Читать книгу Le Mont Olympe et l'Acarnanie - Léon Heuzey - Страница 18

5. Rapsani, Krania: position de la forteresse de Lapathonte.

Оглавление

Table des matières

Je sortis du cercle de collines qui forment le bassin de Nézéro, par le sud-est, en prenant le chemin qui mène à Rapsani. Aussitôt commence la descente; car on est arrivé à l’extrémité des plateaux du bas Olympe. On aperçoit, de l’autre côté de la vallée de Tempé, qu’on domine sans en voir le fond, les pentes et le sommet pointu de l’Ossa. Après quelque temps, la route rencontre et traverse la petite plaine de Tchaïr, un pâtis resserré par des collines et des bois; de cette plaine un sentier, qui se dirige à l’est, conduit au village de Krania. J’inclinai un peu au sud et je continuai a descendre par un chemin rapide, mais presque toujours assez facile, qui tourne le long des pentes escarpées.

Rapsani est à trois heures de Nézéro; on n’aperçoit ses toits couverts en tuiles qu’en arrivant au-dessus du village. Il occupe sur le flanc de la montagne comme une longue terrasse, en avant de laquelle s’étendent en longue bordure les vignes, les jardins, les grandes plantations de mûriers. La principale industrie du pays est la production et le travail de la soie. Rapsani est une riche bourgade et même une petite ville grecque d’environ quatre cents maisons; elle est gouvernée par deux kodja-bachi. Brûlée il y a dix ans par le klephte Dhimo, pour avoir refusé de lui payer rançon, on l’a rebâtie presque tout à neuf. On voit que les klephtes, qui reparaissent encore de temps en temps dans l’Olympe, ont aujourd’hui perdu tout caractère politique; ce sont les villages grecs qui souffrent de leurs déprédations, bien plus que les villages turcs, toujours en armes et défendus par les milices albanaises. Ce que j’ai appris de leurs faits d’armes les plus récents rappelle les atrocités qu’on rapporte des Chauffeurs de pieds. Rapsani était autrefois une des capitales du district d’Élymbos; on y voyait une école fondée par un évêque de Platamona, qui était un des centres d’éducation de la Thessalie, et n’était pas moins florissante que celles de Zagora dans le Pélion ou d’Ambélakia dans l’Ossa. Les deux écoles qui y sont aujourd’hui n’ont rien qui les distingue de celles que j’ai rencontrées dans les autres bourgades. En fait d’antiquités, on me montra dans le mur d’une maison un petit bas-relief d’un joli travail, mais fort mutilé, qui représentait Bacchus caressant sa panthère et quelques bacchantes dansant autour du dieu.

Krania est à une heure de Rapsani, vers le nord, au delà de plusieurs ravins. C’était aussi jadis un grand et riche village. Je n’y trouvai plus qu’une soixantaine de maisons sur quatre cents qui étaient debout autrefois; tout le reste est en ruines. Encore la moitié du village est-elle prise à loyer par des Valaques, qui viennent et s’en vont. Krania a été presque détruit par les Turcs pendant la guerre de l’indépendance: c’était peut-être l’endroit qui avait fourni le plus de capitaines aux klephtes et aux armatoles de l’Olympe. En général les habitants de toute cette contrée se rappellent avec amertume le temps de la révolution grecque, qui ne fut pour eux qu’une époque de ruine et de malheur. On attendait beaucoup de l’Olympe et de ses capitaines, dont le renom était grand dans la Grèce. Les Olympiotes devaient former un foyer de guerre au cœur même de la Turquie, entraver le passage des troupes ottomanes et les arrêter sur le seuil des provinces insurgées; en même temps ils donnaient la main aux révoltés de la Chalcidique et de l’Athos. Mais les populations de l’Olympe étaient déjà bien affaiblies depuis leur lutte contre Ali-Pacha. On accuse aussi l’hésitation de leurs chefs, qui trouvaient le métier d’armatole au service des Turcs plus profitable que celui de klephte et d’insurgé Enfin la révolte de l’Olympe fut tardive, isolée; la Grèce ne la secourut pas à temps. Toute la vengeance des Turcs retomba sur ces villages, où naguère la race grecque renaissait d’elle-même à la civilisation et à la liberté. Ce fut surtout le terrible Boulouboud (Aboulabou), pacha de Salonique, qui, en 1822, ravagea, brûla tout le pays et le réduisit à l’état de ruine où il est maintenant.

De Krania et de Rapsani on domine l’embouchure du Pénée et toute la région qu’il arrose, une fois sorti de Tempé. De Ropsani surtout, la montagne s’abaisse assez doucement vers le fleuve et vers la mer. C’est évidemment par là que le consul romain comptait opérer sa descente. Sur cette pente, où il ne rencontrait ni forêts, ni rochers, il pouvait s’avancer peu à peu, en bon ordre, déployant ses lignes de bataille. Mais la route était défendue. Une colline au-dessus de Rapsani, nommée par les habitants Hos Hilias, portait sans doute la forteresse de Lapathonte, mentionnée par Tite-Live. C’est le seul point de tous les environs que les habitants appellent Paléo-Kastro; il y reste quelques vestiges, qui ne permettent pas malheureusement d’établir ce fait avec certitude. Plus haut, dans la montagne, un corps d’armée de douze mille hommes, sous les ordres d’Hippias, fermait les passages. Les Macédoniens étaient campés en vue du camp romain, à un mille de distance, sans doute sur quelque autre sommet, comme le mont Sipoto, vers la petite plaine de Tchaïr. Un combat acharné se donna sur les hauteurs; on se battit deux jours et les Romains ne purent passer. Singulier champ de bataille que les cimes de ces montagnes! J’aurais voulu déterminer avec exactitude le théâtre même de l’action; mais, au milieu de tant d’accidents de terrain, on voit plus d’une éminence où asseoir un camp, plus d’une crête longue et étroite comme celle où se rencontrèrent les deux armées.

Le Mont Olympe et l'Acarnanie

Подняться наверх