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III

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Telles sont les idées, en propre, de Saint-René Taillandier, de cet homme qui, par la médiocrité de son talent, mériterait bien la miséricorde de la Critique, mais qui, par le dogmatisme de ses affirmations erronées, mérite sa sévérité. Telles sont la philosophie et l'histoire de cet optimiste faux chrétien qui croit, dit-il, à la Providence divine, comme il croit à la destinée, comme il croit à ce XIXe siècle qui a réveillé l'infini, comme à la science, comme à tout, et qui a le mysticisme de toutes ces sornettes contemporaines, lesquelles formeront un jour une logomachie à faire pouffer de rire nos descendants!

Hors ces idées générales, dont nous avons essayé de donner l'idée, il y a dans le livre de Taillandier son train-train de critique ordinaire, et cette partie du livre n'a plus pour nous le même intérêt. Les opinions d'un homme ne sont-elles pas tout en cet homme? Qu'importent ses relations et ses goûts! Les relations de Saint-René Taillandier, c'est tout le personnel, ancien et moderne, de la Revue des Deux Mondes, pour laquelle son livre est une épouvantable réclame de quatre cents pages environ, et ses goûts, c'est Renan et Edgar Quinet, auxquels il a consacré toute la partie du volume qu'il a pu arracher aux Allemands. Il est vrai qu'il y a beaucoup d'allemand encore dans Renan et Quinet. Et voilà pourquoi, sans nul doute, ces deux messieurs, dont l'un téta Herder et l'autre Hegel,—le puissant Hegel, dit Taillandier avec tremblement,—lui paraissent presque deux hommes de génie. L'opinion personnelle de Taillandier nous étant assez indifférente, à nous qui avons aussi notre opinion sur ces messieurs, nous ne ferons pas de la critique sur de la critique, et nous laisserons Taillandier au charme de ses impressions.

Ce qui est curieux, ce n'est pas que deux rédacteurs de la Revue des Deux Mondes paraissent deux fiers hommes à un troisième rédacteur de la Revue des Deux Mondes. Le curieux, dans ces articles, c'est justement ce qui se mêle parfois d'une manière tout à fait inattendue à l'éloge de l'un et de l'autre. Par exemple, vous aviez cru, n'est-ce pas? qu'Ernest Renan, quoique sorti du séminaire, n'était pas précisément la gloire de ce respectable établissement? Eh bien, c'était là une erreur! C'est comme cette liberté religieuse qui manque à la France! Aux yeux de colombe de Taillandier, ce tendre Fénelon de la religion libre de l'infini, Renan,—qui a le sentiment de l'infini et qui est un sonneur de cloches de cette religion de l'infini réveillée,—Renan est profondément religieux, et si Saint-René Taillandier ne s'ajustait pas très bien, par son genre de talent, à la consigne absolue de la Revue des Deux Mondes: «soyez gris et lourd!», il aurait peut-être été piquant et coloré pour la première fois de sa vie en nous parlant des sentiments religieux de Renan; mais Buloz, qui ne badine pas, a été obéi!

De même, dans l'article sur Edgar Quinet. Quinet, le révolutionnaire, n'est pas seulement religieux, lui, il est patricien et sacerdotal, ce qui, par parenthèse, n'est pas une injure, comme vous pourriez le croire, sous la plume du dévot libre au christianisme de l'infini!

Ces inconséquences, ces titubations, n'inquiètent pas beaucoup Taillandier. Elles sont nombreuses dans son livre, mais parmi toutes il y en a une sur Machiavel que je me permettrai de citer... Il y a, de par le monde allemand, un certain Gervinus qui a fait une justification de Machiavel, comme Macaulay en a fait une autre en Angleterre. Seulement ce Gervinus n'a pas le brillant coup de batte de Macaulay, qui a été un peu, ce jour-là, l'Arlequin de l'histoire. Gervinus est plus lourd naturellement, plus compendieusement travaillé, plus creusé et plus creux que l'historien anglais.

Tout le temps que Taillandier examine et développe les idées de Gervinus, il n'ose pas s'inscrire en faux contre cet Allemand, qui lui impose comme tout Allemand; mais ailleurs, quand il a besoin de flétrir, je crois, les vieux catholiques intolérants, il oublie que Machiavel «est un grand cœur pur de citoyen», finement ironique seulement quand il est atroce, et il se permet une tournure hautaine: «Quoi qu'en puissent penser les Machiavel!» dit-il avec un mépris qui n'est pas pour Machiavel tout seul, mais qui cependant l'éclabousse! Aimable légèreté, et bien justifiée. Taillandier est un homme de lettres, et, malgré ses fragments de philosophie, il n'est nullement un philosophe; il a le droit du caprice qu'ont les hommes d'imagination et les jolies femmes. Or, un homme de lettres est toujours censé avoir de l'imagination...

Philosophes et Écrivains Religieux

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