer que je ne puis croire qu'un artiste en plein enthousiasme, dominé par l'inspiration, pour ainsi dire sous l'influence directe de Dieu...

—Oui, oui, vous avez raison, acquiesça l'inconnu, mais il est tout de même curieux de sentir...

Et s'agenouillant, il calcula au goniomètre le nombre de divisions entre la naissance des cheveux et le menton.

«Sentir! songea Giovanni. Est-ce qu'on peut sentir et mesurer. Quelle folie! Ou bien il ne sent et ne comprend rien?...»

Merula, désirant évidemment toucher au vif son interlocuteur et faire naître une discussion, commença à louer la perfection des anciens: combien il serait profitable de les imiter. Mais l'inconnu se taisait et lorsque Merula se tut, il dit avec un sourire moqueur qui se perdit dans sa longue barbe:

—Qui peut boire à la source ne boira pas dans la coupe.

—Permettez! se récria l'érudit, permettez! Ou bien alors si vous considérez les anciens comme la coupe, où est la source?

—La nature! murmura l'inconnu.

Et quand Merula reprit nerveusement la conversation, il ne discuta plus, approuva avec condescendance. Seul, son regard devenait de plus en plus impénétrable et indifférent.

Enfin Giorgio se tut, à bout d'arguments. Alors l'inconnu désigna certains renfoncements dans le marbre, renfoncements que l'on ne pouvait voir, qu'il fallait découvrir à l'aide du toucher pour constater la délicatesse du travail:—moltissime dolcezze suivant l'expression de l'inconnu. Et d'un seul regard il enveloppa tout le corps de la déesse.

«Et moi qui croyais qu'il ne sentait pas! s'étonna Giovanni. Mais s'il est accessible à une sensation, comment peut-il mesurer et diviser par chiffres? Qui est-ce?»

—Messer, murmura Giovanni à l'oreille de Merula, écoutez, messer Giorgio. Comment se nomme cet homme?

—Ah! tu es là, moinillon! dit Merula en se retournant. Je t'avais oublié. Mais c'est ton idole. Comment ne l'as-tu pas reconnu? C'est messer Leonardo da Vinci.

Et Merula présenta Giovanni à l'artiste.

Le Roman de Léonard de Vinci: La résurrection des Dieux

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