Читать книгу La Suisse entre quatre grandes puissances - Dimitry Queloz - Страница 25
2.2. L’ordonnance sur l’organisation de l’Etat-major de l’armée du 7 mai 1880
ОглавлениеLa mort de Siegfried, survenue le 5 décembre 1879, entraîna un changement d’acteur important parmi les protagonistes chargés de rédiger le projet d’ordonnance. Son successeur à la tête du Bureau d’état-major, le colonel Rudolf von Sinner, nommé le 12 décembre, reprit le dossier. Le 14 avril 1880, il envoya au Département militaire fédéral un document présentant son avis sur le projet de Feiss concernant l’organisation de l’Etat-major de l’armée.45
Les idées de von Sinner étaient proches de celles de son prédécesseur. Tout comme lui, il voulait une organisation provisoire de l’Etat-major de l’armée, organisation qui pourrait être modifiée par le général ou le chef de l’EMA. Le nouveau chef du Bureau d’état-major soulignait aussi la nécessité de ne pas laisser la formation des officiers EMG et le travail d’état-major entre les mains des divisions et des brigades. Il amenait toutefois un nouvel argument de poids pour soutenir sa position. Dans les faits, le choix du chef de l’Etat-major général suivrait celui du général. Dès lors, un temps précieux s’écoulerait jusqu’à ce que l’Etat-major de l’armée soit effectivement organisé et dirigé. Une telle perte de temps pouvait être fatale. C’est pourquoi von Sinner souhaitait une organisation prédéfinie qui permettrait à l’Etat-major de l’armée de commencer à travailler efficacement, même si son chef n’était pas encore désigné.
Von Sinner désirait également renforcer la structure de l’Etat-major de l’armée et mieux définir les positions et les compétences de certains de ses membres. En premier lieu, il souhaitait que l’on adjoignît un sous-chef à l’Etat-major de l’armée et que l’on définît un cadre de compétence particulier pour l’adjudant-général, qui ne devait pas être un simple remplaçant du chef de l’Etat-major de l’armée. Von Sinner voulait également préciser la place que devaient occuper les hauts officiers du génie et de l’artillerie que le projet de Feiss prévoyait d’incorporer. Il préconisait de créer un «haut commandement» pour chacune de ces armes et de les mettre à leur tête. Ces «hauts commandements» auraient pour double tâche de contrôler l’engagement tactique de leur arme et de conduire de manière centralisée et unifiée les moyens et les troupes qui ne seraient pas directement subordonnés aux grandes unités. Enfin, von Sinner pensait que la Direction des étapes ne devait pas être intégrée à l’Etat-major de l’armée, mais qu’elle devait relever du Département militaire fédéral. En revanche, il considérait que les directeurs de la poste et du télégraphe de campagne devaient être incorporés à l’Etat-major de l’armée.
La plupart des idées de von Sinner furent reprises dans l’ordonnance du Conseil fédéral sur l’organisation de l’Etat-major de l’armée du 7 mai 1880.46 Ainsi, un sous-chef d’état-major fut intégré dans l’organisation, avec la fonction de chef de la Section d’état-major général. De même, les directeurs de la poste de campagne et des télégraphes furent adjoints à ce dernier, tandis que la Direction des étapes en était exclue. Le chef de l’Etat-major général pouvait, en outre, modifier la structure prévue et l’organisation du travail de l’Etat-major de l’armée, sous réserve de l’approbation du commandant en chef de l’armée.
La structure et l’organisation étaient ainsi définies de manière très générale. Le texte de l’ordonnance, essentiellement une liste des membres de l’Etat-major de l’armée, donne plus la composition de ce dernier que son organisation véritable ou la répartition du travail entre ses différentes composantes. Le Département militaire fédéral recevait d’ailleurs la compétence de fixer provisoirement ces deux derniers éléments.
