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CHANT QUATRIÈME TOMBE ET BERCEAU

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L'hiver a bien des fois dans nos plaines fécondes

Jeté ses froids brouillards et ses neiges profondes,

Et des bruyants ruisseaux suspendu les accords;

Bien des fois le printemps a parfumé nos bords

De la senteur du sol, des foins, de l'églantine;

Au lever du soleil, sur la verte aubépine,

Bien des chants d'espérance ont réveillé les nids;

Sur la grève déserte et sous les bois jaunis

Sont venus, bien des fois, aux heures du mystère,

Rêver les coeurs naïfs qui souffrent sur la terre;

Au fond du coeur de l'homme et sur le front des cieux

Ont brillé bien souvent des soleils radieux,

Ont passé, tour à tour, le calme et la tempête.

Jean Lozet a vieilli. Maintenant, sur sa tête,

Parmi ses cheveux noirs brillent des fils d'argent;

Sa main plus volontiers s'ouvre pour l'indigent;

Car il a bien compris, dans son âme de père,

Du Dieu de charité le châtiment sévère.

Il avait pour son fils voulu gagner des biens,

Chassé les pauvres nus comme on chasse les chiens;

Et ce fils bien aimé, dans un jour d'infortune,

Disparut pour jamais! Alors, une par une,

Comme les fleurs des champs et les feuilles des bois

Tombent sur le sol dur, quand viennent les jours froids,

Tombèrent de son coeur les douces espérances.

Sa femme comme lui vieillit dans les souffrances.

Le ciel ne donna plus d'enfant à leur amour.

Les saisons revenaient et fuyaient tour à tour;

Et, malgré les chagrins, le temps était rapide.

Au foyer de Lozet, pourtant, u'était plus vide

La place de l'enfant méchamment enlevé:

Une jeune orpheline avait jadis trouvé

Un refuge béni dans la demeure agreste.

C'est là qu'elle était née en une nuit funeste.

Sa mère s'envola dans le divin séjour.

Sous le toit désolé, le soir d'un sombre jour,

Deux jeunes voyageurs, pour demander un gîte

Alors étaient entrés. Jean Lozet alla vite

De ses hôtes nouveaux dételer le cheval,

Pendant que son épouse, avec un zèle égal

Eveillait, sous la cendre, une vive étincelle

Et sortait du buffet la plus blanche vaisselle.

Des longs chemins d'hiver méprisant les dangers,

Du bourg de Gentilly venaient ces étrangers.

C'était un noble couple à l'allure humble et franche:

L'homme était basané, mais la femme était blanche.

Il était expansif, d'une joyeuse humeur,

Et racontait fort bien un fait, une rumeur:

Elle était plus timide; et ses deux lèvres roses,

Comme un bouton de fleur, demeuraient longtemps closes.

Elle aussi regardait avec foi l'avenir,

Et pourtant son bonheur était près de finir.

Elle ne devait plus, pauvre enfant, reparaître

Sur le seuil ombragé de sa maison champêtre.

Ils étaient frère et soeurs. Hélas! elle voulait,

Malgré la neige froide et le veut qui soufflait,

Conduite par son frère et sous sa noble égide,

Rejoindre son époux, un pilote intrépide,

Maintenant retenu par un destin fatal

Aux rives de l'Islet, son village natal.

Il venait du midi, sur un riche navire,

Quand il fut pris du mal dont, peut-être, il expire,

Lorsqu'en priant, le soir, elle versa des pleurs,

Avait-elle senti ces étranges douleurs

Qui sont le pris sacré de chaque vie humaine?

Quand du soleil levant la lumière sereine

De ses filandres d'or inonda le carreau,

Sous le toit de Lozet, près d'un sombre tombeau

Un doux berceau chantait. L'angoisse et l'allégresse,

La vie avec la mort ainsi marchent sans cesse!

Depuis plusieurs longs jours dans un triste linceul

La morte reposait. L'étranger partit seul.

Pour égayer son toit, calmer sa peine amère,

Lozet garda l'enfant qui n'avait plus de mère.

Depuis trois ans, alors, son fils était perdu:

Il n'avait nul espoir qu'il lui serait rendu.

La jeune enfant grandit. Elle était douce et belle

Avec de la tristesse en sa noire prunelle.

De ce moment, le seuil si muet autrefois

Tressaillit aux échos d'une joyeuse voix.


Les vengeances - Poème canadien

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