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VISITE A CLERMONT

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A. J... avait conduit ces dames, comme nous l’avons vu, à la Conciergerie; les prisonnières condamnées à plus d’une année de détention, comme Renée, comme la terrible D..., les amenèrent à visiter Clermont. En 1844, elles obtinrent du ministère de l’intérieur la permission de pénétrer dans cette maison centrale.

Mlle Dumas et une autre de ces dames, déléguées par le Comité, furent reçues avec beaucoup d’empressement et de bienveillance par le directeur; la visite dura quatre heures.

Elles arrivèrent au moment de la promenade des détenues, qui lentement s’avançaient sur deux files, se séparant au bout de la cour, les unes allant longer le mur à droite, les autres à gauche; une religieuse était à la tête de chaque file, et les prévôtés marchaient sur les côtés du rang.

«Les prisonnières, écrit Mlle Dumas, portent sur la tête et autour du cou des mouchoirs à carreaux bleus et blancs. Elles sont vêtues de camisoles et jupons de laine grise, de tabliers blancs et sont chaussées de sabots.

«Les prévôtés portent des mouchoirs blancs; toutes les détenues ont sur le bras droit leur numéro marqué en coton rouge.

«Les protestantes se précipitent hors des rangs quand elles aperçoivent les dames de Saint-Lazare, le directeur exige aussitôt qu’elles rentrent dans le rang et leur promet une entrevue dans la salle du conseil.

«La visite de la prison commence par les réfectoires. Les tables sont de six places; les noms sont écrits sur des cartes attachées sur une ardoise contre le mur; le numéro de chaque détenue marque sa place à table; la nourriture est suffisante sans être abondante. Cependant les prisonnières qui gagnent de l’argent se procurent du lait, du beurre, du fromage, des pommes de terre, à l’aide de fiches de fer-blanc qu’elles laissent le matin à leur place et qui sont le signe convenu de ce qu’elles désirent avoir le lendemain.

«Toute la prison est vaste et bien aérée; on ne sent dans aucun endroit à Clermont l’odeur infecte et fétide qu’exhalent même les escaliers dans d’autres prisons. Tout se fait en silence dans cette vaste maison; on n’entend d’autre bruit que celui des sabots; les femmes travaillent en silence dans les ateliers, séparées les unes des autres par un espace d’environ un mètre. Les prévôtés sont placées en face d’elles; la sœur surveillante, de sa chaire de bois blanc, domine toute la salle. Elles font les ouvrages les plus riches, les plus délicats, des écharpes en soie brodées en or et des châles lamés. Elles font aussi des chemises d’homme, des franges, des rubans, de la passementerie, des perruques et des gants. Les femmes âgées trient de la laine et piquent des bretelles.

«Les dortoirs contiennent jusqu’à 94 lits; les sœurs couchent dans des cellules à l’extrémité des dortoirs et surveillent par leurs guichets. Les cachots, au rez-de-chaussée et au premier étage, sont composés de deux parties séparées par une grille. La première reçoit l’air et la lumière, et donne sur la cour; elle est assez profonde pour que la prisonnière qui habite la seconde ne puisse pas, pendant les récréations, communiquer avec ses compagnes.

«A l’heure de la récréation, les détenues protestantes, au nombre de treize, nous ont été amenées. D..., se traînant avec peine, malade, a insisté pour monter. Ses dispositions sont toujours les mêmes; irritée au plus haut point, elle menaçait de se suicider; elle nous a tenues près d’une heure, et ses discours étant d’un mauvais exemple pour les autres, la sœur les a emmenées dans la salle voisine. Nous avons dû la renvoyer et appeler les autres successivement. Elles regrettent beaucoup les exhortations de M. K...; elles ne peuvent pas faire le culte entre elles, quoiqu’elles sentent le besoin de la Parole de Dieu, et elles se trouvent tout à fait abandonnées, ce qui les aigrit beaucoup.»

Ces dames sont interrompues par la cloche du soir qui sonne la retraite, et elles quittent la prison après avoir signé sur les registres la décharge d’une jeune détenue qu’elles doivent emmener le lendemain avec elles .

Cinquante années de visites à Saint-Lazare

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