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Roark

Les chaînes ont entaillé mes poignets jusqu’à l’os, j’ai de la fièvre. Je suis attaché à un épais poteau de bois qui traverse la tente des Drovers dans toute sa longueur. J’ai été battu, privé de nourriture, torturé pendant quatre longues journées, les Drovers n’ont toujours pas révélé les motifs de leur attaque, ni ce qu’ils attendent de moi.

Je suis surpris d’être encore en vie. Les Drovers n’ont pas pour habitude de faire des prisonniers. Ni de les torturer. Ils préfèrent frapper et s’enfuir. Tuer sans distinction aucune, ne laisser aucun survivant. Une demande de rançon peut-être ? Je n’ai pas vu d’autres prisonniers. Je suis le seul captif. Pourquoi ? Pourquoi suis-je encore en vie ?

Quelque chose a changé, quelque chose de fondamental pour l’avenir de mon peuple. Les Drovers emploient de nouvelles méthodes, je dois savoir pourquoi. Je ne peux pas rester suspendu dans cette tente comme un vulgaire morceau de barbaque. Je me souviens d’être parti à la recherche de mes parents, j’ai appris qu’ils avaient bien été téléportés comme prévu. Ils sont sains et sauf sur Xalia.

J’essaie d’ôter le sable qui me dessèche les yeux, je cligne lentement des yeux, mon cœur n’est que douleur.

Je ne pense qu’à Natalie. Ma Natalie. Ma femme.

Elle leur a échappé. J’en ai la certitude. S’ils la détenaient, ils s’en seraient servi pour faire pression contre moi, ils l’auraient amenée ici et l’auraient torturée devant moi. Ils s’en seraient servie pour me faire abdiquer. Et dieu sait qu’ils y seraient parvenus. J’ai goûté le paradis entre ses bras. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour la protéger.

Je dois partir à sa recherche. Elle est seule sur Trion. Elle ne connaît personne. Putain, elle est arrivée sur cette planète il y a quelques jours à peine. La distance qui nous sépare est plus douloureuse que le châtiment corporel infligé par les Drovers. Je survis en pensant à elle. Elle est ma motivation, mon moteur pour rester vivant. Je lui ai promis de pas la laisser seule, de la protéger, chaque minute qui passe, le moindre battement de mon cœur est un échec.

Je ne peux pas rester enchaîné. Je dois m’échapper. Je fulmine, nos soleils se couchent, la nuit tombe. Il n’y a pas de lumière sous la tente, la faible lueur du crépuscule pénètre difficilement à travers l’épaisse toile de tente. Mes yeux s’habituent à l’obscurité, un pan de la tente s’ouvre, laissant passer un Drover. Ils sont venus en groupe le premier jour, probablement inquiets que je me batte. Ils sont désormais sûrs d’eux, tout fiers de m’avoir maté, de briser peu à peu mon corps.

Ils se trompent. Leur lenteur me permet de reprendre des forces. Mes muscles affaiblis se gorgent d’adrénaline. Je serre les poings, prêt à bondir.

Le Drover ne me regarde jamais en face, il tient son pistolet laser d’une main et de l’autre, utilise une clé pour défaire la chaîne qui entrave mes poignets. Sa puanteur âcre et amère me remplit les narines. La sueur et des huiles amères me brûlent le nez. Ces bâtards sont pires que des animaux, ils sont prêts à tuer pour le moindre kopeck. Je vais me battre contre lui mais pas ici, pas sous la tente. Il faut que je sache combien ils sont. Je sais en gros combien ils sont, je les ai comptés lorsqu’ils m’ont traîné dans une autre tente pour me battre. Les Drovers qui m’ont amené là-bas ne font pas partie d’un groupe très étendu, ils vivent sous les tentes d’un campement nomade.

On me décoche un coup entre les épaules, je tombe à l’extérieur, il fait frais. Dehors, je ne vois que de faibles lanternes accrochées à des pieux en bois. Tout est calme, hormis la respiration des nox, les grands animaux dont ils se servent comme moyen de transport. Les bêtes gigantesques sont enfermées dans un enclos non loin de là. Ce calme ne me dit rien qui vaille. Les Drovers ne parlent pas pour rien, ils ne sont pas sociables pour deux sous, aucun bruit ne provient des tentes, d’autres ennemis sont embusqués, hormis celui qui me pousse devant lui.

Le sable est chaud sous mes pieds nus. J’avance précautionneusement, je reste sur mes gardes et surveille les alentours. Je pourrais facilement me débarrasser de ce Drover si j’agis sans bruit.

