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XI

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Exemple du Comité de salut public

12 juillet 1915.

Dans son éloquent article: Des canons! des munitions! où il demande une simplification des rouages administratifs pour la défense nationale, M. Charles Humbert a bien voulu invoquer mon témoignage d’historien.

Il est sûr que c’est en simplifiant l’administration française en général, et l’administration de la guerre en particulier, que le Comité de salut public, en l’an II, sauva la France.

Ce Comité de salut public, organe de la Convention, c’était le véritable «ministère» d’alors, tout comme notre ministère d’aujourd’hui, organe des deux Chambres, est ou doit être le Comité de salut public de la France luttant pour son existence. Robespierre, qui en avait la présidence réelle, était un ministre sans portefeuille, comme l’est M. Viviani, et, tout comme M. Viviani, mais avec une éloquence de qualité moins fine, il exprimait à la tribune l’idéal et l’unité du gouvernement.

Dans ce gouvernement, la défense nationale était surtout dirigée, administrée par Carnot, vrai ministre de la guerre, par Prieur(de la Côte-d’Or), vrai ministre de l’artillerie, par Robert Lindet, vrai ministre de l’intendance, par Jeanbon Saint-André, vrai ministre de la marine, qui avaient à faire alors ce que font aujourd’hui MM. Millerand, Thomas, Thierry, Godard, Augagneur.

Eh bien, ces hommes, en qui nous voyons des géants, quoiqu’ils ne fussent point d’une stature exceptionnelle (sauf peut-être Carnot), ces illustres sauveurs de la patrie en l’an II, faillirent, au début, être paralysés par la bureaucratie, par la paperasserie.

Le 10 octobre 1793, au nom du Comité, Saint-Just dit à la Convention:

«Vous devez diminuer partout le nombre des agents, afin que les chefs travaillent et pensent. Le ministère est un monde de papier. Je ne sais point comment Rome et l’Egypte se gouvernaient sans cette ressource. On pensait beaucoup, on écrivait peu. La prolixité de la correspondance et des ordres du gouvernement est une marque de son inertie; il est impossible que l’on gouverne sans laconisme. Les représentants du peuple, les généraux, les administrateurs sont environnés de bureaux comme les anciens hommes de palais. Il ne se fait rien, et la dépense est pourtant énorme. Les bureaux ont remplacé le monarchisme; le démon d’écrire nous fait la guerre, et l’on ne gouverne point.» Ainsi parla Saint-Just, et la Convention l’applaudit.

Mais si le Comité de salut public s’était borné à des plaintes ou à des aveux, si les conventionnels n’avaient ambitionné d’autre gloire que d’ajouter des pages au Conciones, la bureaucratie aurait continué, en compliquant tout, à annihiler l’effort de défense nationale, à stériliser l’héroïsme du peuple.

Les hommes de l’an II ne se bornèrent pas à bien parler: ils surent vouloir, ils surent agir, ils surent oser.

Ils firent contre la bureaucratie un grand coup révolutionnaire.

Détruisant la fiction constitutionnelle de la séparation des pouvoirs, ils supprimèrent ces ministères qui, sous le nom de Conseil exécutif provisoire, n’étaient que la vieille bureaucratie, complexe, tyrannique et impuissante. Ils érigèrent le Comité de salut public en véritable ministère et, sous ses ordres, ils créèrent, de toutes pièces et tout d’un coup, avec le nom de Commissions exécutives, douze organismes administratifs aux ordres du Comité, absolument et entièrement à ses ordres.

Ces commissions étaient composées chacune seulement d’un commissaire ou deux, avec quelques chefs de bureau, en tout petit nombre, quelques expéditionnaires, en tout petit nombre. Mot d’ordre: célérité, et simplification.

Par exemple, si Prieur (de la Côte-d’Or) faisait prendre un arrêté sur la fabrication des munitions, — et il ne le prenait qu’après s’être entouré de toutes les lumières, de tous les conseils compétents, — jamais, dans aucun cas, cet arrêté n’était remis en question par qui que ce soit; il n’y avait nul conflit de compétences ou d’incompétences: le commissaire de la Commission des armes et poudres faisait exécuter l’arrêté sur-le-champ.

Et comment s’assurait-on que cette exécution se faisait, à la manufacture d’armes, dans les conditions voulues, dans le temps voulu? Chargeait-on les bureaux de ce contrôle? Non: on envoyait un représentant en mission, à Saint-Etienne par exemple, et ce représentant assurait effectivement la fabrication, la livraison au jour dit, étant armé de pleins pouvoirs, de pouvoirs illimités, pour lever les difficultés, passer par-dessus les règlements, punir la négligence (la prison, ou cinq ans de fers, ou parfois l’échafaud), récompenser le zèle, en un mot pour faire aboutir.

On aboutissait, parce qu’on agissait révolutionnairement, comme il le faut dans un pays envahi, c’est-à-dire par d’autres procédés qu’en temps de paix, par des procédés simples, énergiques, des dictatures individuelles à la tête de chaque grand service; peu d’employés, pas de paperasserie, des sanctions immédiates et inéluctables, sanctions de gloire ou d’infamie.

La guerre est chose révolutionnaire: vouloir la faire avec les formes et les moyens de la paix, c’est folie.

Révolutionner, c’est simplifier. Simplifier, c’est aboutir.

Aujourd’hui comme en l’an II, c’est seulement par cette simplification des rouages de la défense nationale que sera hâtée la victoire du peuple

français.

(Journal du 12 juillet 1915.)

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