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4.3. Le Service de renseignements en Suisse

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Au début de l’année 1892, le Bureau d’état-major reçut la compétence d’organiser un Service de renseignements en Suisse, dans les régions frontière du pays.119 En raison du manque de moyens, on pensa à utiliser les services des employés de la Confédération en poste dans les régions limitrophes du pays: personnel de la poste et des douanes, gardes-frontière. Le système se mit en place dans les semaines suivantes; le territoire fut divisé en secteurs. Les premiers rapports arrivèrent au début du mois de mai de la même année.

Si le Service a fourni un certain nombre de résultats, par ailleurs fort difficiles à estimer vraiment en raison de l’état de conservation des archives, il a aussi posé des problèmes. Les fonctionnaires devaient en effet remplir, en même temps, leur fonction d’employé de telle ou telle administration et remplir des missions pour le compte du Service de renseignements. En 1898, le premier-lieutenant Dupraz, chef du corps des gardes-frontière, a envoyé à la Direction des douanes de Lausanne une lettre dénonçant les problèmes et les risques qui découlaient de cette situation. Il mentionnait que certains de ses agents, habillés en civil, étaient allés chercher des renseignements en territoire français pendant leurs heures de travail. Dupraz soulignait le fait que ses agents n’avaient pas rempli leur mission première et mettait en garde contre les risques diplomatiques qui pouvaient découler de ces pratiques, en cas de capture en pays étranger.

Le Service de renseignements de l’Etat-major général était conscient de ces difficultés. Il en tint compte lorsqu’il voulut étendre son réseau d’agents aux polices cantonales.120 Il insista sur le fait que les activités de renseignement ne devaient pas porter préjudice aux activités normales des services. De son côté, la Direction des douanes, principale administration concernée par la question, a pris des mesures pour faire face à la situation. En août 1902, elle a émis une instruction réglementant le service de renseignements des gardes-frontière.

L’Etat-major général, qui ne disposait d’aucun service de contre-espionnage, chercha à combler cette lacune qui avait déjà été signalée par le major Strohl en 1891.121 L’Etat-major général savait que les pays voisins, particulièrement l’Allemagne, disposaient de réseaux d’agents composés de nationaux vivant sur le territoire helvétique. Il ne possédait en revanche aucune information précise sur ces personnes et cherchait à les surveiller. Sans moyens matériels ou humains suffisants, le Service de renseignements ne pouvait qu’exploiter certaines occasions particulières. Ainsi, Strohl souhaitait profiter du changement d’attaché militaire allemand en Suisse. Il voulait surveiller le nouveau diplomate, car il pensait que ce dernier ferait la tournée de ses agents, ce qui permettrait de les découvrir.

En 1896, le Service de renseignements du Bureau d’état-major prit contact avec les polices cantonales, dans le but de bénéficier d’une collaboration de ces administrations en matière de contre-espionnage.122 L’Etat-major général voulait que les polices cantonales surveillent les personnes soupçonnées d’espionnage vivant en Suisse ainsi que les lâchers de pigeons voyageurs. Cette pratique était en effet interdite pour les pigeons étrangers depuis l’émission d’une circulaire par le Département militaire fédéral le 14 août 1890. Dans la zone frontière, les polices cantonales avaient aussi pour tâche de collecter des renseignements à l’étranger concernant les constructions en matière de voies de communication et de fortifications. Elles devaient encore signaler les mouvements de troupes repérés et donner des indications sur les personnes de confiance susceptibles de travailler en tant qu’agents de renseignement pour le compte de l’Etat-major général.

La documentation archivistique ne permet pas d’évaluer le fonctionnement de ce Service qui employait des fonctionnaires fédéraux et des fonctionnaires cantonaux. Nous possédons cependant une appréciation faite par Keller dans son mémoire de 1901 sur le Service de renseignements.123 Il considérait que cette structure avait fonctionné de manière passable, d’autant qu’elle n’avait pas nécessité de dépenses. Elle avait tiré toute sa force de la collaboration entre employés de l’administration.

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