Je pivote avant d’arriver à la tente, mon coude heurte son poignet et dévie la trajectoire du pistolet laser pointé sur moi. Son bras se retrouve contre ma hanche, le pistolet bloqué. S’il tire, tout le campement l’entendra. Je dois faire vite. Vif comme l’éclair, je lève les bras au-dessus de ma tête et passe mes mains liées autour de son cou. Il est petit, comme tous les Drovers, je le dépasse largement. Je passe mes mains autour de son cou et serre. Je le soulève vers le ciel sombre, pète sa trachée, étouffant son appel au secours. La douleur qui vrille mon épaule gauche me fait grimacer mais je continue. Je ne relâche pas ma prise, l’étrangle, tourne brusquement sa tête et brise sa nuque.

Je dénoue mes bras et le laisse s’affaler dans le sable. Mort. Je me penche pour ramasser son pistolet laser et scrute le périmètre. Mon genou droit me fait un mal de chien. Je respire par à-coups, j’essaie de faire le moins de bruit possible en dépit de la douleur lancinante. Personne.

Je le fouille et trouve les clés de mes menottes. Je libère mes poignets le plus rapidement possible et jette au loin les courroies en cuir, le sable mouvant du désert les recouvrira bientôt. Je me tiens à l’écart de la lumière des lanternes, je me fie au bruit des nox, ils constituent ma seule chance de m’échapper. J’ouvre facilement l’enclos de fortune, me dirige vers l’animal le plus à l’écart et trouve un seau rempli d’eau. Je me fiche que le nox ait bu dedans. J’ai quasiment pas bu depuis le début de ma captivité. Je me laisse tomber sur mon genou valide, je prends l’eau dans mes mains et bois. Ma soif étanchée, je me lève et tire l’animal par sa longe. Je défais la corde qui ferme l’enclos et attire le nox à l’extérieur. Je m’éloigne suffisamment du campement afin qu’aucun grognement ou signe de protestation de l’animal n’alerte mes ennemis, et me hisse sur son dos.

La douleur me coupe le souffle et attise mes blessures. J’ai le genou en vrac, une entorse probablement. Un doigt cassé. Des commotions. Plusieurs côtes cassées. Ils ont lacéré mes cuisses au couteau, mon dos porte les marques du fouet. Je suis brûlant de fièvre, sûrement un poison Drover ou une infection, je n’en sais rien. Des couleurs bougent devant mes yeux et se détachent sur la noirceur de la nuit du désert, l’animal avance en ondulant sous mes jambes. Je plante les talons dans les flancs poilus de l’animal et lutte pour rester conscient, le gentil géant progresse à pas lents en plein désert.

Je meurs de faim et je suis déshydraté. Je dois rejoindre l’Avant-poste Deux et le terminal de téléportation avant de succomber, tomber dans le sable et me faire piétiner par le nox. C’est le seul chemin pour rentrer, pour demander de l’aide. Pour retrouver Natalie.


Natalie, planète Terre, Novembre

Je m’assois par terre dans la salle de bain et m’agrippe aux toilettes. La nausée m’a tirée d’un sommeil agité il y une heure environ. J’ai l’estomac vide, mon malheur n’est pas terminé pour autant. Je me sens vraiment mal. Bon sang je déteste avoir la nausée. La porcelaine froide soulage ma peau moite. En temps normal, j’aurais été plus que gênée d’éprouver une quelconque amitié pour une cuvette de chiottes.

Je suis revenue sur Terre depuis deux semaines. Deux semaines que la Gardienne Egara m’a trouvée inconsciente sur la plateforme de téléportation. Elle est restée bête en me voyant là. Je croyais n’être restée que deux jours sur Trion. Mais d’après un espace temporel des plus farfelus qui m’échappe totalement, j’ai quitté la Terre depuis onze semaines. Ça fait onze semaines qu’elle m’a téléportée sur ma nouvelle planète, chez Roark, mon nouveau partenaire. Elle me supposait définitivement installée. L’union idéale.

Heureuse.

Je l’ai été, durant quelques heures. Ces deux semaines m’ont paru une éternité. Ça fait deux semaines que j’attends que Roark vienne me chercher. Oui, la doctoresse dit qu’il a été tué lorsque les Drovers ont attaqué les gardes, je ne la crois pas. Roark a dit qu’il viendrait me chercher, qu’il ne lui arriverait rien. Il me l’a promis.

Le temps passe et je me sens seule. Le centre de Recrutement des Epouses ne m’a rien dit, Trion n’a envoyé aucun message me concernant. La gardienne Egara m’a juré qu’elle me contacterait dès qu’elle aurait des nouvelles de Roark.

Je l’ai appelée tous les jours … rien. Pas de nouvelles. La gardienne a même envoyé une demande d’information au gouvernement de leur planète. Ils lui ont seulement dit qu’un massacre avait eu lieu sur l’Avant-poste Deux et qu’il n’y avait aucun survivant.

