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CHAPITRE III

Table des matières

TROÏTSKY ET L’EMPIRISME

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I

Troïtsky[31] a, l’un des premiers, introduit en Russie la psychologie empirique allemande et anglaise. «Le but de ce travail, dit-il dans la préface de sa Psychologie allemande, est de démontrer l’insolubilité et le non-sens de toute «métaphysique de l’âme» qui prétend être une science, serait-ce la métaphysique de l’idéalisme de Fichte, de Schelling, de Hegel ou la métaphysique du réalisme de Kant. Les preuves de l’insolubilité de la métaphysique résultent non seulement de mes analyses des principaux systèmes de la psychologie allemande de la première moitié du xixe siècle, mais aussi de la psychologie anglaise depuis Locke et Bacon.»

Troïtsky cherche à démontrer que l’irruption de la métaphysique dans la psychologie ne contribue en rien à «l’éclaircissement des problèmes spirituels». Si les résultats de la psychologie allemande de la première moitié du xixe siècle furent négatifs, c’est que les philosophes allemands de cette époque s’occupèrent plutôt de la «métaphysique de l’âme» que de la psychologie. Sans doute, ils adoptèrent les recherches des psychologues anglais, mais ils cherchèrent moins à les continuer qu’à les approprier à la métaphysique scolastique qui resta toujours dans la psychologie allemande.

Ainsi Kant s’assimile certaines déductions de la philosophie critique de Locke et de Hume; Frize se trouve sous l’influence de D. Stuart, etc., mais tous conservent les traditions de la scolastique. Troïtsky se déclare surtout ennemi de Kant. Suivant lui, c’est avec ce dernier que commence le mouvement réactionnaire contre les méthodes inductives dans la philosophie dont on trouve déjà quelques tendances en Allemagne au xviiie siècle. Troïtsky ne reconnaît pas Kant comme le fondateur de la philosophie critique, c’est à Locke qu’il décerne ce titre. Kant demeure toujours, comme Leibnitz et Wolf, rationaliste et dogmatiste, malgré sa réfutation du dogmatisme. En dépit du mot «Kritik» qui figure sur la première page des œuvres de Kant, ce dernier ne se doute même pas de ce qu’est la méthode critique analytique, inductive... Kant créa une classe privilégiée d’idées (forme, catégorie, idée de la raison) et par là même il dirigea de nouveau les efforts des philosophes allemands vers des investigations scolastiques[32].

Troïtsky est plus bienveillant pour la psychologie anglaise et pour la psychologie allemande du commencement de la seconde moitié du xixe siècle, il prédit dans son ouvrage un bel avenir à la psychologie expérimentale.

Il est surtout admirateur de Bacon, auquel il emprunte une épigraphe pour sa Psychologie allemande: «Homo, anaturæ magister et interpres, tantum facit et intelligit quantum de naturæ ordine revel mente observaverit; nec amplius scit vel potest.» Il ne professe la même admiration que pour Descartes, «dont les luttes contre la scolastique furent plus acharnées, plus fortes, plus persuasives que celles de Bacon», mais il reproche à Descartes d’avoir donné trop de préférence à la méthode déductive, tout en reconnaissant la méthode inductive d’investigation.

II

La Psychologie allemande est le seul travail de Troïtsky qui eut une certaine influence sur le mouvement philosophique en Russie. Son ouvrage La science de l’esprit manque d’esprit scientifique: une série de diverses observations d’ordre psychique, sans analyse, sans aucune coordination, sans introduction et même sans conclusion. On y trouve cependant des pages qui réfutent absolument les idées émises dans la Psychologie allemande. Ainsi il n’exclut plus totalement la métaphysique «du domaine des investigations intellectuelles de l’homme», il lui laisse, au contraire, un assez beau rôle: celui de supprimer l’antagonisme entre la science et la foi et d’établir entre elles l’harmonie suprême. C’est là le but, la fin de la métaphysique, et, pour l’accomplir, elle doit avant tout être critique. «Pour éviter (?) toute contradiction», l’auteur se déclare toujours partisan «d’exclure la métaphysique de la psychologie».

Même la valeur scientifique du livre de Troïtsky: La logique, est supérieure à celle de La science de l’esprit. Sans doute, l’ouvrage reflète la logique anglaise, celle de J.-S. Mill et de Bain, mais on y trouve des idées un peu embrumeuses, trop subtiles, et par cela même presque originales. Voici, par exemple, comment Troïtsky définit la philosophie. La philosophie ne peut pas être séparée de la science, mais elle ne peut non plus coïncider avec elle. Elle ne peut pas être une science, mais scientifique, tout en restant problématique et hypothétique. La philosophie est «le système des origines de toutes les sciences»—(la science des sciences?)—«théoriques, pratiques, abstraites et concrètes». La logique est l’origine, la base de tout système philosophique dont le couronnement est la philosophie de la religion. Un tel «système» est encore impossible, nous devons donc considérer à l’heure actuelle comme étant de la philosophie les «sciences» suivantes: la logique, la psychologie, l’éthique, l’esthétique, la philosophie du droit, la philosophie de la religion et la «métaphysique».

Troïtsky oublie que la philosophie n’est pas la religion. Sans doute l’histoire des religions touche de près à l’histoire des systèmes philosophiques, mais il ne faut jamais les confondre. La religion précède, la philosophie suit: c’est la seconde qui explique la première.

La philosophie russe contemporaine

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