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CHANT DIXIÈME LE PARTAGE

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Un soleil radieux inondait de lumière

La, forêt sans ombrage et la froide chaumière;

Les battures du fleuve étaient comme un désert,

Et les glaces au loin donnaient sur le flot vert.

Seul le chenal laissait monter ses plaintes graves.

Du vaisseau naufragé l'on voyait les épaves

Sur le rocher couvert d'immobiles glaçons,

Comme en la terre neuve, au milieu des moissons,

L'on voit de noirs amas de rameaux et de souches.

La neige miroitait, et, sur ces blanches couches

Nul rapide traîneau tiré par un coursier

N'avait fait un sillon de ses lisses d'acier.

Vêtu d'étoffe grise et portant la mitasse

Un homme cheminait pensif, la tête basse.

Il arriva bientôt dans le bois des Hurons,

S'arrêta sur le seuil d'une hutte en bois ronds,

Prêtant au moindre bruit une oreille attentive.

Il ouvrit à la fin, mais d'une main craintive:

--«François, mon jeune ami, tu viens de bon matin:

«Tu flaires, je le vois, quelque riche butin,»

Grommela de son coin une maligne vieille,

Sous les rides du temps encore un peu vermeille.

--«Mère Simpière, allons! ne vous emportez pas:

A votre âge on ne doit que songer au trépas.»

--«Je ne crains pas la mort, parles-en à ton aise:

«J'aime à faire du mal, et je mourrai mauvaise.»

--«Où donc est Tonkourou, votre aimable mari?»

--«Tonkourou? qui le sait? En quelque trou péri....»

--«Vous ne l'aimez donc plus?--'Je n'aime plus personne,

«Et peu m'importe à qui ma vieillesse se donne!...»

La porte, de nouveau, s'ouvrit en ce moment,

Et Tonkourou parut. Il dit joyeusement:

--«Ah! tu n'as pas, mon frère, oublié cette bourse!...»

--«Dans le malheur, vois-tu, la meilleure ressource

«Est l'argent que l'on trouve en son coffre entassé.»

--«En ruses, te voilà, François, maître passé:

«Le vieux Lozet t'admire; il te trouve exemplaire;

«Puis à Louise aussi tu commences à plaire.»

Et les deux vauriens s'assirent dans un coin,

Comptant, une par une, avec le plus grand soin,

Toutes les pièces d'or du vaillant capitaine.

La vieille regardait la radieuse aubaine,

Et ses grands yeux jaloux dardaient de vifs éclairs;

Son oreille écoutait les sons joyeux et clairs

Des pièces de cinq francs tombant l'une sur l'autre:

--«Prenez, mon ange cher, cette part est la vôtre,»

Dit à la vieille femme, en lui jetant cinq francs,

L'indien jovial. La vieille ouvrit tout grands,

En poussant un soupir, des yeux de convoitise:

--«Tu me nargues, dit-elle, eh bien! de ta sottise

«Je saurai bien, un jour, te punir, Tonkourou!»

Pendant qu'elle parlait les muscles de son cou

Se gonflaient, tout grouillant comme un nid de coulèvres,

Un souffle empoisonné s'exhalait de ses lèvres.

François ne riait pas: il avait presque peur.

Le huron prit alors un flacon de liqueur,

Le donna souriant à la vieille Simpière:

--«Bois, dit-il, avec moi! Je t'aime coeur de pierre:

«Tu dédaignas les blancs pour me suivre partout;

«Et dans ton sein flétri toujours la haine bout!

Et la mégère but à même la bouteille,

A longs traits, la boisson enivrante et vermeille;

Et, quand elle eut fini, ses amis, à leur tour,

Burent jusqu'à l'ivresse en se jurant amour.


Les vengeances - Poème canadien

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