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ОглавлениеL’INCENDIE DE LONDRES
(1666)
Londres, délivré de la peste, fut victime d’un effroyable incendie.
«La nuit du 11 au 12 de ce mois (septembre 1666), dit Renaudot, le feu ayant pris à quelques maisons voisines de la Tour de Londres sans qu’on ait pu savoir de quelle manière, il fut rendu si violent par les vents du nord-est, qu’en cinq jours et autant de nuits, il réduisit en cendres toute l’enceinte de cette ville, et par delà jusques au collège appelé Temple-Bar, la Douane, les Magazins, la place des marchands appelée la Bourse, la maison et le magazin des Indes, la Maison de ville, quatre-vingt-dix paroisses et la moitié du Pont.»
La cause de l’incendie qui, en 1666, fit de Londres un monceau de ruines, fut l’objet de beaucoup de doutes. Les uns accusèrent de ce désastre les Hollandais, ennemis de l’Angleterre; les autres virent là l’œuvre de traîtres ou de factieux. La Gazette de Théophraste Renaudot, qui, comme on vient de le voir dans le passage cité plus haut, déclare qu’on ne sait de quelle manière se produisit l’incendie, nous dit ailleurs que le feu prit d’abord «en la maison d’un boulanger, proche le Pont, en la rue de New-Fish, avec tant de violence qu’ayant gagné le haut, il embrasa pareillement celles qui estoient proches, et en peu de temps le reste de cette rue.»
La maison de ce boulanger était goudronnée extérieurement et renfermait une grande quantité de fagots et de bourrées. Comme les rues étaient très étroites et que chaque étage avançait toujours sur l’étage inférieur, les toits étaient presque contigus: cette fâcheuse disposition aida puissamment au progrès des flammes. New-Fish street brûla entièrement; le feu se communiqua rapidement de quartier en quartier, et dans la rue de la Tamise, il se partagea en deux branches qui se dirigèrent de l’est à l’ouest et se rejoignirent au pont de Londres, dont elles brûlèrent une partie des maisons.
Parmi les monuments détruits, il faut citer la cathédrale de Saint-Paul, l’église de Sainte-Marie des Arcs, l’église du Christ, la Douane, l’hôtel de Sommerset. L’Hôtel de Ville, la prison de Newgate, l’église de Saint-Dunstan ne furent pas complètement ruinées.
Comme nous l’avons dit, on accusa les Hollandais, parce qu’on était en guerre avec eux. Quelques-uns soupçonnèrent les catholiques romains. «Il était bien plus naturel de chercher la cause de ce désastre dans la mauvaise construction des maisons, dans la mauvaise disposition des rues, dans le peu de précautions prises pour prévenir le retour de ces incendies si fréquents à Londres, dans ce vent d’est qui augmenta la furie de l’embrasement, enfin dans la sécheresse extrême qui avait eu lieu durant tout le printemps et tout l’été, et qui semblait avoir préparé cette malheureuse ville à être plus facilement dévorée par les flammes.»
Fig. 3. — Incendie de Londres (1666).
Le roi d’Angleterre, accompagné du duc d’York et d’une partie de la noblesse, parcourut la ville à cheval, donnant des ordres, relevant le courage de ses sujets. Il fit transporter à White-Hall ce que les habitants avaient pu sauver, «particulièrement les marchandises, et l’argent que chacun venoit déposer entre ses mains comme en un asile sacré», puis il distribua tout le biscuit des vaisseaux aux incendiés, et publia une proclamation enjoignant aux cantons voisins d’apporter des provisions à Londres.
Tous les courtisans ne prirent pas en pitié les souffrances du peuple.
L’un démontrait à Charles II que «cet incendie d’une ville toujours prête à la révolte n’était pas sans avantage pour la royauté ».
«Le roi, disait un autre, aura sans doute la sagesse de ne plus relever ni portes ni murailles, et de tenir tout ouvert pour que ses troupes soient toujours en mesure de contenir la multitude.»
