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L’Art des fortifications, l’Art de mesurer, à l’aide du compas et de l’équerre, les lignes, l’espace et les corps, le Traité de la forme et des proportions humaines sont autant d’ouvrages d’Albert Durer, que des traductions nombreuses font apprécier en Italie, en France et en Angleterre. On connaît les lettres confidentielles de Durer à Wilibald Pirkheimer, ainsi que le journal autographe de son voyage dans les Pays-Bas, en l’année 1520. Mais ni les peintures, ni les estampes, ni les savants livres du maître, ni même son curieux portrait qui est dans la galerie des Uffizi ne font aimer ce chef d’école dans la mesure où lui suscitera toujours des admirateurs sa Lettre aux magistrats de Nuremberg.

«Honorables, sages et surtout gracieux seigneurs, écrit Dürer, pendant une longue suite d’années, j’ai, par mes travaux et avec l’aide de la Providence, acquis la somme de mille florins du Rhin, que je voudrais placer pour mon entretien.»

Rien ne s’oppose sans doute aux vœux de l’artiste, mais le taux de l’intérêt est variable à Nuremberg, et les magistrats ont souvent refusé de donner «un florin pour vingt.» Que deviendra Durer avec son mince capital, s’il n’obtient de la justice des administrateurs de sa ville ce produit légitime de son argent? C’est ce qu’il souhaite de se voir accorder, et voici en quels termes l’artiste expose sans faiblesse les causes de son indigence:

«Vos Seigneuries savent combien je suis obéissant et prêt à rendre service aux membres du conseil, dans les affaires publiques et particulières, partout où ils ont eu besoin de moi. Dans notre commune, pour ce qui concerne mon art, j’ai travaillé plus souvent gratis que pour de l’argent. Et depuis trente ans que je reste dans cette ville, je puis le dire avec vérité, les travaux dont j’ai été chargé ne se sont pas élevés à la somme de cinq cents écus, somme peu considérable et sur laquelle je n’ai pas eu un cinquième de bénéfice. J’ai gagné ma pauvreté, qui, Dieu le sait, m’a été amère et m’a coûté bien des labeurs, avec les princes, les seigneurs et d’autres personnes du dehors; et je suis le seul dans cette ville qui vive de l’étranger.»

Durer rappelle ensuite qu’il y a dix-neuf ans Venise lui a fait offrir une provision de deux cents ducats par an s’il voulait venir habiter dans ses murs. Anvers lui a proposé, sous la même clause, trois cents florins et le don d’une maison. «J’ai refusé tout cela, dit en terminant Dürer, par l’inclination et l’amour particuliers que j’ai pour vos Seigneuries, pour notre ville et pour ma patrie. J’ai préféré vivre pauvrement ici que d’être riche et illustre ailleurs. Je vous prie donc respectueusement de prendre en considération toutes ces choses, d’accepter les mille florins que j’aime mieux savoir entre vos mains que partout ailleurs, et de m’en donner, comme une grâce particulière, cinquante florins d’intérêt par an, pour moi et ma femme, qui tous deux devenons de jour en jour vieux, faibles et impuissants.»

Je ne sais s’il est vrai qu’Albert Dürer se préoccupa de châtier son style toutes les fois qu’il tint la plume, mais je n’imagine pas qu’il soit au pouvoir d’un maître écrivain de laisser une page plus achevée dans sa simplicité touchante.

Un peintre savant, trop savant peut-être, Antoine-Raphaël Mengs, auquel son père avait donné ce double prénom, s’il faut en croire le chevalier d’Azara, «en mémoire de Raphaël d’Urbin et d’Antoine Allegri, dit le Corrège», a laissé des Réflexions sur la Beauté et sur le Goût. La dernière partie de ce traité n’est pas sans valeur. Mengs y envisage le dessin, le clair-obscur, le coloris, les draperies dans les œuvres de Raphaël, du Corrège et de Titien. Une critique judicieuse, des détails historiques peu connus distinguent certaines pages de l’écrivain, et défendent qu’on l’oublie. Mengs est moins heureux lorsqu’il essaye de dégager, dans un style diffus et pénible, la philosophie de l’art.

Un disciple de Mengs, Jean-Baptiste Casanova, directeur de l’Académie de Dresde, connu pour s’être joué de la crédulité de Winckelmann en lui présentant deux peintures de sa composition, que l’archéologue accepta comme antiques et qu’il inséra dans l’un de ses ouvrages, Casanova est l’auteur de dissertations savantes sur les monuments anciens. Ses écrits sont appréciés en Allemagne.

Ludwig Pietsch, en ce siècle, a publié Merisel-Album, histoire émouvante de la vie et des travaux du peintre Menzel, par un peintre de sa génération.

On connaît le Traité d’harmonie et de composition de Beethoven. Godefroid Weber a publié l’Essai d’une théorie systématique de la composition. Moschelès a fait lire sa Vie de Beethoven, et Richard Wagner, dont l’Allemagne vient de conduire les royales funérailles, a été poète en même temps que musicien. Tout le monde sait que les poèmes de ses opéras, c’est lui qui les a composés. Chose surprenante: Wagner, en homme audacieux, n’a pas craint de publier les paroles de l’Anneau du Nibelung dès 1863, c’est-à-dire treize ans avant la première représentation de cette tétralogie ou «fête scénique pour trois jours et une soirée comme prologue ». Le poème de Parsifal, emprunté par Wagner à la légende chevaleresque et mystique de Wolfram d’Eschenbach, était connu du public depuis deux ans lorsque le théâtre de Bayreuth retentit des applaudissements qui ne furent pas ménagés, pendant l’été de 1882, au dernier drame lyrique du maître allemand. En agissant ainsi, Wagner, le musicien puissant, original, passionné, dont le génie serait plus généralement reconnu s’il entrait moins d’étrangeté dans son style, son entente de l’harmonie ou de l’instrumentation, Wagner paraît peu préoccupé de l’intérêt dramatique que présenteront ses compositions à la scène. Il n’attend nul secours du poème qu’il a conçu pour aider au succès d’un opéra. Et c’est avec une sorte d’insouciance dédaigneuse qu’il laisse lire à l’avance l’histoire émouvante de Kundry, d’Amfortas, de Parsifal et des jeunes filles fleurs, tant il a foi dans son art comme compositeur. Innovation courageuse, qu’il était juste de relever ici, bien que, Français, je me souvienne toujours des insultes de Wagner à mon pays.

On n’a pas oublié que Wagner avait épousé la fille de Franz Liszt; celui-ci, dès 1851, a écrit en français des pages remarquées sous le titre Lohengrin et Tannhäuser.

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