Aucun survivant, sauf moi.

Mon humeur balance entre folie et tristesse. Folle qu’il m’ait laissée en plan, qu’il ait choisi ses parents plutôt que moi. Je suis passée en deuxième, il a préféré protéger ses parents et les gens du campement, il m’a écartée, il avait des choses plus importantes à faire. Il s’est comporté exactement comme les gens dans ma vie. Comme mes parents. J’étais leur enfant, ils m’ont jetée dans des internats pour que je ne gêne pas leur petite vie. Comme Curtis, mon stupide fiancé, qui couchait avec d’autres nanas parce qu’il avait pas le temps d’apprendre à me connaître ou qu’il n’en avait pas envie, il se fichait de savoir s’il me rendait heureuse.

Ma colère a raison de mon énergie, je sombre dans le désespoir. Je déteste Roark, sa mort me met en colère. J’espérais qu’il viendrait me chercher, j’aurais pu l’engueuler, lui dire que j’avais failli mourir de chagrin, et l’embrasser éperdument.

Au bout de quatorze jours, j’ai arrêté de me raconter des histoires. Il ne viendra pas. Il est mort.

J’ai appelé mes parents—ils sont dans une villa en Sardaigne—pour leur annoncer mon retour sur Terre. Ils sont restés stupéfaits, ils se sont toujours demandés pourquoi j’étais partie. Apparemment, ils n’ont jamais trouvé mon mot, ils ignoraient que j’étais partie à des années-lumière de la Terre avec un extraterrestre canon. Ils s’en fichent, ils n’ont jamais demandé à personne si je reviendrais un jour.

Ils ne comprennent pas le mot échec. Ils n’en ont pas besoin. Tout le monde sait sur la planète que les épouses ne reviennent jamais. Sauf moi.

Je les ai toujours déçus. Ils ne savent évidemment pas que la gardienne Egara fut elle aussi une épouse et qu’elle est veuve. Je n’ai pas pris le temps de les en informer. Ça ne sert strictement à rien. Ils ne se sont jamais vraiment intéressés à moi. Et ça continue.

Ils ne viendront pas me voir à Boston, ils poursuivent leur périple de trois mois en Méditerranée, cet hiver. Ils m’ont dit qu’ils seraient de retour en Mars. Ils ont hâte de me voir, paraît-il. Je suis la bienvenue dans l’une de leurs demeures.

Je suis un animal de compagnie, pas leur fille.

Je suis seule, en colère, j’ai mal. Et le pire c’est que je sais à coup sûr que je suis enceinte. J’attends un bébé extraterrestre.

Bon sang, ma mère adorerait ça. Je vais donner la vie à un petit être. Ils vont paniquer s’ils apprennent que l’enfant que je porte n’est pas humain. Sans compter qu’il n’aura pas ses entrées au country club.

Oui, je suis enceinte. C’est pas une gastro, je me sens mieux au bout d’une petite heure, après avoir grignoté quelques biscuits salés. Au déjeuner, j’ai une faim de loup, c’est la troisième fois que je vomis aujourd’hui. J’ai un retard de règles. De quelques jours. Je n’ai jamais de retard. Mes seins me font mal, ils sont douloureux au toucher. Et très sensibles. Les piercings de téton me procurent une excitation constante—sauf quand j’ai la gerbe—la chaîne rend la sensation encore plus intense. Je ne compte plus les fois où je me suis masturbée en pensant à la grosse bite de Roark.

J’arrête pas de penser à Roark. Je porte ses anneaux, sa chaîne qui pend. J’ai le petit couteau qu’il m’a donné, la lame en or qui m’a sauvé la vie. Il ne me reste que des souvenirs. Je sais ce qu’être aimée veut dire, être possédée, caressée, adorée, je deviens folle.

C’est bien plus que ce à quoi les filles ont droit en général, j’essaie de ne pas le détester pour avoir fait en sorte que je tombe amoureuse de lui, et qu’il meurt.

Une nuit de sexe endiablé. Une seule nuit a suffi pour que je tombe enceinte grâce à son sperme Trion. Il m’a engrossée. C’est le terme qu’il a employé. Il voulait épouser une poule pondeuse. Et bien, c’est fait. J’ai son bijou en or, mes souvenirs et un bébé. Son bébé, qui grandit en moi.

Mes larmes coulent sur le rebord de la cuvette blanche et froide. Je me suis fait une queue de cheval afin que mes cheveux ne tombent pas dans l’eau. S’il était là, il me retiendrait par les cheveux pendant que je vomis. Il m’apporterait de l’eau et des biscuits salés. Il me prendrait dans ses bras et me dirait « ça va aller ».

