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LE
MARI DE LUCIE

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PREMIÈRE PARTIE

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I

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Deux années après son mariage avec mademoiselle Lucie de Veyrier, Francis de Valavran passait pour l’homme le plus heureux de Paris; il avait du moins tout ce qui semble constituer le bonheur: un beau nom, une belle fortune, l’estime du monde, l’amitié de quelques-uns, et de plus une femme que chacun citait comme un modèle de beauté et de distinction.

M. et Madame de Valavran sortaient peu; quelques intimes prirent ainsi l’habitude de se réunir le soir dans ¡ le charmant salon mauve de la rue de l’Université; on se retirait vers minuit car la santé de la jeune femme lui défendait les longues veilles; quelques hommes demeuraient après son départ, et tandis que Lucie montait à l’étage supérieur où se trouvait son appartement Francis et ses amis continuaient dans le fumoir une partie de jeu engagée; cette petite réunion devint très à la mode et recevait de ses habitués le nom de Club Val, en abréviation du nom de son fondateur. C’étaient pour la plupart des amis de longue date, des compagnons de chasse et des voisins de campagne, tous gens du même monde et dont le nombre ne dépassait pas une douzaine.

Quelques femmes venaient aussi le soir chez: madame de Valavran soit en prima sera, soit en sortant des Italiens; la maîtresse de la maison, délicate de santé, indolente de goût, passive de caractère, s’accommoda admirablement de cette vie sédentaire; elle renonça sans peine aux grandes fêtes du monde; elle avait le reflet de l’étourdissement de la vie parisienne par le mouvement qui se faisait chez elle. On venait lui montrer les toilettes destinées à faire sensation; elle eut ainsi la primeur de certaines innovations demeurées célèbres, et plus d’un grand scandale tomba dans son oreille discrète, avant d’éclater dans le monde.

Souvent Lucie, demeurée seule, entrait vers minuit dans le fumoir où l’on jouait; elle s’appuyait dix minutes sur l’épaule de son mari, regardait vaguement le jeu sans y rien comprendre, et lui disant adieu dans une imperceptible caresse, se retirait bien vite, chassée par la fumée des cigares, et l’air absorbé des joueurs.

Elle était très-belle, non point comme une héroïne de roman, mais comme une femme du monde élégant dans lequel elle vivait: taille droite, fine, souple, visage pâle, sourire expressif, regard charmant; rien d’éclatant qui attirât violemment les yeux, mais un ensemble pur, si harmonieux que ses imperfections mêmes devenaient un charme de plus. Les hommes dont les succès datent de1830, la trouvaient trop maigre, et quelques jeunes gens d’aujourd’hui, accoutumés à la désinvolture hardie des femmes, la jugeaient froide et peu spirituelle; mais ceux qui l’approchaient savaient que sous une exquise réserve et sous une timidité délicate se cachait un esprit fin, qu’illuminait parfois l’enthousiasme d’une âme dont aucune mauvaise passion n’a terni la primitive beauté.

Elle s’était mariée l’hiver où elle fit son apparition dans le monde. Francis l’aima en la voyant; elle, de son côté, n’eût pu rêver un mari plus accompli. Il était arrivé depuis un an à peine d’un long voyage entrepris après la mort de son père. Sa mère, il l’avait perdue tout enfant… Son éducation avait été forte, sérieuse, presque austère.

Il avait été élevé par un vieil abbé et par le baron de Valavran. Ses amis eurent peur, en le voyant si jeune entrer en possession de sa liberté; on lui fit faire le tour du monde. A vingt-cinq ans il rentrait à Paris. Au grand étonnement de ses contemporains, Francis n’eut ni duel éclatant, ni aventure scandaleuse; on le connaissait peu dans le monde où l’on s’amuse; mais chaque mère de celui où l’on se marie, l’enviait pour sa fille; les dots les plus considérables lui furent offertes; il refusa tout, jusqu’au jour où ayant aperçu Lucie de Veyrier assise près de sa mère, dans un raout chez la duchesse de G…, il se fit présenter à ces dames et épousa la jeune fille au mois d’avril suivant, quand les lilas sont en fleurs et que les prés sont semés de violettes.

Le Mari de Lucie & Le Soulier de Rosine

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