Читать книгу Philosophes et Écrivains Religieux - J. Barbey d'Aurevilly - Страница 14
IV
ОглавлениеTel nous trouvons en ces trois volumes le talent du marquis de Valdegamas. Plus oratoire que littéraire, Donoso Cortès a, même lorsqu'il s'efforce d'être didactique, comme dans son Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme, les aspirations, les apostrophes, le mouvement et le redoublement antithétique. Il a de l'orateur: Il doit avoir lu immensément les sermonnaires. Il a les grands mots oratoires qui une fois dits ne s'oublient plus: «Ou un seul homme—dit-il un jour—suffirait pour sauver la société: cet homme n'existe pas; ou, s'il existe, Dieu dissout pour lui un peu de poison dans les airs!» Un autre jour: «Dieu a fait la chair pour la pourriture, et le couteau pour la chair pourrie.» Et encore: «Où que l'homme porte ses pas, il la rencontre (la douleur), statue muette et en larmes, toujours devant lui!» Rappelez-vous ce qu'il dit une fois de Sainte-Hélène: «Napoléon, le maître du monde, devait mourir séparé du monde par un fossé dans lequel coulerait l'Océan.» Il parle quelque part de je ne sais quelle doctrine indigne de la majesté de l'absurde.
Un peu plus, il serait déclamateur; mais il s'arrête à temps et le goût est sauvé. Du reste, rarement fin, et ceci l'honore... La finesse de l'esprit n'est souvent qu'une ressource de sa lâcheté. Donoso est le courage même. Il a la foi de ce qu'il dit, et il ne se baisserait pas d'une ligne pour ramasser tout un monde de popularité si Dieu le mettait à ses pieds.
C'est le contraire d'un autre éclatant, de Chateaubriand, sur lequel il l'emporte par la pureté, le calme et la beauté de l'âme, s'il ne l'emporte pas par la beauté de son génie. Il se soucie peu de la gloire. «Je ne veux pas que mon nom résonne—dit-il dans une de ses lettres;—je ne veux pas que les échos le répètent et qu'il retentisse sur les montagnes. Il n'est pas en mon pouvoir d'empêcher mes adversaires de le prononcer, mais je suis résolu à empêcher mes amis de le faire, et c'est le but de cette lettre.»
Et lorsqu'il écrit cela il est très vrai. Il est conséquent à ce qu'on trouve partout, à mainte page de ses œuvres: «L'idéal de la vie,—dit-il,—c'est la vie monastique. Ceux qui prient pour le monde font plus que ceux qui combattent.» Et, en effet, lui, l'ambassadeur qui n'a jamais fait comme Chateaubriand, ce fat d'affaires, ce porteur d'empire sur le bout du doigt, ennuyé à la mort si on l'en croyait et lassé de ce faucon qui pèse si peu au poing du génie, il allait, lorsque la tombe le prit, quitter simplement ses costumes de palais, qu'il n'appelle nulle part des guenilles, et revêtir une soutane. Dieu ne le permit point; il lui gardait un autre autel à desservir. Il l'appela et en fit son prêtre... pour l'éternité, dans les cieux!