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2.1. Les projets d’organisation des années 1870

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Comme nous l’avons vu, l’organisation de l’organe d’aide à la conduite de l’armée du général en temps de guerre – l’Etat-major de l’armée – constitua la base de la réflexion concernant l’organisation de l’Etat-major général. Le Bureau d’état-major se livra à des études sur le sujet et un premier projet fut réalisé en 1874 déjà.39 L’auteur de ce document ne voulait pas créer ex nihilo une nouvelle organisation. Il se contentait de reprendre ce qui existait et de l’adapter aux changements survenus du fait de la nouvelle loi sur l’organisation militaire. Il prévoyait une structure en bureaux comprenant:

– le Bureau particulier du général;

– deux bureaux du chef de l’Etat-major comprenant:

– le Bureau principal

– le Bureau particulier

– six bureaux des services spéciaux auxiliaires:

– le Bureau du vétérinaire en chef

– le Bureau du médecin en chef

– le Bureau du chef du génie

– le Bureau du chef de l’artillerie

– le Bureau du chef de la cavalerie

– le Bureau du chef de l’infanterie

Le Bureau principal n’était pas une nouveauté. Dans l’organisation en vigueur à ce moment-là, il existait déjà. Toutefois, en raison de la masse de travail et de l’importance du bon suivi des activités, l’auteur de l’étude désirait renforcer son rôle et lui attribuer pour tâche la correspondance, la distribution des travaux, ainsi que la réception et le classement des travaux élaborés par les autres organes.

Le Bureau principal devait se composer de quatre sections. Tout d’abord, une Section du service et des rapports devait s’occuper de tout ce qui concernait les services, notamment, le Service de renseignements, en dehors, de ce qui était secret, et le commandement du Quartier général. A sa tête se trouvait l’adjudant général. La deuxième section, dite Section générale, constituait la Chancellerie de l’Etat-major de l’armée. La Section des opérations était considérée comme la plus importante et devait être dotée des meilleurs officiers. Elle était divisée en une Section des opérations proprement dite et trois sous-sections, la première, topographique et statistique, la deuxième, des chemins de fer et télégraphes, et, la troisième, historique. La dernière section était la Section du commissariat, chargée des approvisionnements généraux, des magasins, des transports et de la trésorerie.

Le Bureau particulier devait s’occuper de la correspondance particulière du chef de l’Etat-major de l’armée et établir les procès-verbaux des instructions orales du général. Il avait également pour tâche de traiter la partie secrète du Service de renseignements.

Enfin, les Bureaux des services spéciaux devaient s’occuper de tout ce qui concernait les effectifs, l’habillement, l’équipement et les armements, ainsi que des questions de tactique d’arme. Les chefs de ces bureaux constituaient le Conseil supérieur de l’armée, dont les attributions n’étaient pas précisées. De plus, ils avaient une fonction de commandement, car les troupes de leur arme, non réparties dans l’armée, leur étaient subordonnées.

Ce projet ne constituait qu’une simple étude. Diverses questions étaient laissées en suspens. Ainsi, l’auteur se demandait si l’organe chargé de l’envoi des ordres ne devrait pas être retiré de la Section générale et subordonné à la Section des services. Il s’interrogeait également s’il ne fallait pas créer un septième bureau pour le matériel de guerre, dont la gestion avait une importance capitale. Cette solution présenterait l’avantage de soulager le Bureau de l’artillerie qui en avait la charge. Une autre solution était également envisagée, celle de créer une section spécialisée dans ce service au sein du Bureau de l’artillerie.

A la fin de l’année 1875, Siegfried rédigea également un projet de prescriptions relatives à l’organisation de l’Etat-major de l’armée.40 Cet organe confié au commandant en chef pour assurer l’organisation, l’administration et la conduite de l’armée, devrait être mis sur pied par le Conseil fédéral dès qu’un nombre de troupes suffisamment important serait levé et un général élu. L’Etat-major de l’armée comprenait:

– le chef de l’Etat-major général;

– l’adjudant général;

– le commissaire des guerres de l’armée;

– le directeur du parc de l’armée;

– le chef d’exploitation des chemins de fer;

– le médecin de l’armée et le vétérinaire de l’armée;

– l’auditeur de l’armée et le directeur de la poste de campagne;

– le directeur du télégraphe de l’armée;

– des officiers EMG, de l’adjudance et des armes spéciales, des secrétaires d’état-major, etc.

