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VII
ОглавлениеIl nous eût été facile de faire, dans les trois tomes des Pensées, un choix restreint de passages remarquables à la fois par la forme et par le fond. Ces extraits auraient rempli un volume de grosseur moyenne, s’adressant au grand public, qu’il eût charmé sans doute. Nous avons préféré, néanmoins, entreprendre une édition intégrale, sans, du reste, en méconnaître les dangers.
Nous n’ignorons point qu’on relèvera, dans les deux gros tomes que nous imprimons, plus d’un article insignifiant en lui-même. Mais l’ensemble des morceaux constitue un document tout à fait hors ligne. Quel est l’homme de génie dont, jusqu’à ce jour, on ait pu suivre le travail intérieur pendant trente à trente-cinq années de son existence? Pour Montesquieu, la chose devient presque aisée à l’avenir. Et nous espérons qu’une étude plus complète de son œuvre finira par découvrir à tous l’originalité et l’unité profondes et trop méconnues de ses conceptions morales et politiques.
Quand nous annonçons une publication intégrale, il ne faudrait point prendre le mot dans un sens absolu. Nous laisserons, par exemple, de côté quelques citations pures et simples, que ne suit aucun commentaire. A plus forte raison, n’imprimerons-nous qu’une fois les morceaux transcrits à deux reprises dans l’original. Nous nous permettrons même de très rares suppressions: celles d’un fragment par trop Régence et de deux ou trois phrases très libres, sans portée philosophique. Au contraire, pour les passages biffés dans les manuscrits, par l’Auteur lui-même ou par quelque autre, nous n’avons pas cru devoir les omettre sans distinction.
Quelques-uns présentent, en effet, un intérêt véritable, soit qu’ils trahissent une impression passagère, soit qu’ils découvrent la suite d’un raisonnement ou les formes progressives d’une même idée. Nous les donnerons donc, mais entre deux astérisques, pour qu’on les distingue à première vue. Il y a même un fragment que nous reproduisons barré, afin de bien indiquer qu’il n’est qu’une boutade, dont Montesquieu eut regret dans sa modestie foncière.
Une autre question délicate qu’il nous a fallu résoudre est celle de l’ordre à adopter dans notre publication.
L’ordre des manuscrits serait d’un intérêt capital, s’il était strictement chronologique. Mais on ne peut méconnaître que les interversions et les intercalations abonden dans les trois volumes des Pensées. En outre, quelle fatigue pour les lecteurs que d’aller incessamment d’un sujet à un autre, sans lien et sans transition!
Donc nous soumettrons à un classement méthodique les 2,200et quelques morceaux que nous allons imprimer.
On les trouvera groupés sous les rubriques suivantes:
Avertissement.I. Montesquieu.II. Œuvres connues de Montesquieu.III. Œuvres et Fragments d’Œuvres inédites de Montesquieu.IV. Science et Industrie.V. Lettres et Arts.VI. Psychologie.VII. Histoire.VIII. Éducation, Politique et Économie politique.IX. Philosophie.X. Religion.
La partie qui vient après l’Avertissement a un caractère autobiographique; les deux suivantes sont relatives à des ouvrages devant constituer un tout par eux-mêmes; et les sept autres ne renferment guère que des notes et des réflexions détachées.
Les indications que l’on trouvera en tête de chaque article, après le numéro initial, font connaître le tome et la page où cet article se trouve, ainsi que le rang qu’il occupe dans la série des2,251fragments que les volumes des Pensées contiennent.
Quant au numéro initial lui-même, nous l’avons marqué d’un astérisque toutes les fois qu’il est suivi d’un fragment transcrit par un secrétaire de l’Auteur, et non par l’Auteur lui-même.
N’oublions pas de mentionner ici que nous avons cru devoir joindre aux articles des Pensées quelques extraits d’un quatrième in-quarto: le Spicilegium de Montesquieu. Il renferme surtout des notes littéraires, historiques et politiques. Mais les passages, peu nombreux, que nous lui empruntons révèlent des détails curieux sur la vie et sur les opinions du Président.
Les notes qu’on lira au bas du texte sont exclusivement celles qui se trouvent dans les originaux, et qui ne sont point des additions modernes. Bon nombre d’entre elles renvoient aux pages d’un ou de plusieurs des tomes des Pensées. Pour les autres notes que pourrait désirer un lecteur instruit, nous les placerons à la fin du volume auquel elles se rapporteront.
De plus, nous terminerons la publication tout entière par un Index général, que précèdera une table de concordance. Celle-ci permettra de lire le contenu des deux tomes, en suivant l’ordre des manuscrits. Avec elles, on retrouvera aussi les articles que visent les renvois mis, par l’Auteur, en marge, au haut ou au bas du texte.
Bien entendu, nous reproduisons scrupuleusement la teneur des manuscrits, à l’orthographe et à la ponctuation près. Nous n’avons pas même corrigé (sauf à les faire suivre d’un sic) quelques articles ou adjectifs qui étonnent, et dont il suffirait de changer une lettrepour donner à certaines phrases un sens plus naturel. A peine nous permettrons-nous d’ajouter, entre crochets, quelques syllabes ou quelques petits mots visiblement oubliés par l’Auteur ou par ses secrétaires.
Peut-être notre temps n’est-il guère favorable à la publication d’un livre dont la lecture exigera quelque effort. De plus, les théories pondérées de Montesquieu n’ont point actuellement la vogue. Nous ne nous faisons donc pas illusion sur le succès immédiat qu’obtiendra le présent ouvrage. Par bonheur, les vérités fondamentales peuvent attendre: elles ne passent pas. Une expérience, plus ou moins amère, ramènera tôt ou tard aux sages théories exposées par l’auteur de l’Esprit des Lois. On ne dédaignera point alors des volumes qui complètent et commentent les œuvres classiques du grand écrivain. Nous espérons même qu’un critique autorisé leur appliquera un jour le mot du rhéteur de Rome:
Ille se profecisse sciat, cui valde placebit.