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I

Table des matières

Raisons historiques de notre confiance

25 novembre 1914.

Si nous nous croyons certains du succès final, ce n’est point par orgueil présomptueux ou par acte de foi irraisonné, c’est parce que nous avons une vue claire de la réalité actuelle, et aussi parce que nous connaissons l’histoire de notre pays, parce que nous savons que la France, en 1792 et 1793, repoussa l’invasion allemande, quoique les conditions de la défense nationale fussent bien moins bonnes qu’elles ne le sont en 1914.

Comparons la situation d’alors à celle d’aujourd’ hui.

Quand les Austro-Prussiens entrèrent en Champagne, marchant sur Paris, en 1792, la France n’avait à leur opposer, en tout, qu’une armée de quatre-vingt mille hommes environ, démoralisée, divisée, affaiblie, et les volontaires, plus tard redoutables, ne semblaient être encore qu’une foule indisciplinée. Aujourd’hui, nous avons le nombre, l’unanimité d’ardeur patriotique, la discipline, la force morale, la force physique.

En 1792 et en 1793, tous les Français ne voulaient pas sauver la France. Une partie de la France avait émigré et se battait, dans les rangs de l’ennemi, contre la France. Une insurrection royaliste, en Vendée, en Bretagne et ailleurs, poignardait dans le dos l’armée française.D’autres insurgés livraient Toulon à l’ennemi. Aujourd’hui, la France est unanime à défendre la France. Les descendants des émigrés, les descendants des Vendéens combattent sous le drapeau tricolore, dans les rangs républicains, contre cet envahisseur avec lequel leurs aïeux pactisaient. La Vendée, la Bretagne rivalisent de patriotisme avec les autres départements français. Il n’y a plus qu’une France.

Lors de cette première invasion austro-prussienne, l’armée française se méfiait de ses chefs, de ses officiers. Beaucoup étaient suspects de connivence masquée avec l’étranger. Ainsi, en 1793, le général Dumouriez, qui opérait en Belgique à la tête de la principale armée française, trahit la France, passa à l’ennemi. D’autres généraux trahirent aussi. Aujourd’hui, il n’est pas un soldat qui n’ait la plus absolue confiance dans le patriotisme des généraux. La seule idée qu’il puisse y avoir un général qui ne mérite pas cette confiance pourrait-elle entrer dans le cerveau d’aucun des combattants, d’aucun des non-combattants? Chefs et soldats, fraternellement unis dans la patrie, ne forment qu’une âme comme ils ne forment qu’une armée, et cette armée, c’est la France même, la France unanime à défendre sa vie et l’humanité contre les barbares.

En 1793, nous n’avions pas seulement à supporter le choc allemand: nous étions envahis par les Anglais, par les Espagnols. La Russie, le Piémont, presque toute l’Europe, se coalisaient avec nos ennemis contre nous. Aujourd’hui, les Anglais et les Russes sont nos alliés, des alliés si unis à nous et si unis entre eux, avec le concours des admirables Belges, des héroïques Serbes, des ardents Monténégrins, que cette union ne constitue, au vrai, qu’une seule armée: l’armée de l’Europe assiégeant la tyrannie de l’Allemagne, pour assurer la liberté de l’Europe, dont l’indépendance de la France est la pierre angulaire. Aujourd’hui, ces Espagnols qui, en 1793, avaient conquis une partie du sol français, gardent une neutralité loyale, et ces Piémontais, devenus l’Italie une, affirment et développent une neutralité bienveillante.

Si donc l’on compare les conditions où nos aïeux, les hommes de la Révolution française, eurent à défendre la patrie envahie, aux conditions où nous combattons aujourd’hui, on peut dire que la situation est retournée en notre faveur, et que les chances qui étaient alors contre nous sont maintenant pour nous.

Mais ce qui est intéressant, instructif, encourageant, c’est qu’avec ces mauvaises chances, dans ces déplorables conditions, les patriotes de 1793 et de l’an II obtinrent la victoire par l’ardeur et la ténacité de leur patriotisme, par les mêmes qualités qui se retrouvent toutes, pures et identiques, dans les Français d’aujourd’hui. Nous, dont la situation est bien meilleure et qui avons le même sang dans les veines, quand nous déclarons que nous avons confiance dans le succès final et que, nous aussi, nous sauverons la patrie, est-ce que nous ne formulons pas la vérité même, la vérité raisonnable, la vérité historique?

Ces aïeux, ces héros de la Révolution française, au milieu de la mitraille et des difficultés, s’encourageaient à dire en riant: Ça ira! Nous autres, gaîment Français comme eux, nous sommes fondés à dire, non seulement: Ça ira, mais: Ça va!

(Révolution française de décembre 1914). — M. le Ministre de la Guerre m’ayant fait l’honneur de me demander ma collaboration au Bulletin des armées de la République, je lui ai envoyé l’article qu’on vient de lire. Cet article a paru, avec quelques suppressions, dans ce Bulletin, numéro du 25 novembre 1914.

La guerre actuelle commentée par l'histoire

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