L’organisation comprenait une structure en six subdivisions:

– l’Etat-major général;

– l’Adjudance, comprenant la Direction du parc de l’armée;

– le Commissariat des guerres de l’armée;

– la Direction du service sanitaire;

– la Direction du service vétérinaire;

– la Direction du service judiciaire.

L’Etat-major général comprenait quatre subdivisions, chacune dirigée par un officier EMG:

– la Chancellerie;

– la Section tactique;

– la Section technique;

– la Section des chemins de fer.

Siegfried faisait une différence de nature entre, d’une part, l’Etat-major général et l’Adjudance et, d’autre part, le Commissariat des guerres et les Directions des services sanitaire, vétérinaire et judiciaire. Pour lui, les tâches des deux premières subdivisions représentaient les tâches d’état-major général par excellence, tandis que celles des quatre autres revêtaient un caractère plus administratif. Leur fonctionnement devait être réglé par une instruction sur l’Etat-major de l’armée, alors que celui des quatre autres devait l’être dans des règlements spécifiques. Une autre différence résidait dans les modalités de nomination des chefs. Le chef de l’Etat-major de l’armée et l’adjudant de l’armée, obligés de collaborer d’une manière particulièrement étroite avec le général, devaient s’entendre avec ce dernier. Siegfried proposait donc qu’ils fussent nommés par le Conseil fédéral, sur proposition du général. Les chefs des autres subdivisions devaient, eux, au contraire, être désignés dès le temps de paix pour occuper des fonctions qui ne pouvaient pas, selon le chef de l’Etat-major général, être prises à l’improviste au moment d’une mobilisation. Un autre avantage de ce système était la possibilité, pour ces chefs de subdivision, de préparer les travaux en temps de paix déjà.

Cette organisation écartait totalement les chefs d’armes de l’Etat-major de l’armée. Selon Siegfried, ils ne pouvaient entrer en ligne de compte dans le personnel de l’Etat-major de l’armée et devaient rester à leur place au sein de l’administration. Le chef du Bureau d’état-major s’attelait également à régler certaines autres questions de subordination. Les chefs des subdivisions étaient directement sous les ordres du chef de l’Etat-major de l’armée et non du général. En revanche, ce dernier était le supérieur direct des commandants de division, même si son pouvoir pouvait être délégué au chef de l’Etat-major de l’armée.

Comme les autres études du Bureau d’état-major, celle de Siegfried ne déboucha sur aucune réalisation concrète. En mai 1876, le Département militaire fédéral prit donc l’initiative de mettre en circulation un dossier sur la question de l’organisation de l’Etat-major de l’armée.41 Cette intervention s’explique aisément. D’une part, selon l’article 64 de la loi sur l’organisation militaire, c’était à lui d’édicter une ordonnance pour réglementer l’organisation de l’Etat-major de l’armée. D’autre part, il devait coordonner les réflexions des différents acteurs qu’il chargeait de la question et qui devaient constituer une commission. Même si le chef du Bureau d’état-major devait jouer le rôle principal au sein de la commission, du fait qu’il avait pour mission de préparer un projet d’instruction sur le fonctionnement de l’Etat-major de l’armée, les autres membres auraient un poids considérable dans le processus de décision.

Parmi ces membres se trouvaient, en effet, le général Herzog et le chef d’arme de l’infanterie, le colonel Feiss, tous deux, d’ailleurs, adversaires déclarés de l’Etat-major général. Le premier avait tout le prestige et l’autorité que lui conférait sa fonction de commandant en chef de l’armée suisse au cours de la dernière mobilisation de l’armée. Le second occupait sans doute la fonction la plus importante de toute l’armée et partageait, avec le chef du Bureau d’état-major, la responsabilité de la préparation des travaux de mise sur pied et de concentration de l’armée. De plus, Feiss avait un caractère particulièrement difficile qui le poussait à tout vouloir diriger et contrôler.42

L’opposition, prévisible, entre les membres de la commission se manifesta rapidement.43 Le Bureau d’état-major réalisa un projet d’organisation en juillet 1876, prévoyant une structure comprenant:

– le général et son Bureau;

– le chef de l’Etat-major général et son Bureau;

– 5 sections (Etat-major général, Adjudance, Artillerie, Génie, Commissariat des guerres).

