Читать книгу Le livre de l'exilé, 1851-1870 - Edgar 1803-1875 Quinet - Страница 10
ОглавлениеMes Joies.
Il me plaît de ne pas voir ce qu’ils font, de ne pas entendre ce qu’ils disent.
C’est ma joie de ne pas voir ma terre natale souillée par le parjure, ni les fleurs rouges du sang versé par les homicides.
C’est ma joie de ne pas voir lé sourire imbécile de la foule devant son maître, ni les courbettes de mes frères devant ceux qui les fouettent comme un troupeau.
C’est ma joie de ne pas voir un peuple nouveau ramper comme un serpent, sous le pied du chasseur.
C’est ma joie de ne pas voir la grande nation que j’ai aimée se prostituer sous ses arcs de triomphe.
C’est ma joie de ne pas entendre ses éclats de rire et ses chansons, au coin des rues, pendant qu’on entraîne ses enfants et qu’on les lie dans les déserts, d’où ils ne reviendront pas.
C’est ma joie de ne pas entendre un peuple de sophistes démontrer au monde en ricanant, que l’infamie c’est la gloire, que la servitude c’est la liberté, que le poison c’est le remède.
C’est ma joie de ne pas voir mes frères vendre l’espèce humaine pour moins de trente deniers.
C’est ma joie de ne plus entendre cette langue que j’ai aimée, car ils en ont fait un sifflement de reptiles, dans les ruines de la justice.