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VI

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INCENDIE DES LIVRES EN CHINE

(213 av, J.-C.)

L’empereur chinois Tsin-chi-hoang-ti, célèbre par ses réformes et ses conquêtes, convia un soir à un grand festin les princes, les gouverneurs de province et les principaux mandarins.

Après les cérémonies d’usage, il prit place sur son trône et il ordonna aux assistants de lui donner en toute sincérité leur avis sur sa manière de gouverner. Le premier mandarin qui prit la parole fit un pompeux éloge de l’empereur. Il termina son discours par ces mots: «Vous surpassez sans contredit tout ce qu’il y a jamais eu de plus grand depuis l’antiquité la plus reculée jusqu’à nos jours.»

La salle croulait sous les applaudissements, lorsque le lettré Chun-yu-yue, chaud partisan de l’antiquité et ennemi déclaré de toute innovation, s’écria: «Seigneur, cet homme qui vient de vous louer avec tant d’impudence ne mérite pas le nom de Grand de l’Empire, dont il est décoré. Ce n’est qu’un lâche courtisan, un vil flatteur qui, bassement attaché à une fortune dont il ne mérite pas de jouir, n’a d’autres vues que celle de vous plaire, aux dépens du bien public et de votre propre gloire. Je ne l’imiterai point, mais je vous dirai seulement ce que je pense.» Et Chun-yu-yue exposa avec chaleur sa manière de voir, engageant l’empereur à marcher sur les traces des plus antiques souverains du Céleste-Empire.

Le ministre Li-sse, ami du progrès et adversaire de l’antiquité, profita de l’occasion qui s’offrait de décrier les gens de lettres.

Selon lui, les lettrés n’entendaient rien au gouvernement; ils étaient très habiles en spéculation, mais ils n’entendaient rien à la pratique; ils ne connaissaient que le monde ancien et ignoraient absolument l’état de la société actuelle. «Pleins d’eux-mêmes, infatués de leur prétendu mérite, ils ne voyaient de bien que ce qui se faisait conformément à leurs idées; ils ne voyaient le beau que dans des usages surannés, dans des cérémonies antiques; ils ne trouvaient de véritablement utile que cette vaine science qui les élève si fort à leurs yeux, mais qui en réalité les rend inutiles à tout le genre humain. » Il serait donc absurde d’user de tolérance envers des hommes aussi dangereux, et pour en finir d’un seul coup, il importait de détruire, de livrer aux flammes, les livres, cause de tout le mal.

Puis Li-sse engagea l’empereur à ordonner la destruction immédiate de tous les ouvrages qui ne traitaient pas de médecine, d’agriculture ou de divination. Quant aux livres d’histoire, il fut d’avis de n’en laisser subsister aucun, à l’exception cependant de ceux dans lesquels il était parlé de la dynastie régnante.

Tsin-chi-hoang-ti n’aimait pas les lettrés. Il approuva le discours de son ministre et chargea Li-sse d’ordonner à tous les citoyens de brûler les livres qu’ils possédaient.

L’édit de proscription fut promulgué immédiatement. Par bonheur, une grande partie des monuments historiques de la Chine consistait alors en tablettes de bambou, et plusieurs, échappant à une ruine complète, subsistèrent plus ou moins mutilés.

Un certain nombre de lettrés aimèrent mieux mourir que de mettre le feu à leur bibliothèque.

Les grands incendies

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