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PREMIÈRES VISITES

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Aussitôt qu’elles furent en possession de l’autorisation qu’elles avaient sollicitée et sans attendre qu’un comité fût régulièrement constitué, ce qui n’eut lieu qu’en décembre de la même année, ces dames se mirent immédiatement à l’œuvre. Le dimanche 30 juin 1839 Mmes Valdemar Monod, Matter et Mlle Dumas se rendirent à Saint-Lazare; on avait mis à leur disposition le cabinet du médecin, et les détenues qui s’étaient déclarées protestantes vinrent les y trouver.

Assembler des prisonnières pour leur parler des choses du salut, était encore une tentative si nouvelle, qu’on imagine sans peine l’émotion que devaient éprouver les trois visiteuses pendant cette première séance; elles étaient toutes tremblantes, il leur semblait que les coupables c’étaient elles-mêmes. Elles commencèrent par l’appel des détenues; une de ces dames fit la lecture de la parabole de l’enfant prodigue, une autre prit pour sujet de son exhortation la repentance en général et le recours au Sauveur; mais impressionnée par l’étrangeté de sa situation, interdite, elle resta court. Moins nerveuse qu’elle, sa compagne continua immédiatement l’exhortation: grâce à sa présence d’esprit, l’auditoire ne s’aperçut pas d’un incident dont on pouvait redouter les conséquences fâcheuses, et le service s’acheva au milieu d’un silence profond et de l’attention générale. Les femmes se conduisirent tout le temps d’une manière très décente. Le procès-verbal de la première séance porte qu’à ces mots de la Confession: «Nous reconnaissons et nous confessons que nous sommes de pauvres pécheurs», trois détenues ont commencé à sangloter, deux autres n’ont pleuré qu’à l’Évangile, et Mme Monod croit avoir aperçu quelques larmes dans les yeux de la prisonnière qui était assise près d’elle. Elle pense que cette fille s’efforçait de cacher son émotion à cause d’une de ses compagnes qui était très endurcie. Une surveillante est restée dans la salle, mais sa présence ne sera pas nécessaire par la suite; le geôlier a laissé la porte entr’ouverte pendant le service et est resté à l’entrée du corridor comme pour surveiller. «Quand on se trouve en face de ces femmes — c’est la remarque judicieuse que je trouve consignée dans le même procès-verbal — il est difficile de les regarder comme des coupables; il sera donc très utile de relire toujours les règlements, pour ne pas se laisser attendrir et pour se renfermer dans les bornes prescrites par l’autorité.»

Le troisième dimanche, Mme Poisson, directrice surveillante, entre pendant le service; elle s’aperçoit que sa présence interrompt l’exercice, elle se retire en demandant qu’on l’avertisse après la réunion. Elle revient et dit que «les séances faisaient une bonne impression sur les détenues»; néanmoins elle engage à les faire très courtes, mais à frapper fort, à éviter tout ce qui approche du mysticisme, et à considérer les détenues comme des enfants légers, insouciants, capricieux, dont on ne peut fixer l’attention que pour quelques instants. Les impressions qu’elles reçoivent sont vives, mais de peu de durée.» Mme Poisson recommande une prisonnière protestante âgée de 50 ans, qui se fait remarquer par sa douceur et sa docilité, tandis que la plupart des vieilles détenues sont les plus récalcitrantes et les plus corrompues.

Cinquante années de visites à Saint-Lazare

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