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II. — DU RANG QUE LES CHEMINS DE FER OCCUPENT DANS LE SYSTÈME GENERAL DES TRANSPORTS

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Table des matières

D’après la forme même des chemins de fer, les wagons, c’est-à dire les voitures appropriées à en faire le service, sont invariablement liés à la route où ils doivent se mouvoir; ce n’est qu’au moyen d’une manœuvre particulière que l’on peut intervertir l’ordre dans lequel ils ont été primitivement placés sur la voie. Cette condition sembla, dans l’origine, entraîner nécessairement cette conséquence qu’un seul et même intérêt devait présider à l’établissement, à l’exploitation et à l’entretien du chemin. Aussi les chemins de fer ont-ils été créés d’abord pour desservir des houillères, des carrières de pierre où d’ardoise, des fours à chaux, etc.: ils étaient consacrés enfin à l’usage spécial d’une industrie dont tous les produits partaient du même point, pour être transportés soit sur le bord d’un canal, soit dans quelque grand centre de consommation. Cet état de choses dura près de deux siècles.

Mais lorsque l’accroissement des besoins eut déterminé une plus grande activité dans la consommation, les moyens ordinaires de transport devenant insuffisants, on eut la pensée de généraliser l’emploi des chemins de fer. On s’occcupa donc à en développer les lignes, à en étendre l’usage et à les mettre, tant par la solidité de la construction que par le perfectionnement des accessoires, en rapport avec les nouveaux services auxquels on les destinait. Le chemin de fer de Darlington à Stokton, est le premier qui ait été établi sous l’empire de ces idées. Il fut entrepris, en 1825, par une compagnie composée, en grande partie, de membres de la société des quakers, propriétaires des houillières situées au delà de Darlington. Sa principale ou plutôt son unique destination était de faciliter l’écoulement des produits de ces mines. Il faut remarquer que les circonstances les plus favorables secondaient cette tentative d’innovation, car elle se faisait dans une localité riche en carrières de toute espèce, et dont la population était, depuis longtemps, accoutumée à employer ce mode de transport, mais seulement sur une petite échelle.

Les wagons furent d’abord traînés par des chevaux, auxquels on adjoignit bientôt des machines; mais ces moteurs étaient si lourds et si imparfaits qu’ils produisaient à peine assez de vapeur pour fournir une vitesse de 4 à 5 milles anglais à l’heure, ou 2 mètres environ par seconde. Une telle lenteur, si elle eût été inévitable, eût considérablement restreint l’utilité des chemins de fer. J’avais entrevu la possibilité de perfectionner le système des moteurs: je m’en occupai activement, et fus assez heureux pour inventer les chaudières à tubes générateurs, que je livrai à l’industrie en 1827. A l’aide de ce système, on put, tout en diminuant le poids de la machine, obtenir une quantité beaucoup plus considérable de vapeur, et par conséquent de puissance. Ce fut en 1830, lorsque l’on mit en activité le chemin de fer de Manchester à Liverpool, que les nouvelles chaudières furent, pour la première fois, appliquées aux locomotives. Elles fournirent immédiatement une vitesse qui dépassait tout ce qu’auparavant on eùt jugé possible. Dans les premières expériences, laites le 15 septembre 1830, cette vitesse fut portée à 15 lieues à l’heure; dans des essais postérieurs, elle fut poussée jusqu’à 25 lieues. Mais la crainte des accidents ne permit pas que l’on profitât de toute cette force; et l’on jugea prudent de régulariser la marche sur une moyenne de 12 lieues à l’heure.

Dès lors, le service des chemins de fer prit une merveilleuse extension; ils ne furent plus employés uniquement au transport des marchandises; le nouveau moteur doublait leur utilité, et la rapidité de la marche ne tarda pas à y amener un concours de voyageurs hors de tout rapport avec les calculs que l’on avait tenté d’établir préalablement sur l’accroissement probable de la circulation. Ce résultat est même devenu, aux yeux des spéculateurs, une garantie de succès, toutes les fois qu’un chemin de fer sera destiné à ouvrir des communications à travers de grands centres de population. C’est donc sur le déplacement des individus que su fondent désormais les avantages les plus certains des chemins de fer. Il est évident, en effet, qu’il ne peut y avoir un intérêt égal à accélérer dans la même proportion l’arrivage des marchandises. La grande vitesse ne s’obtient qu’aux dépens de la détérioration des rails et des machines locomotives, et les frais d’entretien et de réparation s’en augmentent proportionnellement. Aussi n’a-t-on pas encore résolu la question de savoir si, pour le transport des marchandises lourdes et encombrantes, les chemins de fer doivent être préférés aux canaux ou aux rivières navigables. Il est probable que ces deux modes de transport seront longtemps encore usités concurremment. Si même, dans l’avenir, l’accroissement illimité des déplacements exige qu’il soit établi, sur les chemins de fer, des voies particulières pour les voyageurs et pour les marchandises, cette grande activité ne sera pas exclusive en faveur des nouveaux établissements; les uns et les autres continueront à être employés suivant la nature du service qu’on aura à en réclamer. La prospérité des chemins de fer réagira favorablement même sur les canaux, et augmentera le mouvement des transports auxquels ils sont plus particulièrement destinés.

De l'Influence des chemins de fer et de l'art de les tracer et de les construire

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