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HISTOIRE DES CHEMINS DE FER I. — ORIGINE DES CHEMINS DE FER

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Table des matières

Les grandes innovations industrielles ne sont jamais le fruit d’une conception soudaine et complète; elles ne sortent point à l’état parfait du génie d’un seul inventeur. Il est très rare d’ailleurs que leur développement ne soit pas subordonné aux progrès de plusieurs autres arts, dont leur application exige le concours simultané. Ce n’est que quand le fait est accompli, quand il se traduit en résultats positifs, que l’on en comprend généralement l’importance. Il entre alors dans la masse des éléments dont se compose la civilisation; il prend une part active et appréciable au mouvement des idées et des choses. Alors aussi on s’occupe à en étudier la portée, à en apprécier l’influence, à multiplier les avantages qu’on peut en retirer. C’est à ce point de leur maturité que commence, à proprement parler, l’histoire de toutes les inventions industrielles. Quant à la période antérieure, lorsqu’elle n’est pas ensevelie dans une impénétrable obscurité, elle se résume en quelques traits qui se représentent, presque sans exception, dans le même ordre et avec les mêmes circonstances: au point de départ, on rencontre un homme dont l’imagination puissante a devancé son époque et jeté dans la région des choses possibles un regard que je pourrais appeler prophétique; il a pressenti l’œuvre, il en a entrevu peut-être les résultats; mais la science a fait défaut à la pensée, et c’est à peine s’il a pu jeter dans le mouvement social un germe imperceptible. Cependant ce germe a grandi insensiblement; il a profité de tous les progrès qui se sont faits autour de lui; chaque découverte nouvelle dans les industries secondaires lui a fait faire un pas vers la maturité. Enfin lorsque le besoin général a réclamé l’innovation, lorsque le monde a été, si je puis le dire, préparé à la recevoir et à l’utiliser, il s’est trouvé un homme judicieux et persévérant dont les heureuses combinaisons en ont universalisé le bienfait. Et ce dernier a recueilli, avec la gloire qui lui était légitimement acquise, toute la part à laquelle ses devanciers avaient droit; car la reconnaissance publique est peu soucieuse des théoriciens qui ont deviné ou constaté un principe: elle se porte tout entière sur celui qui l’a fécondé par l’application. C’est ainsi que le nom de Watt est devenu populaire et immortel, tandis que l’on connaît à peine ceux qui, avant lui, avait étudié la force de la vapeur.

On sait bien moins encore à quelle époque et à quel premier inventeur remonte, en réalité, l’origine des chemins de fer. L’idée de faciliter le tirage des voitures en plaçant sous le passage des roues un corps dur et uni était si simple et devait se présenter si naturellement aux hommes les moins ingénieux qu’il ne serait pas possible de lui assigner une date. Que l’on ait employé successivement, à cet effet, des dalles en pierre, des pièces de bois, et enfin des bandes de fer, ce sont autant de perfectionnements qu’a subis la construction des voies, mais dont l’usage ne se répandit pas d’abord. Ce n’était, au reste, qu’un premier pas vers l’invention du mode de transport dont nous obtenons aujourd’hui de si admirables résultats.

Il paraît que des chemins à rails en bois étaient établis à Newcastle-sur-Tyne, dans le comté de Durham, en Angleterre, dès l’année 1649; on en obtenait une telle diminution de la résistance au tirage, que, sur une route en plaine, un seul cheval pouvait traîner quatre chaldrons, ou 10 000 kilogrammes environ de houille. Mais la prompte détérioration de ces rails opposait au service de graves inconvénients. Pour y obvier, M. Reynolds, l’un des intéressés dans la grande fonderie de Colebrook–Dale, dans le Shrospshire, eut l’idée de substituer aux pièces de bois des rails en fonte de fer. Il proposa à ses coassociés de faire, à ce sujet, une expérience qui eut lieu le 13 novembre 1767, sur la quantité de cinq à six tonneaux de rails seulement.

Ces rails étaient plats, avec un rebord, soit intérieur, soit extérieur, pour maintenir dans la voie les roues des wagons. Ils étaient fixés, par des chevilles de fer ou par des clous à vis, sur des pièces en bois placées en travers de la voie. Mais la poussière et la boue, s’accumulant dans l’angle que formait le rebord, nuisaient à la circulation, et M. Sessop imagina, en 1789, de transporter ce rebord sur les roues. Par suite de cette modification, la forme des roues et des rails, et la manière d’assembler ces derniers sur des chairs en fonte de fer et des dés en pierre ou des traverses en bois se trouvèrent, à peu de chose près, ce qu’elles sont aujourd’hui.

En 1820, la fabrication du fer malléable ayant reçu, en Angleterre, des perfectionnements qui en firent considérablement baisser le prix, M. John Birkinshaw, des forges de Bedlington, obtint une patente pour faire des rails en fer, ondulés, et d’une longueur de 15 pieds anglais. Son procédé consistait à faire passer des barres de fer rouge par une séries de cannelures creusées sur un cylindre. Les cannelures offrant une profondeur qui croissait et décroissait alternativement, le rail, au sortir de ce moule, présentait, à la partie inférieure, une suite de segments, égaux chacun au développement du cylindre Les coussinets destinés à supporter le rail se plaçaient au point de jonction des segments.

Depuis cette époque, on n’a plus à signaler aucun progrès sensible ni dans la fabrication des rails ni dans la manière de les assujettir. Ce n’est pas que le système de la voie ne puisse être encore amélioré ; mais les efforts qui ont été faits dans ce sens n’ont presque rien produit. Toutefois, cet intéressant problème industriel est poursuivi par un grand nombre d’hommes savants et éclairés, et l’on peut espérer que leurs recherches ne seront pas toujours infructueuses.

Quoi qu’il en soit, les chemins de fer, dans leur état actuel, suffisent aux besoins de notre époque; la France surtout en retirera de grands avantages. En tout ce qui tient aux moyens de transport, les Anglais nous ont devancés de beaucoup; leurs belles routes, leurs excellents chevaux, la bonne organisation du service de leurs voitures publiques, leur ont donné sur nous jusqu’ici une supériorité incontestable: nos chemins de fer construits, nous n’aurons plus rien à envier à nos voisins pour la commodité et la rapidité des voyages. Les gouvernements reconnaîtront bientôt, sans doute, combien il leur importe de faciliter, d’encourager les relations de peuple à peuple, de multiplier les moyens de communication, de hâter l’échange et la fusion des idées, de mettre en rapport et en oppostion toutes les industries; alors les haines, les rivalités nationales, s’effaceront, et l’on verra s’accroître et se développer cette tendance qui semble appeler aujourd’hui tous les peuples civilisés à ne former plus qu’une seule famille.

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