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LES LETTRES DES DAMES DE L’ASSOCIATION

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Table des matières

Les quelques lettres des dames de l’association, qui nous ont été conservées, sont touchantes; je voudrais montrer, en transcrivant les réflexions qu’elles renferment, comment le Comité comprenait et accomplissait son œuvre. Ces dames se considèrent «comme autant de sentinelles placées par l’amour du Seigneur et chargées de se transmettre les unes aux autres le mot d’ordre, résultant de la consciencieuse appréciation de l’état des âmes des prisonnières. » Elles se continuent par un échange fréquent de lettres ce qu’elles appelaient «le fil de leurs chers intérêts,» racontant fidèlement ce qu’elles avaient vu, observé et fait à la prison. Grâce à cet échange amical d’impressions, l’expérience de chaque dame venait enrichir tous les jours le trésor commun. Elles constataient avec soin «les faits de nature à les éclairer sur les meilleurs moyens d’obtenir la véritable régénération de ces pauvres créatures. » — «Elles sentaient la valeur des observations faites avec conscience,» et elles ne doutaient pas «qu’elles pussent fournir un jour à des hommes dévoués au bien public de vives lumières sur les meilleures institutions à fonder pour prévenir les affligeantes plaies de la société.» — «Il y a longtemps, ajoutait la baronne Pelet, que je soupire après une classification raisonnée et morale des prisons à l’aide de laquelle on peut prévenir certains maux.»

L’organisation du Comité préoccupait particulièrement Mme Pelet; elle écrivait dès 1840 à Mlle Dumas, alors secrétaire de l’association:

«C’est à la présidente qu’appartient la direction du Comité, mais lorsqu’elle sera absente, vous serez appelée à la remplacer, puisque vous possédez le fil sans lequel les délibérations manqueraient de suite: vous soumettrez aux voix toute délibération se rapportant au service de Saint-Lazare, si votre délicatesse souffrait de devenir juge et partie. La présidente doit encourager les personnes timides à rendre compte de ce qu’elles ont vu et entendu; car de la variété des points de vue jaillit une véritable lumière; chaque dame doit avoir un livret pour noter les observations qu’elle a faites et qu’elle doit communiquer pendant la séance pour éclairer la marche du comité et mûrir son expérience. Le comité d’hier m’a fait beaucoup de bien par la confiance et l’harmonie qui y régnaient; les plus affectueux rapports se sont établis entre les membres du Comité. Je m’étonne, disait-elle encore à Mlle Dumas, que vous puissiez, au milieu du feu croisé des conversations, retenir et consigner les débats avec autant de vérité. J’ai lu avec le plus vif intérêt les registres que vous avez eu la bonté de me confier, en rendant grâces à Dieu de la suite et de l’intelligence pleine de charité que vous avez mises à constater les faits de nature à nous éclairer. Le procès-verbal étant comme un fac-similé de la séance, il est bon que son rédacteur s’abstienne de réflexions favorables ou défavorables, afin de conserver une entière impartialité ; mais tenez compte de vos réflexions, afin de nous les faire connaître à la séance suivante. Constatons dans chaque procès-verbal l’influence qu’a exercée le culte de Saint-Lazare, et évitons pendant la séance les détails de comptabilité qui se traitent plus avantageusement à deux ou à trois. Insistons davantage sur les moyens d’acquérir un véritable ascendant sur les pauvres âmes de nos prisonnières. Je pense beaucoup à vous et je vous porte sur mon cœur à Dieu; je le prie, de tout mon cœur, de vous faire discerner sa volonté pour la faire: vous avez un si fervent désir de connaître cette volonté sainte que je ne doute pas qu’il ne vous la révèle clairement. Vous ferez l’expérience de la promesse: «Demandez, et vous obtiendrez.» Puisse le Seigneur vous montrer de plus en plus l’étendue de son amour et la profondeur de sa miséricorde!»

