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COMPASSION POUR LES DÉTENUES

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Un trait caractéristique du travail de ces dames était la compassion. «Ces pauvres femmes me font tant de peine! écrit Mme André-Walther; combien on éprouve en les voyant le besoin d’avoir le cœur plein d’amour pour Dieu et de foi au Sauveur, pour pouvoir le leur communiquer; et puis quel retour salutaire on peut faire sur soi-même en voyant quel empire exerce le péché dans un cœur qui oublie son Dieu créateur et Sauveur! Chère Mlle Dumas, agissons et prions et veillons sans cesse.»

Elles se gardaient d’écrire dans le pays des détenues, afin de ne pas ébruiter parmi les parents et les amis la honte des malheureuses. Lorsqu’elles annonçaient le retour de la brebis perdue, elles parlaient discrètement des dangers de la vie de Paris. Elles savaient entrer dans les moindres détails de leur travail: les robes qu’il fallait donner, le linge à raccommoder, les pièces à mettre aux vêtements pour les rendre présentables. Elles prenaient grand soin de la santé des détenues, elles les recommandaient aux médecins de la prison, leur portaient des douceurs lorsqu’elles étaient malades. Elles avaient pour les enfants des layettes, des biberons, du sucre, du lait frais, toutes choses qui pouvaient contribuer à adoucir pour les innocentes victimes les souffrances de la détention.

Elles procuraient de l’ouvrage aux prévenues afin que ces dernières pussent payer ce qu’on appelle à Saint-Lazare «la pistole,» c’est-à-dire des chambres un peu meilleures que les cellules ordinaires et dont on obtient la jouissance moyennant quelques sous par jour. Cependant elles ne perdaient pas de vue que leur œuvre était plutôt de charité morale que de bienfaisance. Elles craignaient d’avantager une détenue involontairement au détriment des autres et de faire naître ainsi des jalousies. Elles accordaient les justes réclamations. «Les détenues s’irritent si on ne leur fait pas droit. Évitons de soulever en elles les mauvaises dispositions; ces pauvres créatures sont aussi malades de corps que d’esprit.»

J’ai trouvé dans les lettres de Mme de Perthuis une note faisant mention des frais nécessités par le retrait des reconnaissances du Mont-de-piété d’une détenue:


Ces détails ne sont pas sans intérêt si l’on veut se rendre compte des soins multipliés qu’exige l’œuvre des prisons pour être faite consciencieusement. On donnait des chaussures aux libérées au moment de la sortie, des jupons, des tricots, etc., etc. Les détenues aimaient ces dames. Je trouve une marque touchante de cet attachement dans une des lettres d’un membre du comité, Mme Olivier: «J’ai eu à Saint-Lazare, écrit cette dame, une séance des plus difficiles et des plus compliquées. J’ai dû reconduire F..., qui est venue au culte et qui y est restée jusqu’au bout, malgré les douleurs de l’enfantement, qui la quittaient, la reprenaient par intervalle, à la grande émotion de ses compagnes, que je maintenais à grand’peine. Nous avons beaucoup prié pour cette pauvre femme, qui a voulu rester avec moi la dernière et avait peine à me quitter.» Parmi ces dames, quelques-unes occupaient de hautes positions dans la société. Leur influence et leurs relations étaient mises au service des prisonnières. La comtesse de Perthuis s’adresse à Mme la duchesse d’Orléans et en reçoit un secours important pour une de ses protégées; elle intéresse à son entreprise M. le duc de Montebello, M. de Lasteyrie et M. de Lafayette; elle charge son mari de présenter au roi Louis-Philippe des recours en grâce; elle demande pour les détenues étrangères l’appui des ambassadeurs et ministres des pays d’origine. Ces démarches touchent profondément: on admire, en la voyant à l’œuvre, comme la charité chrétienne sait établir un lien invisible de compassion entre les points extrêmes de la société, entre ces créatures souillées par tous les vices et les princesses saintes et pures comme Mme la duchesse d’Orléans, et l’on emporte, une fois de plus, dans son cœur la conviction que les femmes placées par leur naissance ou leur fortune dans une position exceptionnelle ont par cela même une mission à remplir, dont Dieu leur demandera compte; mission de vraie fraternité, établissant d’une classe à l’autre, par la compassion et l’amour, la paix et la véritable égalité. L’observation est banale, mais il y a des lieux communs qu’il ne faut jamais se lasser de redire, parce que la société, hélas! ne se lasse pas de les méconnaître.

Quelques détenues, inscrites sur les registres de l’Œuvre, nous semblent mériter une courte mention.

Cinquante années de visites à Saint-Lazare

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