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1. Vallée de Sparmo.

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C’est entre Azoros et Doliché que le consul Q. Marcius Philippus et son armée campèrent pour la dernière fois avant d’entrer dans l’Olympe. Voulant le traverser par la même route, je partis des environs de Douklista, et, me dirigeant au sud-est, je pris le chemin qui mène aux villages du bas Olympe. Le consul romain avait devant lui deux passages, celui de Pythion et celui des monts Cambuniens, le défilé actuel du Sarandaporos. Mais c’est une faute pour une grande armée de s’engager dans une gorge étroite où peu d’hommes lui font obstacle: elle y perd tout son avantage. Aussi préféra-t-il, malgré d’extrêmes difficultés, escalader les pentes et franchir les plateaux du bas Olympe, où il pouvait toujours, à un moment donné, déployer devant l’ennemi des forces suffisantes. La route file d’abord pendant plusieurs lieues sous les grandes pentes de la montagne, coupant à leur naissance plusieurs étroites vallées, s’élevant peu à peu, péniblement, par montées et descentes. Quelques chevaux du pays, se suivant par un sentier pierreux, avancent encore sans obstacle. Mais il faut se figurer dans ces chemins une armée de trente-sept mille hommes, traînant à sa suite sa cavalerie, ses éléphants, son bagage et des vivres pour un mois.

Le plateau où l’on arrive enfin présente encore plus de difficultés. Il n’est pas seulement inégal et montueux, il est traversé et comme barricadé dans toute sa largeur par des chaînes secondaires. Ce sont autant de lignes de retranchements naturels, qui le divisent en trois régions tout à fait distinctes, où il faut pénétrer tour à tour. D’abord on se trouve comme emprisonné dans la petite plaine de Sparmo. Elle est située au tournant des grandes pentes de l’Olympe, et fermée en avant par une longue ligne de collines abruptes. Sur le côté se dresse comme un mur le flanc méridional du haut Olympe: on est au pied de cette muraille immense. Une végétation magnifique en couvre les premières pentes; les chênes, les chênes-verts font peu à peu place aux sapins; au-dessus il n’y a plus que la montagne nue. C’est à cette limite, au milieu des derniers sapins, que se cache le grand monastère d’Ha-Triadha. Quant à la plaine de Sparmo, figurez-vous un coin de terre d’une extrême fertilité, qui se couvre de blé et de vignes au milieu même de ces montagnes. Les moines y ont une métairie entourée de jardins, qu’on appelle Sparmo (les Semailles). Au milieu de la vallée, une longue rangée de platanes ombrage le cours d’un torrent qui descend de l’Olympe; c’est un des bras du Titarèse, qu’on voit s’enfoncer à l’ouest, du côté d’Alassona.

Comme tous les grands monastères, celui de Sparmo ne dépend que du Patriarche. Il est habité par dix moines, qui, avec leurs gens, font une soixantaine de personnes. Les bâtiments forment un grand carré ; on ne voit au dehors que quatre murs droits percés d’une seule porte et de quelques lucarnes hautes. Ces précautions sont nécessaires dans les montagnes. Il est vrai que le couvent a la réputation de ne pas fermer toujours sa porte aux klephtes; mais avec de pareils amis il faut être sur ses gardes. L’église n’a rien de remarquable que d’assez vieilles peintures qui datent de 1640. J’en avais vu du même style à Sélos, à Livadhi. L’ordonnance en est simple et d’un grand effet: j’aime surtout ces deux longues rangées de saints alignés gravement de chaque côté de la nef et se détachant sur un fond noir.

Il y a eu dans tout ce pays de l’Olympe, pendant le dix-septième siècle et jusqu’au milieu du dix-huitième, une renaissance assez remarquable de la peinture byzantine; et cette renaissance ne peut s’expliquer que par un réveil de la race grecque. C’était l’époque où tous les villages de l’Olympe étaient florissants; ils avaient su conquérir, moitié par souplesse, moitié par énergie, une liberté que les Turcs respectaient. Le goût de l’étude ressuscitait de lui-même, et sans le secours d’aucun enseignement étranger, dans les humbles écoles de ces bourgs et de ces villages. En même temps de riches particuliers faisaient reconstruire et repeindre partout les églises. Les fresques de Livadhi, de Sélos, de la Sainte-Trinité de Sparmo me parurent même plus largement traitées et mieux entendues que la célèbre décoration du couvent de Phanéroméni, près d’Athènes. On est loin de peindre aussi bien, aujourd’hui que l’art byzantin, maladroit imitateur d’estampes venues d’Europe, a perdu la naïveté qui faisait tout son prix.

Parmi les richesses du monastère d’Ha-Triadha, il ne faut pas oublier ses nombreux troupeaux. Il possède en tout deux mille chèvres: on doit y ajouter des bandes de bœufs et de vaches demi-sauvages qui paissent sur les pentes de l’Olympe, suivant leurs bergers, mais ne se laissant ni traire, ni même approcher; on les abat à coups de fusil.

Les deux villages de Boliana et de Skamnia sont situés sur la rangée de montagnes qui ferme au sud-est la vallée de Sparmo et la sépare des autres cantons du bas Olympe. Le premier s’élève en face du monastère, le second plus loin vers l’est, à l’endroit où les montagnes se rattachent à la masse centrale de l’Olympe. On arrive à ces villages par de rudes sentiers. Boliana est pourtant un tchiflik assez prospère, entouré de champs de blé et de pâtis: c’est Véli-Pacha qui, d’un bourg libre, en fit un village tributaire, et qui y construisit pour ses Albanais une de ces maisons hautes qu’on appelle en Turquie konaki. Boliana compte quatre-vingt-dix maisons: j’y trouvai même une école, que les habitants entretiennent à leurs frais. Au-dessus du village la montagne forme un sommet assez élevé nommé Gouléna. Skamnia est un village libre de cinquante maisons: son école fermée et quelques habitations ruinées annoncent qu’il est en décadence. Non loin de là se dresse encore un sommet pointu que les habitants appellent Detnata; c’est, disent-ils, un Paléo-Kastro. On y voit, en effet, quelques ruines, ou plutôt des pierres éparses qui ne disent pas la date de la construction à laquelle elles appartenaient. J’y placerais volontiers cette tour d’Eudiéron, dont s’empara l’avant-garde de l’armée romaine, après avoir mis plus de deux jours pour faire un peu plus de cinq lieues. Il y a bien dans les environs d’autres hauteurs appelées Paléo-Kastro. Ce nom est resté à une petite éminence située à l’entrée de la vallée de Sparmo et au-dessous de Boliana. Il faut noter surtout un haut promontoire couvert de bois, qui se détache du flanc de l’Olympe à l’ouest du monastère d’Ha-Triadha; l’endroit se nomme la Panaghia, à cause des ruines d’une vieille église, et l’on y trouve les traces évidentes d’un aqueduc creusé dans le rocher. Sur toutes ces hauteurs s’élevaient évidemment des forteresses qui défendaient l’accès du plateau; mais les historiens ne nous ont transmis qu’un seul nom. Je me décide à placer Eudiéron sur la colline de Detnata à cause des distances, et parce que cette hauteur commande à la fois le fond de la vallée de Sparmo et la plaine de Karya, qui est la seconde région du bas Olympe.

Le Mont Olympe et l'Acarnanie

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