Читать книгу Le Mari de Lucie & Le Soulier de Rosine - Manoël de Grandfort - Страница 13

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XI

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Comme Octave rentrait, il vit devant le café Napolitain un jeune homme et une jeune femme de sa connaissance; il s’arrêta pour les saluer.

Je vous ai vu à Musard, dit le mari, vous étiez avec d’Arbussan… qui dormait à moitié… sa femme est rudement belle.

Vous êtes donc amoureux de madame de Valavran, vous, dit la jeune femme en souriant.

Pourquoi cela, grand Dieu? dit Octave.

Parce que vous avez présenté son mari à la comtesse… Ne savez-vous pas que personne ne lui résiste? Et qu’elle mérite, dit-on, le nom de Circé que lui donnent ses amis… Elle est d’une infernale coquetterie.

–Bah! dit Octave, Valavran a un ange pour le protéger contre les maléfices.

Un ange, s’écria impétueusement son interlocutrice, mais il en faudrait vingt pour lutter avec ce démon. et encore ne serait-il pas sûr qu’ils ne fussent pas honteusement battus.

Vous êtes bien renseignée.

Je le crois bien, dit-elle avec tristesse, mon frère a failli en mourir.

–Lussac en était idiot, ajouta le mari; Lefèvre s’est fait casser la tête pour elle en Algérie. Quant au comte de Bellefonds, il s’est plongé de désespoir dans les plus honteuses orgies; depuis le jour où elle l’a chassé de chez elle, il n’a bu autre chose que de l’absinthe. et cependant elle est entourée d’amis qui l’adorent et la déclarent la plus honnête des femmes.

–Qu’elle soit ce qu’elle voudra, dit Octave, cela m’importe peu; sainte ou païenne, elle est sans influence, nous partons demain pour la campagne.

Si elle a mis dans sa tête de rendre votre ami fou, c’est un homme perdu, ajouta la jeune femme. Je l’ai remarquée, ce soir, elle avait son plus mauvais air. Quoique vous ayez l’air très-sûr, j’ai peur pour cette pauvre petite madame de Valavran, si douce, si jolie… plus jolie cent fois que cette panthère. aux yeux jaunes… Mais les hommes sont si absurdement toqués; j’en ai connu un qui adorait se femme, ils voyageaient en Italie comme deux amoureux. un beau jour sur la place de la Scala, un attroupement force le mari à s’arrêter;–il allait chercher des bonbons pour sa femme; impatienté il regarde ce qui lui barre ainsi le passage:– c’était une danseuse, une grande diablesse vêtue d’oripeaux, se démenant sur un tapis rouge et sous un soleil de feu… Croiriez-vous qu’il n’est rentré que le lendemain matin, ajouta-t-elle avec énergie… Vous jugez si les bonbons ont été bien reçus!…

–S’il oublie cette aventure, dit le mari, ce ne sera sûrement pas la faute de sa femme… tout la lui rappelle… même les choses qui en paraissent le plus éloignées.

Octave croyait en son ami, mais cependant, il s’en alla avec le pénible sentiment qu’on éprouve quand on commence à soupçonner qu’on a commis une action qui pourrait avoir des conséquences fatales.

Le lendemain, à son réveil, il sembla à Francis avoir fait un mauvais rêve. Le souvenir de madame d’Arbussan, si brûlant la veille, se décolorait et s’effaçait visiblement; il lui revint cependant à l’esprit qu’il lui avait demandé à la revoir et qu’il avait obtenu la permission d’aller chez elle.

Je ne sais comment j’ai pu agir ainsi, se disait-il. Je ne puis aller la voir, je serais au désespoir que ma femme la reçût chez elle;–un mot pour me dégager suffira, je l’espère.

Il jeta un coup d’œil sur sa table; la veille il avait refait sa malle et ses papiers étaient déjà enfermés!….

Une simple carte…, se dit-il.

Et comme pour aller chez son notaire, il devait passer rue du faubourg Saint-Honoré, où demeurait madame d’Arbussan, il résolut de la porter lui-même… Mais à mesure qu’il approchait de sa maison, les souvenirs de la veille s’accentuaient plus vivement et il était presque décidé à monter chez elle, lorsqu’au coin de la rue Royale il rencontra son ami.

–Où vas-tu? dit ce dernier en lui tendant la main.

Au diable, je crois, répondit-il avec humeur. depuis hier au soir, j’ai une atroce migraine, néanmoins j’allais mettre ma carte chez madame d’Arbussan, à laquelle j’ai eu la sottise de promettre ma visite.

Ma foi, si seulement le quart de ce que j’ai entendu dire d’elle hier au soir est vrai, c’est une femme dangereuse à tous égards; et il vaut autant ne pas se trouver sur son chemin.

Que puis-je craindre?…

Toi, rien!… mais si seulement tu lui faisais une visite, elle se croirait le droit de saluer ta femme, et je crois que ce n’est pas une société convenable pour madame de Valavran.

Non, certes, et cependant elle est reçue partout, n’est-ce pas?

–Dans beaucoup de salons, oui; mais ce n’est pas une raison pour l’admettre dans le tien. Tu as le droit d’être plus difficile que bien des gens.

Laisserai-je ma carte? J’éprouve je ne sais quelle vive répulsion à l’idée de franchir le seuil de sa maison.

Eh bien, tu l’enverras par un des domestiques de l’hôtel. Nous partons toujours ce soir.

Plus que jamais.

Ils descendirent la rue Royale et gagnèrent les Champs-Elysées.

Elle est d’une irritante beauté, dit Francis, qui songeait encore à madame d’Arbussan.

Oui, dit Octave. C’est la volupté. l’appel aux sens… Tout est trop accusé pour une honnête femme: le regard, le sourire, la taille, la démarche. Il y a beaucoup d’incorrections en elle, et il est très-difficile de s’en apercevoir, tant elle vous enveloppe dans son magnétisme. – As-tu vu ses mains? elles sont très-blanches, admirablement soignées, mais elles manquent de distinction; son cou est trop large, sa ceinture est lourde.

Je t’accorde tout, hormis qu’elle ne soit pas extrêmement désirable. C’est un rêve de passion; elle vous donne soif et faim.

–Peste! partons au plus vite… tu es grisé par elle. Heureusement que demain nous serons à Valavran.

Le Mari de Lucie & Le Soulier de Rosine

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