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II

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Il serait fort difficile d’énumérer ici les divers sujets abordés par Montesquieu dans ses Pensées (manuscrites). Le grand curieux qu’il était s’intéressait plus ou moins à tout. Une seule branche des connaissances humaines semble lui être restée vraiment étrangère: les mathématiques; et visiblement il leur en voulait de ne pas lui être accessibles.

Cette lacune, bien entendu, n’empêche pas notre recueil d’être singulièrement mêlé. Aussi, dans une courte préface, ne peut-on le considérer que d’ensemble; en insistant, tout au plus, sur quelques points essentiels.

Nous ferons donc remarquer, d’abord, que le tome Ier des Pensées ne fut commencé qu’à l’époque où l’Auteur renonça presque aux sciences physiques et naturelles, pour se consacrer de préférence aux études morales et politiques. De là vient que les sciences n’occupent qu’une place très restreinte dans les trois volumes dont nous éditons le texte. Il est même assez curieux de constater qu’on y chercherait vainement, sur deux mille deux cent et quelques articles, plus de douze à quinze ayant trait, peut-être, à l’Histoire de la Terre ancienne et moderne dont «M. de Montesquieu, président au Parlement de Guyenne, à Bordeaux», avait inséré une sorte de prospectus dans les journaux de1719.

Nous regrettons davantage l’absence, dans les manuscrits que nous publions, d’un plus grand nombre de détails sur la vie proprement dite de l’Auteur. Le peu qu’ils nous apprennent à cet égard est même très vague, le plus souvent. Presque tout, d’ailleurs, en est relatif moins à l’homme qu’à l’écrivain.

Dans le tome II, par exemple, nous trouvons la harangue que Montesquieu adressa au roi Louis XV, le3juin1739, en qualité de directeur de l’Académie française. Il y félicite le Prince de la paix qu’il venait de conclure à Vienne, avec l’Empereur d’Allemagne. Nous savons par lui-même qu’il fut très ému en s’acquittant de sa tâche.

Un autre sentiment pénible qu’il avoue, c’est l’irritation que lui causaient les critiques superficielles dirigées contre ses ouvrages.

Il s’en vengeait cruellement! De sa propre main, il écrivait une épigramme acérée sur une page quelconque de l’un de ces in-quartos intimes, dont nous indiquions tout à l’heure l’emploi. Puis, il l’y laissait dormir. Sa rancune était assouvie. Et même, quand l’épigramme était trop vive, il la biffait soigneusement et la rendait presque indéchiffrable.

En parlant de lui, le père Castel pouvait bien dire qu’il n’avait jamais connu de plus belle âme!

Ne s’est-elle pas révélée, avec toute sa noblesse, dans ce précepte touchant et vraiment évangélique: «Il faut plaindre les gens malheureux, même ceux qui ont mérité de l’être, quand ce ne seroit que par ce qu’ils ont mérité de l’être?»

Mais (répétons-le) ce n’est point l’homme que les Pensées (manuscrites) font surtout connaître; c’est le phi losophe et l’auteur: le philosophe, avec ses méthodes et ses principes; et l’auteur, avec ses théories littéraires et ses productions successives, allant de l’ébauche en vers, jusqu’au chef-d’œuvre en prose.

Pensées et fragments inédits de Montesquieu

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