La Section d’état-major général coiffait quatre subdivisions: Chancellerie, Opérations, Technique, Chemins de fer. Les Opérations constituaient la subdivision principale, car elles devaient s’occuper notamment de l’ordre de bataille de l’armée, des reconnaissances tactiques, des marches et des mouvements, des dispositions de combat, des questions liées aux Conventions de Genève, de l’instruction des troupes et du Service des étapes. De leur côté, les commandants de division, les chefs d’arme et de service proposèrent leur propre projet en 1878.

Après deux ans et demi durant lesquels on ne parvint pas à se mettre d’accord, le processus fut relancé au début 1879.44 En mai, Siegfried envoya au chef du DMF une série de documents destinés à lui permettre de prendre sa décision en matière d’organisation de l’Etat-major de l’armée. Feiss avait réussi à imposer un projet d’ordonnance, mais le chef du Bureau d’état-major présentait nombre de critiques sur le document. Il existait une opposition fondamentale entre la conception de Feiss et celle de Siegfried. Le chef de l’infanterie ne voulait pas d’une structure définie à l’avance. Il considérait que l’organisation interne de l’Etat-major de l’armée et la répartition des tâches devaient être précisée au moment de la mobilisation. A l’opposé, le chef du Bureau d’état-major reprenait les principes définis dans son étude antérieure. Il souhaitait une organisation définie dès le temps de paix, qui offrait de nombreux avantages. Sans une organisation clairement définie au préalable, il était impossible de dire, d’après le projet d’ordonnance, qui devait faire partie de l’Etat-major de l’armée et combien d’officiers il devait comporter. Siegfried arguait également qu’avec la solution préconisée par Feiss, il était impossible de préparer les différentes personnes à leurs fonctions, déjà en temps de paix. Enfin, il soulignait la nécessité d’une organisation définie, qui permettrait, selon lui, d’améliorer et d’uniformiser le travail d’état-major et d’adjudance dans les divisions.

Siegfried désirait toutefois conserver une certaine souplesse. C’est pourquoi il préférait un texte plutôt sous forme d’instruction que d’ordonnance. Ainsi, le chef de l’Etat-major de l’armée et le général ne seraient pas absolument liés, au point de vue juridique, par l’organisation prévue et pourraient lui apporter des changements. Siegfried soulignait la nécessité de ne pas fixer d’une manière trop rigide l’organisation de l’Etat-major de l’armée et citait d’autres officiers qui pensaient comme lui, même si c’était pour d’autres raisons. Le colonel Rothpletz, commandant de la 5e Division et professeur à l’Ecole militaire de Zurich, voulait rester dans le provisoire, car il n’avait pas le temps de s’occuper de la question à ce moment-là. Siegfried mentionnait même Feiss qui, tout en étant d’accord sur le principe de l’ordonnance et proposant même un projet, demandait de ne rien fixer avant que le Règlement sur le service en campagne ne soit prêt.

Le chef du Bureau d’état-major sentait bien que sa position risquait de ne pas l’emporter à l’issue des débats. La maladie qui le retint chez lui les six derniers mois de sa vie l’a certainement empêché de défendre ses idées avec toute l’énergie et la disponibilité nécessaires. A la fin de l’année 1879, quelques semaines avant de mourir, il écrivit au chef du Département militaire fédéral que si le projet du chef de l’infanterie devait l’emporter, il faudrait lui apporter un certain nombre de modifications. Siegfried proposa diverses modifications d’organisation allant dans le sens d’un renforcement en matière de personnel et d’une meilleure intégration des services au sein de l’Etat-major de l’armée. Mais les deux propositions les plus importantes concernaient l’article 6. Siegfried cherchait à atténuer les effets des conceptions de Feiss en demandant qu’une organisation provisoire de l’Etat-major de l’armée et de ses activités soit au moins définie par le Département militaire fédéral.

La Suisse entre quatre grandes puissances

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