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XII

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Tenterons-nous de dire le caractère général de ces divers écrits, dont l’énumération pourrait être plus développée? Aucun des livres rappelés dans ces pages, si ce n’est celui de Vitruve, n’est parvenu jusqu’à nous. L’existence du plus grand nombre nous est révélée par un titre, quelquefois moins qu’un titre, par une mention rapide qui s’est perpétuée d’âge en âge sous la plume des historiens, sans que personne y ait attaché un grand intérêt. Il y aurait peut-être témérité de notre part à rompre le silence si longtemps gardé sur la valeur des écrits laissés par les artistes anciens. Nous n’avons d’ailleurs aucun élément sérieux de discussion. Toutefois, si nous procédons par induction, il ne nous est pas impossible de répandre quelque lumière sur ce point de critique.

Notre avis est que la littérature d’art dans l’antiquité, sous la plume des architectes, des peintres, des sculpteurs, dut avoir un caractère didactique.

Ce qui nous incline à penser de la sorte, c’est le grand nombre d’ouvrages laissés par des architectes. L’écrit sur l’œuvre peinte ou sculptée peut avoir simplement pour but d’émouvoir et de plaire; l’écrit sur le monument tend généralement à instruire. Tout architecte est doublé d’un constructeur. Il entre dans l’édifice le plus achevé, le plus séduisant quant à l’aspect, une part de science exacte, de calcul, de combinaisons, de perspective, d’équilibre dont il est impossible de ne pas parler avec détails dans un ouvrage sur l’architecture. Par suite, cet ouvrage, dans lequel sont réunies des notions si diverses, revêt, peut-être à l’insu de son auteur et malgré lui, un caractère didactique.

Comment Chersiphron, Métagène, Ictinus, Hermogène, Satyrus, Anaxagore se seraient-ils soustraits dans leurs ouvrages à la loi première, inévitable, du genre qu’ils abordaient? Observons d’ailleurs que l’écrivain se transforme d’autant plus naturellement en précepteur, que la science dont il traite est d’origine plus récente. On expose volontiers des règles ignorées du grand nombre. Or l’ordre ionique dans ses développements, l’ordonnance pseudo-diptère sont des progrès contemporains des hommes que nous venons de nommer. Ce furent presque des découvertes, et les livres où il fut parlé de ces formes nouvelles appliquées aux monuments de la Grèce et de l’Asie Mineure eurent, nous le pensons, pour objet principal, l’exposé méthodique et raisonné des. lois qui les gouvernent.

La sculpture fut-elle stationnaire pendant les siècles de sa gloire dans l’antiquité ?

Non, certes.

On connaît le Doryphore de Polyclète, où les mathématiques de la forme humaine étaient si savamment fixées, qu’une statue mérita d’être appelée par la Grèce tout entière le «canon». la règle. L’auteur de cette statue rédigera lui-mème son livre sur les proportions, livre rudimentaire, ouvrage d’enseignement, il est permis de le croire.

Mais à côté de la sculpture en marbre se développe la toreutique. que Quatremère de Quincy a désignée dans notre langue sous l’harmonieuse appellation de sculpture chryséléphantine. La toreutique est entre tous un art compliqué. L’or, l’argent, les pierres précieuses, l’ivoire et le bronze forment la base de cet art que les modernes ont désappris, peut-être parce que les matières trop diverses qu’il met en œuvre rendent surtout difficiles le respect du goût et le sentiment de la mesure. Il est aisé, en effet, de surcharger involontairement l’œuvre d’art lorsque sa parure cesse de résider dans la forme, le geste, la pose, l’expression, et se réclame d’ornements dont la richesse éveille la curiosité du spectateur.

Un exemple célèbre de l’inhabileté des modernes dans l’art du toreuticien a été offert en ce siècle par le duc de Luynes et Simart. Cependant, avec quelle étude consciencieuse l’archéologue et l’artiste ne s’étaient-ils pas instruits des procédés mis en usage par Phidias! Ils avaient interrogé tous les anciens qui ont traité de la toreutique. Nous pouvons donc supposer que les livres de Menæchme de Naupacte, et de son collaborateur Soïdas, ainsi que ceux d’Antigone et de Xénocrate furent des livres de science appliquée. La toreutique exige un ensemble de connaissances dont les historiens de cet art ne peuvent négliger la démonstration. Une partie technique, une science de métier devient nécessaire, là plus qu’ailleurs. Et comment ne pas être didactique en pareille occurrence?

La peinture, chez les Grecs, a traversé les phases les plus variables. Montaigne aurait pu dire de cet art dans l’antiquité qu’il est ondoyant et divers. En effet, tandis que chez les modernes les peintres de toutes les écoles travaillent au pinceau, soit à fresque, soit en détrempe, soit à l’huile, et ne limitent pas le nombre de leurs couleurs, nous avons en Grèce une nombreuse école de peintres monochromes. Apelle, l’un des maîtres les plus hardis, use seulement de quatre couleurs. Les peintres à l’encaustique ne se servent pas de pinceaux; ils ont pour outil le cestrum, instrument en fer à l’aide duquel ils disposent leurs couleurs sur un fond de cire et les fixent au moyen du feu Tel maître renommé n’admet qu’un seul plan dans ses tableaux. Que sais-je? Tout ce qui semble admis chez les modernes paraît en question dans l’antiquité. Les méthodes s’excluent mutuellement, mais telle est la fécondité merveilleuse de ces âges brillants, que la diversité des systèmes, des procédés, des styles, loin de produire la confusion, semble avoir aidé au développement de l’art. Toutefois, en ce qui touche la peinture comme l’architecture et la statuaire, nous sommes en droit de penser que les écrits des artistes furent des livres d’enseignement. Asclépiodore traitant de la perspective, Euphranor des proportions et du coloris, Protogène du dessin, ne paraissent-ils pas avoir fait choix de sujets sur lesquels des pages didactiques sont la seule ressource de l’écrivain?

Quel fut le caractère du livre de Menæchme de Sicyone sur l’art plastique, si vraiment cet artiste a écrit ensuite la vie d’Alexandre le Grand? Comment Pasitèle a-t-il compris le plan de son vaste ouvrage sur les monuments de son époque? Il se peut que ces deux écrivains soient des historiens d’art et des critiques. L’art plastique, qui est l’art du modeleur en terre, est essentiellement simple dans ses procédés. Le travail de l’argile n’exige pas un long exposé. En quelques paroles, le maître a tout appris au disciple sur la préparation matérielle de la glaise, sur les quelques instruments de bois dont usera le modeleur. Mais, cette leçon reçue, le disciple ne sait rien de l’art, et plus l’argile qu’il pétrit d’une main sans expérience est prompte à recevoir l’empreinte de sa pensée, plus aussi l’intelligence et la volonté de l’artiste sont libres de contempler ce type achevé de la Beauté que Phidias, au dire de Cicéron, portait en lui-même, dont il sut fixer la ressemblance et qui lui donna d’être immortel. Est-ce de cette vision magnifique, est-ce d’esthétique que s’est occupé Menæchme de Sycione, ayant peu de chose à dire sur la technique de l’art de modeler? Pasitèle n’a-t-il été dans ses descriptions des monuments antiques que le précurseur de Pline et de Pausanias? Mystère. Quoi qu’il en soit, ces deux artistes auraient-ils fait exception, nous pensons que leurs contemporains et leurs devanciers, lorsqu’ils ont pris la plume, ont été des hommes d’enseignement professionnel plutôt que des philosophes et des historiens d’art.

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