Читать книгу Le Mari de Lucie & Le Soulier de Rosine - Manoël de Grandfort - Страница 10
ОглавлениеVIII
Francis partit le soir même pour Paris; sa femme fut seule l’accompagner à la gare, madame de Veyrier étant restée près de la petite indomptée.
Revenez bien vite, disait la jeune femme, tandis qu’elle attendait avec son mari l’arrivée du train.
Samedi je compte être ici. Il est probable que je ramènerai Valleroy.
–Ah! tant mieux! dites-lui qu’il sera le bienvenu. Ils firent quelques tours, au bras l’un de l’autre, dans la salle des bagages, qui était déserte.
Lucie, dit tout d’un coup Francis, comme répondant à quelque pensée secrète. si je ne revenais que dans un mois, vous ennuieriez-vous?
Sans doute, je trouverais le temps long.
Même avec votre mère?
–Même avec ma mère.
–Et si je restais deux mois?
–J’irais vous rejoindre.
–Cela vous ferait donc de la peine, si je prolongeais mon absence?
–Francis, en doutez-vous?
Quelquefois. Il me semble que vous êtes d’une nature si éthérée que rien de ce qui est sur la terre ne peut absolument vous attacher.
Ne croyez pas cela, je vous en prie; je serai très-malheureuse si vous ne revenez pas samedi.
Bien vrai, cela?
Oui.
Le signal de l’arrivée en gare du train se fit entendre; c’était une petite station après Bordeaux, il y avait à peine cinq minutes d’arrêt.
Lucie jeta ses bras autour du cou de son mari.
Vous me laissez, dit-elle, comme un froid dans l’âme. j’ai envie de partir avec vous.
–Trop tard, ma chérie; il fallait vous décider ce matin. Adieu!
Dites au revoir, Francis.
Vraiment, dit-il avec un sourire, vous y tenez. Eh bien! allons: au revoir!
En voiture! cria l’employé.
Francis embrassa sa femme et disparut dans la salle d’attente, à peine éclairée.
Il était déjà sur la route de Paris, quand elle songea à regagner sa voiture.
Je ne sais ce que j’ai, dit-elle en frissonnant, mais quand Francis m’a embrassée, il m’a semblé que quelque chose se brisait en moi. S’il n’allait plus revenir!…
Elle songea aux accidents si fréquents en chemin de fer et se sentit troublée jusqu’au fond de l’âme. La lune se couchait, de grands nuages couraient sur un ciel pâle et doux.
Quand elle descendit de voiture, elle trouva sur la terrasse sa mère qui l’attendait.
Comment va l’enfant? dit-elle en l’embrassant.
–Calme, elle repose; mais toi!… tu es pâle comme la mort; tu as eu froid en traversant les bois de Chimpré?
Oui, j’avais oublié mon schall.
Mon Dieu, dit la pauvre mère, déjà inquiète, tu te seras enrhumée; l’air des marais est perfide. Comment as-tu négligé de te couvrir? Oh! les enfants! oh! les enfants! on n’a jamais une heure de tranquillité avec eux,