Les dames usaient de tous les moyens d’acquérir pour leur mission une rapide maturité. «Elles cherchaient dans leur Bible, avant de partir pour Saint-Lazare, deux ou trois versets qu’elles méditaient sérieusement. Elles appelaient à leur aide la puissance irrésistible de la Parole de Dieu. Elles employaient cette arme invincible pour faire envisager aux détenues dans toute leur vérité les deux vies qu’elles avaient devant elles: l’une, méprisée des hommes et maudite par le Seigneur, l’autre, honorée des hommes et bénie de Dieu. Elles sentaient qu’il leur était bon de renoncer aux aises et aux préoccupations personnelles pour suivre le Sauveur. »

Enfin et surtout elles priaient beaucoup et avec ferveur. Se trouvaient-elles forcées au repos par un motif quelconque, elles demandaient à être tenues au courant de la prison. C’était une consolation à leur inaction momentanée et un aliment à leurs prières. La prière tenait la plus grande place dans leur vie, elles pensaient que leur œuvre ne pouvait prospérer qu’en priant beaucoup: «Si vous vous y sentez portée comme je le suis moi-même, écrivait la baronne Pelet, nous pourrions prier ensemble en esprit et nominativement tous les soirs à 11 heures, ainsi que chacune de ces dames qui s’y sentiraient disposées. Je crois aussi qu’à la fin du service du dimanche, quand ces pauvres femmes se sont retirées en silence, en évitant soigneusement toute conversation avec elles, nous trouverions un grand secours à prier ensemble, pour que la bénédiction du Seigneur reposât tout particulièrement sur chacune d’elles, car nous sentons de plus en plus que nous ne pouvons que planter et arroser et que Dieu seul a la puissance de donner l’accroissement.»

Perdaient-elles de vue une détenue, elles n’en priaient pas moins pour elle. «Si nos paroles ne peuvent plus l’atteindre, disaient-elles, nos prières pour sa pauvre âme n’en seront que plus assidues.»

Elles cherchaient à discerner l’influence qu’exerçait sur les prisonnières le culte de Saint-Lazare, afin d’étudier les moyens d’acquérir un véritable ascendant sur ces âmes, et étaient toujours disposées à modifier leur manière de faire. «Ma chère Mlle Dumas, écrivait Mme Pelet, je viens vous prier en toute simplicité, comme une sœur en Christ, de vous préparer à faire l’explication aux prisonnières dimanche prochain, afin que je puisse retenir quelque chose d’utile de votre mode d’enseignement, plus pratique que le mien. Je n’en adresserai pas moins des questions sur notre dernière lecture, si vous le jugez convenable.»

A la fin du petit culte du dimanche elles imposaient aux prisonnières un silence qui apportait au culte une salutaire solennité. Elles poussaient la règle «jusqu’à la minutie, autant pour que rien ne fût laissé au hasard que pour lutter contre leur propre tendance de suivre l’impulsion du moment.» — «J’ai fort exhorté mon petit troupeau à venir exactement au culte du dimanche.» Pour elles-mêmes le culte était salutaire. «J’ai senti souvent, dit Mlle Dumas, de quelle utilité étaient pour moi mes visites à la prison, pour m’enseigner mon état de péché.» Leur désir de bien faire était trop consciencieux pour que Dieu ne les bénît pas dans leur travail. Mme André-Walther écrivait: «Le Seigneur répand abondamment ses grâces sur les faibles efforts de notre comité. Combien Il est bon de donner l’accroissement, à peine avons-nous planté et arrosé. Oh! ne nous lassons pas de le bénir, et ne nous lassons pas non plus de prier les unes pour les autres afin que notre amour pour lui augmente avec la foi!»

Cette joie si douce, cette joie si rare, le salut d’une âme, leur fut bientôt accordée: une de leurs détenues, Annie J..., fut les prémices de la moisson et pour elles le sujet d’ardentes actions de grâces.

Cinquante années de visites à Saint-Lazare

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