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JEAN A PASCAL

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Paris, 24 septembre.

Je désire, Pascal, que tu ne regrettes point amèrement plus tard cet accès de réalisme qui te pousse à matérialiser une religion aussi idéale. Quoi, tu ressens pour la France un amour semblable à celui que t’inspirerait Madeleine? Tu fais à cette grande adoration l’injure de la comparer à un sentiment personnel, et tu fais à l’amour ce tort de croire qu’il lutterait en toi contre le patriotisme?

Je me tais. La circonstance exige que je ne te conseille ni ne te prêche.

Si tu as été appelé, mon pauvre Pascal, tu n’es point élu. Ne te défends donc pas avec cette vigueur exagérée. Madeleine m’a raconté, avec ironie, mais avec calme, l’épreuve qu’elle t’a fait subir dimanche et dont tu te vantes d’être sorti victorieux.

Tu me dis: «à toi, en notre patrie!» Eh bien, est-ce qu’aimer en la France une jeune fille française serait une faute? Permets-moi d’en douter.

Mon père, à bord de la Vaillante, nous écrit de Saïgon qu’il ne rentrera pas dans la Méditerranée avant plusieurs mois. Je ne te conterais pour rien au monde ce qu’il me dit de toi. Mon père t’eût sans déplaisir accepté pour gendre. Mais ce serait trop, n’est-ce pas, barbare, que d’être deux fois mon frère?

Nous allons user de mon demi-semestre de congé mieux que tu n’useras du tien, je n’en doute guère. Ma mère qui est Vénitienne, tu le sais, nous propose de nous conduire à Venise par la Suisse, par le Simplon, par les Lacs bleus, qui traversent depuis longtemps comme des mirages le cerveau de Madeleine. Nous réalisons l’un des vœux les plus chers de ma jolie sœur, et elle est dans l’enchantement.

Je compte passer par Lausanne et faire visite à nos braves Cervin, qui nous ont si admirablement soignés, dont l’hospitalité a été si large, le dévouement si paternel.

Nous nous mettons en route lundi 27. Tu demeureras donc paisible dans ta retraite. Je n’ai pas même le temps d’aller te dire adieu.

Si pourtant il te prenait la folle envie de m’embrasser, tu viendrais à la montagne, puisque la montagne, etc.

Je pars sans gaieté. J’espérais que tu serais de mon premier grand voyage avec Madeleine.

Si tu avais une religion moins orthodoxe et si cette religion n’était pas la mienne, au culte près, j’essayerais de te convertir; mais puis-je ébranler en toi ce qui m’affermit, puis-je attiédir ce qui m’exalte?

Pour la patrie!

JEAN.

Jean et Pascal

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