Читать книгу Le livre de l'exilé, 1851-1870 - Edgar 1803-1875 Quinet - Страница 9

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IV

Table des matières

Béni soit l’Exil!

Béni soit l’exil! Qui m’eût enseigné ses bienfaits, si je ne les eusse éprouvés?

En me mettant en dehors des lois de protection qui sont faites pour tous, il m’apprend à chercher mon appui là où l’homme ne peut m’atteindre.

En me traitant comme la feuille détachée que le vent chasse devant lui, sans qu’aucune terre ensemencée veuille la recevoir, il m’apprend à m’enraciner dans le sol qu’aucune tempête n’assiège.

En me refusant l’abri, le toit, le foyer, il m’apprend à bâtir ailleurs la maison de mon àme.

On nous a mis au ban de l’espèce humaine. J’accepte de grand cœur; et certes, si je ne consultais que mon goût particulier, je ne pourrais faire un vœu pour que cet état de choses vint à changer.

Les hommes, en me confinant hors des relations humaines, m’ont affranchi. J’étais l’esclave de leurs fantaisies; je dépendais de leur humeur; je faisais partie de leur amusement.

Ils ont retranché de ma vie tout ce qui était artificiel; ils m’ont rendu à la liberté première! Tous les filets d’araignée que la conversation, la mode, le préjugé, avaient tendus autour de moi, sont rompus. Mes heures se dépensaient avec eux en un frivole commerce, où leur âme et la mienne n’étaient presque jamais pour rien.

Je suivais le front bas leurs croyances, leurs illusions; ils m’ont délivré en un moment de tout cela. Ils m’ont ramené de force à ce qu’il y a de mieux en moi-même! Les fausses affections sont tombées; tous les masques ont disparu. Rien ne reste que ce qui est bâti sur le roc.

Oh! quel bienfait j’ai reçu!

Ils ont fait de ma vie une ile séparée de leurs iniquités; ils ont creusé tout autour un abîme infranchissable.

A peine si leur voix m’arrive. Ils ont mis des gardiens autour de cet abîme. Toute une armée veille sur ses bords, et chacune de leurs précautions m’assure contre eux-mêmes! Puissent-ils élever une muraille d’acier, afin que leurs pensées aux ailes rampantes ne parviennent pas jusqu’à moi!

Ils ont fait de ma vie une île sacrée où n’aborderont plus les vaines douleurs, les trompeuses espérances, les amitiés d’un jour, les regrets éternels! Un blanc troupeau de cygnes venus des rives de l’Éternité, se joue autour de la barque échouée.

O mon âme, quand tu auras égalé la blancheur des cygnes, ils te ramèneront dans la patrie perdue!

Le livre de l'exilé, 1851-1870

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