L’organisation générale définie par l’ordonnance de 1880 resta en vigueur jusqu’en 1912. Le Bureau d’état-major étudia toutefois la mise en place d’une structure plus précise et chercha à mieux définir les tâches. Après un premier projet, comprenant quatre sections, Opérations, Expédition, Transports, Entretien et rétablissement, réalisé, semble-t-il, par Victor Burnier et qui ne dépassa pas ce stade,47 ce fut l’exemple de l’état-major prussien, plus spécifiquement celui du corps d’armée, qui servit de modèle.48 La qualité de son travail et son efficacité au cours de la guerre franco-allemande de 1870–1871 n’impressionnèrent pas seulement les militaires helvétiques. A l’époque, la plupart des armées européennes calquèrent l’organisation de leur Grand Etat-major sur celui de la Prusse. Le chef de l’Etat-major de l’armée était l’aide et le conseiller direct du général pour les grandes opérations et il se trouvait à la tête de l’organe central de la direction de l’armée. Il avait, sous sa direction, deux domaines de responsabilité: le renseignement et l’espionnage, pour lesquels son Bureau disposait de deux officiers EMG en tant qu’adjudants. Le service d’état-major général n’était pas du ressort de ce Bureau, mais était attribué à l’une des subdivisions de l’EMA, l’Etat-major général. Ce dernier, dirigé par le sous-chef de l’Etat-major de l’armée, se divisait en trois sections.
La première d’entre elle était la Chancellerie, à laquelle étaient subordonnés le directeur de la Poste de campagne et le directeur des Télégraphes de campagne. La deuxième, la plus importante, en raison de ses missions et de son effectif de quatre officiers EMG, était celle des Opérations. Elle s’occupait des ordres concernant les marches, les cantonnements, le combat, l’instruction de la troupe, etc. Elle devait aussi diriger les reconnaissances nécessaires. Elle devait également tenir le journal des opérations et comprenait encore dans son domaine de compétence tout ce qui avait trait au domaine juridique. Enfin, la Section technique était chargée de collecter et d’assurer la gestion de la documentation: mémoires de reconnaissance, études sur la défense et les travaux de destruction, cartes, statistiques économiques, etc.
Tableau 2: Organisation de l’Etat-major de l’armée selon l’ordonnance du Conseil fédéral du 7 mai 1880
Parallèlement à l’Etat-major général, la structure prévoyait d’autres subdivisions. A la tête de celle des chemins de fer se trouvait le directeur en chef de l’exploitation qui avait sous ses ordres trois officiers de l’état-major des chemins de fer. Les armes et les différentes branches de l’administration étaient également représentées. L’infanterie et la cavalerie avaient leur représentant en la personne de l’adjudant-général, lui-même colonel d’infanterie. Le cercle de compétences de l’adjudance touchait avant tout à la marche du service. Selon Keller, ses activités se situaient à un niveau inférieur à celles de l’Etat-major général et comprenaient trois domaines: la conduite des rapports, la transmission des ordres et des annonces, le soutien à l’Etat-major général. Directement subordonné au général ou au chef de l’Etat-major de l’armée, l’adjudant-général dirigeait l’adjudance de l’EMA et avait la haute direction sur tout ce qui avait trait à la police et la discipline dans l’armée. Sous son autorité directe se trouvaient la Section des services et le commandement du Quartier général.
L’artillerie et le génie avaient également leur représentant auprès de l’Etat-major de l’armée. Le premier assumait la direction du train et celle du parc. Le colonel du génie était chargé de la surveillance de l’emploi et de l’instruction des troupes du génie et des pionniers de l’infanterie, ainsi que de la préparation des projets de travaux du génie devant être réalisés en dehors des divisions. Un Commissariat, divisé en quatre sections, se chargeait des questions de ravitaillement, de cantonnement, d’habillement, d’équipement et de comptabilité. Enfin, l’Etat-major de l’armée comprenait encore le médecin de l’armée, le vétérinaire de l’armée et l’auditeur de l’armée, à la tête chacun d’un service respectif.