Mais il n’est pas là. Je ne le reverrai plus jamais.

La gardienne m’a proposé de me réinscrire au recrutement du Programme des Epouses. Je pourrais épouser un autre guerrier puisque Roark est présumé mort. J’ai décidé que non, ma peine est trop récente. L’expérience vécue avec Roark m’a provoqué un choc bien trop douloureux. J’ai besoin de temps pour le digérer.

Et en plus, ça.

Je pose mes mains sur mon ventre, je me demande à quoi il va ressembler. Une petite fille qui aura mes yeux et la peau mate de Roark ? Un garçon brun aux yeux noirs ? J’imagine la tête de Roark en miniature, mes larmes coulent en un flot intarissable.

J’attrape un mouchoir et essuie mes larmes. Mon dieu, mes hormones me jouent un sale tour. J’ai passé une seule nuit avec l’homme idéal. Une seule nuit durant laquelle on s’est jurés fidélité.

Il avait promis. Promis ! Mais il est parti. Il m’a laissée toute seule. Comme mes parents et ce connard de Curtis. Oh, on vit sur la même planète mais une chose est sûre, il a vraiment une bite riquiqui.

La gardienne Egara a été sympa quand je lui ai dit que je préférais attendre près du Centre de Téléportation de Miami. Elle est venue tous les jours prendre de mes nouvelles, j’ai senti qu’on se comprenait. Elle a perdu ses deux maris, elle sait ô combien ce que je ressens. Elle a eu la chance de connaître ses époux plus d’une journée. Ses maris étaient deux guerriers Prillon. Elle m’a raconté sa triste histoire en essayant de me consoler. Elle a enduré une double perte. Je suis dans tous mes états après une seule journée passée auprès de Roark, je suis incapable d’imaginer comment elle peut aller de l’avant. Comment elle arrive à respirer. Comment elle peut vivre.

Elle m’a dit que j’étais la seule Terrienne, elle mis à part, à avoir fait l’aller-retour. Une autre femme affectée sur Trion a dû rentrer pour témoigner lors d’un procès, mais elle est repartie aussitôt. La gardienne Egara m’a dit que c’était la femme du Haut Conseiller et qu’ils connaissent probablement—non, connaissaient—Roark. Le monde est petit.

La nausée me reprend et je me penche sur la cuvette des toilettes, le souffle court. Le spasme passé, je m’effondre et me recroqueville sur le tapis de sol. Je ne peux plus rester dans cet hôtel. Je dois affronter la réalité, Roark ne reviendra pas, il est mort, la vie continue. Je ne peux pas me permettre le luxe de m’apitoyer sur moi-même. Mon fils ou ma fille compte sur moi, je dois me ressaisir.

Un bébé ! Je pose la main sur mon ventre plat, les larmes montent à nouveau. C’est pas ça être mère. Seule dans une chambre d’hôtel. Sans mari. Ni sur cette planète, ni dans cette galaxie. Je ne supporte pas l’idée de postuler à nouveau au Programme des Epouses Interstellaires. Même pas en rêve. A supposer que je tombe sur un partenaire qui accepte l’enfant d’un autre, je n’en veux pas d’autre. Mon homme idéal est mort. Roark est mort.

Je suis seule. Ma seule et unique tentative pour enfin trouver le bonheur, me prendre en charge, a échoué. Lamentablement. Je me sens encore plus seule, le cœur brisé. Avant, ma solitude était une notion abstraite, un sentiment de vide. Ce vide a désormais cédé la place à la peine. Désormais, je sais pertinemment d’où provient le manque.

Je m’assois, prends mon sein et joue avec le piercing. Je veux l’enlever. Je veux me débarrasser de ce qui aurait pu advenir, si seulement. Mais il n’y a pas de fermoir, je n’ai aucun moyen de l’enlever. Je pousse un cri de frustration, je m’écroule et pleure. Mon téton me démange, je ressens le besoin de me toucher, d’apaiser la sensation. J’écarte les jambes, malgré mes pleurs, je mouille, ma vulve est toute gonflée, mon clitoris est dressé. Je m’allonge, écarte les jambes, glisse deux doigts dans ma chatte et branle mon clito. Je pense à Roark, à sa voix grave et sa grosse queue qui me pénètre, me dilate, me fait crier. Je jouis rapidement, mon corps en avait trop besoin.

Je me cambre et hurle son prénom tandis que le plaisir me submerge. Une fois apaisée, allongée à même le sol de l’hôtel, en nage, nue, seule, je sais qu’il est temps que je me prenne en main. L’heure est venue de rentrer.

Programme des Épouses Interstellaires Coffret

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