Читать книгу Les Maîtres peints par eux-mêmes, sculpteurs, peintres, architectes, musiciens, artistes dramatiques - Henry 1841-1913 Jouin - Страница 20
ОглавлениеL’ACADÉMIE DE SAINT-LUC
A M. le Secrétaire de l’Académie de Marseille.
Ce 27 janvier 1777.
Monsieur,
J’ay l’honneur de vous adresser la lettre que j’écris à MM. de l’Académie de Marseille, de la part de la nôtre de Paris. En même temps j’ay l’honneur de vous remercier des politesses dont est remplie celle que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser, et de vous demander la continuation de votre amitié, en vous assurant de la réciprocité.
Je fais mention, dans ma lettre à l’Académie, d’un fait dont peut-être on n’est pas instruit à Marseille, ou peut-être qui n’y fait pas une si grande sensation, soit parce que vous n’avez pas de maîtrises, ou peut-être parce qu’elles ne sont pas aussi persécutrices que l’était à Paris la maîtrise des Peintres de Saint-Luc. Mais c’est pour nous, à Paris, un très grand événement que la liberté des arts, et la destruction du droit de saisie qu’avait sur eux la communauté de Saint-Luc. Vous y avés aussi un très grand intérêt en ce que, si aucun des artistes de votre corps fut venu à Paris, il ne lui aurait pas été permis d’exercer ses talens sans être auparavant entré, à prix d’argent, dans cette funeste communauté : tyrannie cruelle et qui n’existoit en aucun autre pays de l’Europe. Partout, les arts étoient libres, excepté clans le pays qui passe pour le mieux policé ; je n’ay pu résister au plaisir de vous faire part de notre joye.
J’ay l’honneur d’être, avec la plus parfaite estime et le plus sincère attachement, Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
COCHIN.
Étienne Parrocel préparait, il y a tantôt vingt ans, une Histoire de l’Académie de peinture de Marseille. Nous devons à son obligeance communication de cette lettre de Charles-Nicolas Cochin, secrétaire de l’Académie de peinture de Paris. Elle est adressée au secrétaire de l’Académie de Marseille et porte la date du 27 janvier 1777. Notre confrère, M. Jules Guiffrey, au cours de sa préface des Livrets de l’Académie de Saint-Luc, écrit: «Dans une lettre qui a passé sous nos yeux, Cochin se plaint, avec assez de vivacité, que des cours utiles institués par l’Académie de Saint-Luc pour l’instruction des jeunes artistes manquent à l’Académie royale.» Nous n’avons pas lu la lettre dont parle M. Guiffrey, mais celle que nous publions en est le corollaire. Cochin laisse échapper la joie que lui fait éprouver la suppression de l’Académie de Saint-Luc, rivale, en plus d’un cas, de l’Académie royale. Et, comme l’interdiction d’ouvrir le Salon du Colysée, en août 1777, fut certainement provoquée par l’Académie royale, ayant à cœur d’empêcher une solennité à laquelle aurait pris part plus d’un académicien de Saint-Luc, la lettre de Cochin est une sorte de préface aux prohibitions qui seront édictées six mois plus tard.