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Quoi qu’il en soit, l’art et la parole, le peintre et l’homme de tribune ne sont pas tenus de se prêter un mutuel appui, de confondre leurs destinées. Leur génie se distingue par des tendances diverses, des procédés opposés. Pendant que l’artiste reproduit ce qu’il voit, l’orateur ou le philosophe se recueille et s’efforce de lire dans son propre esprit. Mais gardons-nous de supposer qu’il y ait antagonisme entre le penseur et l’artiste. Si le peintre peut se dispenser de faire choix d’un «sujet», s’il lui plaît de répéter la nature telle qu’elle s’offre à son regard, sans que le jeu des passions humaines ajoute à l’intérêt de sa toile, libre à lui d’en agir à sa guise; mais son volontaire abandon de ressources réelles ne saurait être une loi pour autrui. L’art du peintre n’est pas nécessairement enfermé dans la reproduction servile de la nature physique.

L’homme a sa place dans la création, je le suppose. Emprunter à l’homme ses sentiments les plus nobles, les plus insaisissables, les plus complexes même, c’est, on le sait, faire œuvre de moraliste, de philosophe; mais rien n’empêche que ce soit en même temps faire œuvre de peintre.

L’histoire et le portrait sont des genres qui exigent l’effort de la pensée, et certes, quand un tableau d’histoire a été peint par Le Sueur ou Jules Romain; lorsque Van Dyck ou Rigaud ont peint un portrait, il ne paraît pas que la recherche du «sujet», le soin patient de la composition aient nui à l’éclat et à la durée de leurs ouvrages.

En somme, une figure nue et un paysage ne sauraient être le thème général pour tous les peintres.

Écoutez Antoine Coypel parler du «peintre parfait » devant l’Académie royale: «De combien de connaissances diverses, dit-il, l’esprit du peintre parfait ne doit-il pas être orné !»

Un peu plus loin, l’orateur entre dans le détail des connaissances qu’il estime nécessaires au peintre; et au premier rang des aptitudes de l’artiste Coypel place l’intelligence de la poésie: «Le grand peintre doit être poète; je ne dis pas qu’il soit nécessaire qu’il fasse des vers, ajoute finement le conférencier, car on peut même en faire sans être poète; mais je dis que non seulement il doit être rempli du même esprit qui anime la poésie, mais qu’il doit nécessairement en posséder les règles qui sont les mêmes que celles de la peinture».

Enfin, énumérant toutes les qualités qu’il se plaît à souhaiter au peintre, Coypel estime que la connaissance de «l’histoire sacrée, profane ou fabuleuse,» celles de la géographie, de la géométrie, de la perspective, de l’architecture, de la physique, de la philosophie lui sont nécessaires. «S’il n’a quelque teinture de cette partie de la morale qui donne la connaissance des passions, comment saura-t-il tracer des images sensibles des mouvements de l’âme? Comment saura-t-il peindre la joie, la tristesse, le plaisir, la douleur, l’amour, la haine, la crainte et les autres passions qui troublent et agitent le genre humain? Car, non seulement il doit connaître l’homme extérieur par l’étude des proportions et celle de l’anatomie, mais il doit fouiller jusque dans son âme par le secours de la philosophie. Comment saura-t-il peindre les caractères, s’il n’a quelques connaissances des règles de la physionomie? Les règles générales de la composition de la musique ne doivent pas être inconnues au peintre. L’harmonie qui se fait par la proportion des sons est fondée sur le même principe que celle des proportions des corps, des degrés de lumière et des diverses nuances de couleur.»

Conférences de l'Académie royale de peinture et de sculpture

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