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III

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Le livre est fait de pages, avons-nous dit. L’œuvre d’art n’a qu’une page.

Qu’il s’agisse d’un monument d’architecture, d’une toile, d’une statue, l’oeil perçoit du même coup dans son ensemble l’œuvre de l’artiste. Et, souvent, la volonté demeure presque étrangère à l’opération de l’œil. C’est d’un regard distrait, paresseux, inconscient que nous avons fixé sans effort, dans un demi-sommeil de l’esprit, un marbre de Praxitèle, une fresque de Sanzio, la façade du palais des Doges.

Assurément, nous sachant dans ces dispositions nous n’ouvririons pas un livre. Ce n’est point avec cette somnolence de la pensée que nous courons entendre un orateur. D’ailleurs, le livre est plein d’imprévu, de raisonnements, de tableaux qui mettent l’esprit en éveil. L’orateur a tels accents qui donnent le frisson. Quand le cœur bat plus rapide, l’être tout entier se sent ému.

Le livre et la parole humaine ont donc une puissance que ne porte pas en elle, au même degré, l’œuvre d’art. Muette et déroulée, sans artifices qui soient de nature à soutenir l’attention ou à provoquer la surprise, une page peinte ou sculptée ne captivera pas toujours des témoins illettrés.

Je me trompe. L’œuvre d’art a pour elle les proportions, la forme, la couleur. Si précieuses que soient les Annales de Tacite, elles se présentent à nous sous l’aspect d’un volume, c’est-à-dire de feuilles sans attrait, couvertes de signes convenus. La Vénus de Cnide, le Sposalizio de la Brera, le palais construit par Brunelleschi pour l’antagoniste des Médicis commandent au moins attentif par le rythme, la grandeur, la grâce ou l’harmonie.

L’art est l’interprétation de la nature. L’artiste choisit dans le poème divin dont a parlé Platon quelques-unes de ces syllabes brillantes, jetées à profusion par le Créateur, et l’artiste les fait siennes: syllabes de lumière s’il est peintre, d’élégance et de force s’il est sculpteur, d’ordre et de majesté s’il est architecte, de nombre et de mélodie s’il est musicien. C’est cette forme, c’est ce vêtement somptueux et rayonnant dont l’artiste pare sa pensée comme d’une pourpre royale, qui appelle devant son œuvre des générations éblouies. Certes, lui aussi est orateur. Lui aussi sait remuer les foules, et tandis que l’éloquence pâlit lorsque l’homme de tribune a disparu, l’Assomption de Titien, l’Histoire de Joseph de Benozzo Gozzoli qui domine au Campo-Santo la tombe que les Pisans ont élevée au peintre florentin, reçoivent des siècles qui s’écoulent une autorité toujours plus grande, une jeunesse renouvelée. Que parlé-je des maîtres de Venise ou de Florence? Ils sont d’hier. Mais l’auteur inconnu des Noces Aldobrandines recevrait parmi nous l’hommage universel de toutes les écoles si son nom nous était révélé.

Conférences de l'Académie royale de peinture et de sculpture

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