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ОглавлениеL’INCENDIE DE ROME SOUS NÉRON
(64)
L’incendie de Rome sous Néron fut tellement désastreux qu’on ne peut guère lui comparer que celui de Londres en 1666. Tacite ne sait s’il doit l’attribuer au hasard ou à un caprice de l’empereur; mais, d’après Suétone, un des favoris de Néron ayant, dans le cours de la conversation, cité le vers grec:
’Εμoυ̃ θανóντoς γαῑα μιχθήτω πυρί
«Non, répondit le prince, que ce soit de mon vivant!» et il mit à exécution cette menace barbare, «choqué, à ce qu’il disait, du mauvais goût des anciens édifices, du peu de largeur et de l’irrégularité des rues».
Ce qu’il y a de certain, c’est que le 19 juillet 64, un incendie se déclara dans la partie du Cirque contiguë au mont Palatin et au mont Célius. En cet endroit, les boutiques se trouvaient remplies de toutes sortes de matières capables d’alimenter la flamme: aussi le feu, dont rien n’arrêtait la marche, enveloppa-t-il bientôt, sous l’action du vent, la longueur entière du Cirque, réduisant en cendres les maisons de bois qui bordaient les rues étroites et tortueuses de Rome. La rapidité du mal prévint tous les efforts pour l’arrêter.
«D’ailleurs, les lamentations et les frayeurs des femmes, la faiblesse des vieillards et celle des enfants; puis, les habitants qui se pressaient, ceux-ci pour eux-mêmes, ceux-là pour d’autres, traînant des malades ou les attendant, les uns s’arrêtant, les autres se hâtant, tout ce trouble empêchait les secours. Et souvent, tandis qu’ils regardaient derrière eux, ils se retrouvaient investis par devant ou par les côtés; ou bien, s’ils tentaient de se réfugier dans les quartiers voisins, les trouvant déjà la proie des flammes, ils se voyaient encore, à des distances qu’ils avaient jugées considérables, poursuivis par le même fléau. Enfin, ne sachant plus où était le péril, où était le refuge, ils restaient entassés dans les rues, étendus dans les champs, quelques-uns ayant perdu toute leur fortune, n’ayant pas même de quoi subsister; d’autres, par amour pour des parents qu’ils n’avaient pu arracher à la mort, s’ensevelirent dans les flammes. Personne n’osait résister au- fléau; on entendait autour de soi mille cris menaçants qui défendaient d’éteindre; on vit même des gens qui lançaient ouvertement des flambeaux en criant à haute voix qu’ils en avaient l’ordre, soit afin d’exercer plus librement leur brigandage, soit que l’ordre eût été donné réellement.»
Néron se trouvait alors à Antium. Il se décida à revenir à Rome, lorsqu’il apprit que l’édifice qu’il avait fait construire pour joindre le palais d’Auguste et les jardins de Mécène était menacé ; mais sa présence n’empêcha pas la destruction de l’édifice ni de ses dépendances. Alors il fit ouvrir au peuple les monuments d’Agrippa et le Champ de Mars, et des hangars furent construits à la hâte pour abriter la plèbe; on demanda des meubles à Ostie et aux villes voisines, et le blé fut réduit au plus bas prix.
Fig. 2. — Incendie de Rome sous Néron (an 64).
Cependant le bruit courait qu’au plus fort de l’incendie, Néron, du haut de la tour de Mécène, contemplait cet affreux spectacle, une lyre à la main, chantant par allusion l’incendie de Troie. Le fait n’est pas prouvé, mais ce n’est pas faire injure au tyran que de l’en accuser.
Vers le sixième jour, le feu semblait s’être arrêté au pied des Esquilies, lorsqu’il se ranima dans les possessions Émiliennes, occupées par Tigellinus. Enfin, on put constater que dix quartiers sur quatorze n’existaient plus: trois avaient été rasés, sept brûlés presque entièrement. Les plus anciens monuments religieux, le Temple de la Lune élevé par Servius Tullius, celui que l’Arcadien Évandre avait consacré à Hercule, celui de Jupiter Stator bâti par Romulus, le palais de Numa, le temple de Vesta, les demeures des anciens généraux ornées des dépouilles de l’ennemi, en un mot toutes les merveilles de l’ancienne Rome n’offraient plus que des vestiges à demi brûlés.
Des mesures furent prises immédiatement par l’empereur pour éviter le retour d’une pareille calamité : il fut décidé que les rues seraient à l’avenir larges et alignées, que les édifices seraient moins élevés et construits en pierre, que l’eau circulerait plus abondamment, qu’enfin il n’y aurait plus de murs mitoyens. Pour apaiser les dieux, on fit des prières publiques à Vulcain, à Cérès et à Proserpine. Selon Tacite, l’empereur promit une récompense aux citoyens qui feraient rebâtir leurs demeures dans un délai donné ; mais Suétone, toujours en contradiction avec lui, affirme que Néron exigea des contributions pour la réédification de Rome et qu’il faillit ruiner ainsi les particuliers et les provinces. En tout cas, il commença par faire construire pour son usage personnel un palais magnifique sur les ruines de la patrie. Puis, voyant qu’on l’accusait, il rejeta la faute sur les chrétiens, auxquels il fit subir les derniers supplices; sur son ordre, on les enveloppa de peaux de bêtes pour les faire dévorer par les chiens, on les crucifia, on les enduisit de résine et l’on s’en servit comme de flambeaux. Ces scènes atroces se passaient dans les propres jardins de l’empereur, qui, vêtu en cocher, donnait des jeux au cirque et conduisait lui-même des chars!