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VI

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Sympathies argentines

9 avril 1915.

Parmi les nations neutres, une des plus intéressantes est, sans contredit, la République Argentine.

Elle fait honneur à la race latine par la puissance et les succès de son activité. Mais ce n’est pas seulement la richesse du peuple argentin qu’on admire: c’est aussi son intelligence, sa haute culture.

Cette culture est surtout française.

Notre langue, nos livres, nos idées sont en honneur dans l’Argentine, et on se rappelle avec quelle sympathie nos conférenciers y ont été écoutés, applaudis.

Mais les Allemands ont, depuis longtemps, avec leur ténacité méthodique, entrepris la conquête économique de l’Argentine, comme ils ont entrepris la conquête économique de toute l’Amérique du Sud. Ils ont même entrepris, en un certain sens, une sorte de conquête militaire, en essayant de germaniser l’esprit et les méthodes de l’armée argentine. On m’assure que beaucoup d’officiers argentins sont ou étaient germanophiles.

Ces germanophiles mènent, ont mené grand bruit. Ils déchantent, maintenant que l’Allemagne voit s’évanouir son rêve de domination mondiale. Les sympathies françaises s’affirment plus nettement à Buenos-Ayres.

Mais il faut qu’on sache qu’elles ne se sont jamais tues.

Nous sommes heureux de signaler l’amitié qui est témoignée à la France par le grand journal démocrate de Buenos-Ayres, El Diario, amitié désintéressée s’il en fut: car la République française se borne à avoir raison et laisse aux Allemands d’autres moyens de capter la bienveillance de la presse.

Certes, à être francophile aujourd’hui que la victoire finale des alliés n’est pas douteuse, il n’y a pas de mérite.

Mais le Diario a prédit la victoire de la France à l’heure sombre et louche, quand les Allemands marchaient sur Paris.

Dans son numéro du 9 septembre 1914, alors qu’il ne pouvait connaître la victoire de la Marne, le Diario a pris parti pour la France, qu’il compare à Athènes, contre l’Allemagne, qu’il dénonce comme étant «sans morale, sans justice, sans liberté, sans humanité ».

Après avoir fait l’éloge de la Révolution française et de notre démocratie, l’écrivain argentin salue «cette France grandiose, celle des grands jours de l’histoire, qui, si elle se laisse déprimer par les catastrophes et les infortunes, se relève bientôt, inespérément vigoureuse (inesperadamente vigorosa), superbe et radieuse, l’étonnement de son siècle. Ainsi, elle se débat superbement et repousse le terrible monstre germanique déjà sous Paris. La désolation, la mort et l’incendie sont dans tout le Nord-Est: mais elle oppose à la formidable invasion des nouveaux barbares ses trois millions de soldats-citoyens, aidés par des Anglais, des Belges et des Russes». Au moment où Paris se hérisse de canons et de fusils pour sa défense, le télégraphe apprend au Diario que la ville «superbe et enchanteresse», en vraie cité athénienne, «n’oublie pas la sauvegarde du plus beau morceau de marbre que le ciseau humain ait sculpté : elle a blindé la Vénus de Milo!... Ne reconnaît-on pas la France à ses traits typiques d’Athènes? Ne la voit-on pas avec son aréopage de savants de l’Institut Pasteur, de l’Académie, de la Sorbonne, de Saint-Cyr, avec son parlement, ses artistes, sa gracieuse hospitalité et son altruisme généreux et humanitaire?... La France de Voltaire et de 89 est l’Athènes de Périclès. Sa gloire mondiale est attachée à la Déclaration des Droits, à son drapeau tricolore et à sa Marseillaise, émancipatrice de tous les opprimés de la terre. Les premières paroles de son hymne immortel: Allons enfants de la Patrie, élèvent les déchus vers la liberté, tandis que Deutschland uber alles, abaisse les nations...».

Conclusion:

«La cause d’Athènes et de la France est la cause de la civilisation et du droit. C’est pourquoi elle triomphera au milieu d’applaudissements unanimes.»

Eloquent en soi et par sa forme, cet acte de foi en notre nation est encore plus éloquent par sa date. C’est quand la France semblait écrasée que l’écrivain argentin a salué sa vie et prédit sa victoire.

Cet écrivain argentin, qui a si admirablement pris le parti de la France, c’est M. Barroetavena, professeur à la Faculté de droit de Buenos-Ayres, ancien député, démocrate ardent et éclairé (car dans toutes les nations latines ce sont les hommes de progrès qui sympathisent avec la France).

Ces sympathies argentines, si noblement exprimées, nous remplissent de joie et de fierté.

(Guerre Sociale du 9 avril 1913)

La guerre actuelle commentée par l'histoire

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