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NOEL COYPEL (1696)

Table des matières

QUESTIONS DE PRÉSÉANCE

A L’ACADÉMIE ROYALE DE PEINTURE

A Messieurs de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture.

Messieurs,

Je ne puis m’empêcher de me plaindre du procédé que quelques personnes de l’Académie tiennent, non seulement contre moy en particulier, mais aussy contre la Compagnie en général, en portant des plaintes contre moy à Monsieur notre Protecteur, de vos délibérations, comme si j’avois de mon authorité absolue fait les règlements que vous avez proposés et approuvés par délibération, avec la prudence ordinaire dont vous avez coutume d’user dans vos assemblées, tant pour le bien et l’honneur de la Compagnie que pour l’éducation des étudiants. Ce procédé, Messieurs, me paroistroit plus extraordinaire si je ne savois que non seulement dans touttes les Compagnies, mais dans les plus puissantes Républiques les mieux réglées, il y a toujours eu beaucoup de difficulté à satisfaire tout le monde, et beaucoup d’émulation contre ceux qui y ont tenu quelque rang. Mais je suis d’autant plus surpris de voir que les premiers de ceux qui forment ce party, ayant été des premiers à signer les délibérations dont ils se plaignent, les unes ayant passé tout d’une voix et les autres à la pluralité, dont le nombre quy a prévalu accédoit l’autre de moitié. Ainsy, Messieurs, il me paroit qu’à tort l’on m’impute ces choses, et qu’aucun particulier n’a raison de blâmer sa compagnie lorsqu’ell’agit comm’elle a fait en cette occasion, car s’il falloit dans vos délibérations contenter chaque particulier, je suis persuadé que vous ne résoudriez jamais rien dans aucune assemblée qui ne fût renversé dans la suivante. Je ne croy pas que ces sortes de mouvements que l’on a fait à ce sujet fasse honneur à la Compagnie, ny luy soit avantageux, en général, encore moins à ceux qui les font.

Monsieur notre Protecteur a reçu ces sortes de plaintes avec sa prudence ordinaire; et je croy que ces Messieurs qui l’ont été treuver en corps en ont eu toutte la satisfaction qu’ils ont deu espérer; à mon égard, comme j’ay eu l’honneur de le saluer et de recevoir ces ordres le jour de son départ, et qu’il ne m’en a point donné à ce sujet, vous pouvez, Messieurs, faire ce qu’il vous plaira. Pour moy il me semble qu’il vaut mieux laisser la chose sans exécution, que de voir sur un registre une délibération faitte un jour et la voir biffée ou renversée le jour suivant, cela ne me paroît pas honorable à la Compagnie.

Je say que cela cest fait assez souvent cy devant, mais je say aussy que cela n’a pas été approuvé de bien des gens, ny même de ceux qui le demandent aujourdhuy.

Ne pouvant, Messieurs, me treuver aujourd’huy à votre assemblée, je croy que vous voudrez bien m’excuser; j’ay creu aussy vous devoir donner ces avis, ne cherchant autant qu’il me sera possible qu’à m’acquitter de mon devoir en cette Compagnie, c’est-à-dire d’y servir le Roy, et de maintenir et procurer l’honneur et l’intérêt de la Compagnie, de laquelle je suis avec tout le zèle et l’estime que je luy dois, en général, et en particulier, Messieurs,

Votre très humble et très obéissant serviteur,

COYPEL.

Ce 28e juillet 1696.

