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VIII

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Ils rentraient à Florence.

Léonard à cheval, allait au pas. Beltraffio marchait à côté de lui. Ils étaient seuls.

Entre les racines noires et tortueuses des oliviers se détachait l'herbe verte, semée d'iris bleus immobiles sur leurs tiges.

Le silence était profond comme il ne l'est qu'au début du printemps.

«Vraiment, est-ce lui?» pensait Giovanni, observant et trouvant intéressant le moindre détail dans son compagnon.

Il avait sûrement quarante ans sonnés. Lorsqu'il se taisait et pensait, les yeux, petits, aigus, bleu pâle sous des sourcils roux, paraissaient froids et perçants. Mais dans la conversation ils prenaient une expression d'infinie bonté.

La barbe blonde et longue, les cheveux blonds également, épais et bouclés, lui donnaient un air majestueux.

Le visage avait une finesse presque féminine et la voix, en dépit de la stature et de la corpulence, était étrangement haute, très agréable, mais ne semblant pas appartenir à un homme. La main très belle—à la façon dont il conduisait son cheval, Giovanni y devinait une grande force—était délicate, les doigts fins et longs comme ceux d'une femme.

Ils approchaient des murs de la ville. A travers la brume matinale, on apercevait la coupole de la cathédrale et le Palazzo Vecchio.

«Maintenant ou jamais! songeait Beltraffio. Il faut se décider et lui dire que je veux devenir son élève.»

A ce moment, Léonard, arrêtant son cheval, observait le vol d'un jeune gerfaut qui, guettant une proie,—canard ou héron dans le cours caillouteux du Munione—tournait dans les airs lentement, également. Puis il tomba rapidement comme une pierre, en poussant un cri, et disparut derrière les cimes des arbres. Léonard le suivit des yeux, sans laisser échapper un mouvement des ailes, ouvrit le livre attaché à sa ceinture et y inscrivit—probablement—ses observations.

Beltraffio remarqua qu'il tenait son crayon non dans la main droite, mais dans la gauche. Il pensa: «gaucher» et se souvint des récits que l'on colportait sur Léonard, insinuant qu'il écrivait ses livres à l'aide d'une écriture retournée que l'on ne pouvait lire que dans un miroir, non de gauche à droite comme tout le monde, mais de droite à gauche comme les orientaux. On disait qu'il le faisait afin de cacher ses pensées coupables et hérétiques sur Dieu et la nature.

«Maintenant ou jamais!» se répéta Giovanni.

Et tout à coup, il se rappela les paroles d'Antonio da Vinci: «Va chez lui si tu veux perdre ton âme: c'est un hérétique et un athée.»

Léonard, avec un sourire, lui indiquait un amandier, qui, petit, faible, solitaire, poussait sur le sommet de la colline et encore presque nu et frileux, s'était, de confiance, vêtu de son habit de fête blanc rosé, et scintillait, traversé par les rayons du soleil sur le fond bleu du ciel.

Mais Beltraffio ne pouvait admirer. Son cœur se débattait sous une étreinte lourde et vague.

Alors Léonard, comme s'il avait deviné sa peine, glissa vers lui un regard plein de bonté et murmura ces paroles que Giovanni souvent se rappela:

—Si tu veux être un artiste, repousse tout souci et toute peine étrangers à ton art. Que ton âme soit semblable au miroir qui reflète tous les objets, tous les mouvements, toutes les couleurs, en restant toujours, elle, immobile, rayonnante et pure.

Ils franchirent les portes de Florence.

Le Roman de Léonard de Vinci: La résurrection des Dieux

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