Il faut dire, à la louange du prince, qu’il n’écouta pas ces conseils et qu’il donna au contraire à ses sujets, dans ces cruelles circonstances, plus d’une preuve d’intérêt. Pour attirer les bénédictions du ciel sur la capitale, il ordonna un jeûne solennel en Angleterre et dans la principauté de Galles. Il promit de faire rebâtir la Douane le plus promptement possible et recommanda à la générosité publique la reconstruction des églises. Tous ceux qui consentirent à relever leurs demeures furent exemptés pour sept ans des droits d’impôt sur les cheminées.
Sur la requête du maire et des aldermen, le roi décida qu’on ne se servirait plus que de la brique et de la pierre pour bâtir et qu’on ferait de «bonnes voûtes aux caves et celliers, l’expérience de cet incendie en ayant montré l’utilité et la conséquence.»
Le célèbre Christophe Wren présenta au roi un plan de réédification complète de Londres; mais les uns se montrèrent partisans de l’ancien plan, les autres opinèrent pour le nouveau: on s’arrêta à un moyen terme et l’on s’aida également des deux projets.
Cinq ans plus tard, Christophe Wren éleva à Londres, par ordre du Parlement, une colonne triomphale destinée à perpétuer la mémoire de l’incendie de 1666. Cette colonne, appelée le Monument, est cannelée et creuse, d’ordre dorique, très haute, posée sur un piédestal, et située sur une petite place près de New-Fish street. Elle est construite en pierres de Portland, et le couronnement se termine par un vase de bronze, d’où jaillissent des flammes. Un escalier de marbre noir de 311 marches conduit sur le tailloir du chapiteau, et un bas-relief, considéré par les Anglais comme un chef-d’œuvre, orne une des faces du piédestal.
«Sur le premier plan de ce bas-relief, on voit une belle femme représentant la cité de Londres. Derrière elle, on aperçoit des maisons que les flammes dévorent, et elle est assise sur des ruines, dans l’attitude de la douleur, la tête penchée sur son sein, les cheveux en désordre; sa main est négligemment posée sur une épée, et le bonnet de la Liberté est à côté d’elle. Entre elle et les flammes, on voit le Temps qui la soulève et la console. A sa droite est une jeune femme qui la touche légèrement d’une main, tandis que de l’autre, tenant un spectre ailé, elle l’invite-à lever les yeux et à regarder deux déesses portées sur des nuages: l’Abondance et la Paix. A ses pieds, on remarque une ruche, emblème de l’industrie et de l’activité, à l’aide desquelles on surmonte tous les obstacles. Derrière le Temps, plusieurs citoyens applaudissent aux efforts qu’il paraît faire pour relever le personnage principal. Au-dessous, parmi des ruines, on aperçoit un dragon qui, comme support des armes de la Cité, s’efforce de la défendre avec ses griffes. Vis-à-vis, sur un terrain élevé, on voit Charles II vêtu à la romaine, le front ceint de lauriers, le bâton de commandement en main; il paraît s’approcher de la femme désolée et ordonner à trois personnages élevés dans les airs de descendre à son secours. Le premier est la Science, le second l’Architecture, le troisième la Liberté, qui agite son bonnet dans l’air pour manifester sa joie à l’agréable perspective du rétablissement de la Cité. Le duc d’York est derrière le roi son frère; il tient d’une main une guirlande pour couronner la Cité, et, de l’autre une épée pour la défendre. La Justice et la Force sont derrière ce prince. La première tient une couronne, la seconde gouverne un lion avec des rênes. Sur le terrain où est placé le roi, on voit l’Envie sortir d’un antre, et verser le fiel de sa bouche sur un cœur sanglant qu’elle dévore. Dans la partie supérieure du dernier plan, la reconstruction de la Cité est indiquée par des maçons montés sur des échafaudages et travaillant à des maisons qui ne sont pas encore terminées.»