Du cabinet de M. Delacroix, ancien liquidateur au Tribunal de commerce de Paris. — Noël Coypel remplit la charge de directeur de l’Académie royale de peinture du 13 août 1695 au 13 avril 1699. Son directorat n’eut rien de laborieux. Toutefois, les Académiciens, qui avaient si souvent modifié leur règlement, éprouvèrent le besoin de le modifier encore. C’était leur passe-temps. Il ne paraît pas que l’initiative de ces changements ait été prise par Coypel, car il ne signe pas au registre des présences à l’issue des séances les plus agitées. Le 5 novembre 1695, il est écrit au procès-verbal que «la compagnie a trouvé à propos de régler les séances des principales charges, et pour ce sujet a résolu que lorsque monseigneur le Protecteur sera présent aux Assemblées, à sa droite seront M. le Directeur et M. le Recteur en exercice, et à sa gauche M. le Chancelier et M. le Professeur en exercice». Toutes les hypothèses sont ensuite prévues. On règle la place de chaque officier aux assemblées où n’assistera point Monseigneur, aux séances où, Monseigneur étant présent, M. le Directeur ou M. le Chancelier seraient en exercice en qualité de Recteur. C’est à s’y perdre. Et la conclusion de tous ces articles présentés, débattus, rédigés, votés, la conclusion ne laisse pas de paraître puérile. Elle se résume dans une question de gradin! Lisez plutôt: «Le gradin, qui n’est que de trois places, sera augmenté de deux autres pour servir lorsque monseigneur le Protecteur ne se trouvera pas aux assemblées.» Coypel ne sanctionne pas ces minuties. Le gradin de cinq places dura peu, si tant est qu’on ait eu le temps de le commander. Dans sa séance du 23 août 1696, l’Académie décide «qu’il n’y auroit doresnavant qu’un seul gradin pour la première place en tout temps, et par conséquent que le gradin de trois places sera supprimé comme inutile». Ce texte donnerait à croire que le gradin de cinq places n’exista jamais. Au surplus, l’histoire de l’art n’est pas grandement intéressée à ce que la question soit résolue. Évidemment, en ce temps-là, les Académiciens étaient nerveux. Ne voilà-t-il pas que le 26 mai 1696, Coypel étant absent, ainsi que plusieurs Officiers, on prend un ordre du jour des plus sévères à l’endroit des dignitaires qui manquent d’exactitude! Le procès-verbal est menaçant. «L’Académie a faict réflexion que, depuis plusieurs jours et notamment ce-jourd’huy, elle se trouve obligée de. s’assembler plus tard qu’à l’ordinaire, faute d’un nombre suffisant d’Officiers pour former une assemblée, et, après avoir examine ce qui pouvoit estre cause de ce peu d’exactitude, elle a remarqué que cela pouvoit venir de ce que l’on négligeoit de s’assembler précisément aux heures marquées par les délibérations, attendu que plusieurs, se lassant d’attendre, s’en retournoient avant que la Compagnie put estre complette, à quoy la Compagnie a résolu de remédier, et, pour cet effet, que le premier jour d’assemblée où il se rencontrera un plus grand nombre d’Officiers, cette proposition y sera faicte, à l’effect de statuer sur icelle, de régler précisément une heure à laquelle la Compagnie prendra séance, sans différer d’un moment.» Une semaine s’écoule. Vous supposez peut-être que les intolérants et les rigides se sont calmés. Point. Il faut qu’il décrètent et, vraiment, ils ont l’âme dure. «Que ceux de MM. les Officiers qui entreront dans-la salle après la séance prise, seront, pour ce jour là, exclus de voix délibérative et de signature, et ceux qui ne viendront pas aux Assemblées pendant trois mois, ils seront exclus des fonctions de leurs Charges pendant l’année et, s’ils n’ont point de fonctions, ils seront exclus aussi pendant l’année de toute vcix délibérative, à l’exception toutefois de Monsieur le Directeur et de Monsieur le Chancelier, qui ne sont point sujetz à ces sortes de peines.» Tels sont les termes du procès-verbal du 2 juin. Coypel appose sa signature sur le registre. Quels sentiments l’agitent? Nous venons de l’apprendre. Cette réglementation, ces arguties, les débats sans portée dont on le rend témoin, la versatilité de l’assemblée qu’il gouverne, de concert avec le marquis de Villacerf, ministre d’État, surintendant des Bâtiments, Protecteur de l’Académie, tout cela lui semble indigne de l’Académie, et il le lui fait savoir par la lettre qui précède. Datée du 28 juillet 1696, jour d’assemblée des Académiciens, elle leur fut probablement remise avant la séance. Toutefois, ce n’est qu’au procès-verbal du 4 août qu’il est fait mention de la lecture de ce document. Ni le 28 juillet, ni le 4 août Coypel ne signe au registre. Il est absent. Mais sa lettre a produit son effet. C’est bien à la suite de la communication de ce document que l’Académie remet en question l’existence du gradin dont nous parlons plus haut. Beaucoup de bruit... pour peu de chose.

Les Maîtres peints par eux-mêmes, sculpteurs, peintres, architectes, musiciens, artistes dramatiques

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