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CHANT DEUXIÈME TONKOUROU
ОглавлениеTonkourou jeune chef de la tribu guerrière
Qui venait, chaque été, dresser à Lotbinière,
Dans la vaste forêt, ses tentes de bouleau,
Avait, dans une course, un jour, au bord de l'eau,
Rencontré se jouant sur le tuf de la rive
Ainsi qu'une alouette, une enfant fraîche et vive.
Il l'aima follement. En son âme de feu
Il avait emporté son image en tout lieu.
Et quand il revenait, à la saison nouvelle,
Il retrouvait l'enfant plus riante et plus belle.
Souvent il se rendait à sa porte le soir,
Epiant, tout ému, le moment de la voir.
Un jour qu'elle s'était dans le bois engagée,
Il lui parla longtemps sa parole imagée,
Lui disant qu'il l'aimait comme l'aigle vaillant
Aime le roc altier et le soleil brillant;
Qu'il ornerait son cou des plus belles parures
Et mettrait à ses pieds les plus belles fourrures,
S'il n'était pas enfin dédaigné sans retour,
Et pouvait sur son front mettre un baiser d'amour.
La vierge tout surprise, hésitait. Sur sa lèvre
Elle sentit passer comme un frisson de fièvre.
Mais sa gaîté revint; elle rit aux éclats.
Le sauvage, passant dans ses longs cheveux plats
Ses larges mains de bronze, eut un espoir suprême.
Il approche du front de la vierge qu'il aime
Sa bouche frémissante. Aussitôt un soufflet
De sa témérité vient punir l'indiscret.
Et la rieuse enfant courut d'un pied agile
Laissant dans la stupeur le huron immobile.
L'indien parle peu: morne, rusé, prudent,
Il sait, quand il le faut, taire un amour ardent
Et cacher dans son coeur la plus brûlante flamme.
Il est homme avant tout; et l'amour, pour son âme,
N'est pas un don du ciel. Il en craint la douceur
Qui flétrit le regard et ramollit le coeur.
La seule passion qu'il nourrit et caresse,
Qui lui donne, à la fois, le vertige et l'ivresse,
C'est la vengeance. Il est surtout vindicatif.
Et quand loin du wigwam il va s'asseoir pensif,
Quand il laisse son arc et ses flèches à terre,
C'est pour mieux attiser le feu de sa colère.
Tonkourou s'est assis: sa main porte son front.
Il n'avait jamais su la honte d'un affront.
Il tourmente, du pied, les fleurs, les feuilles sèches;
Il songe et n'entend pas le sifflement des flèches
Que lancent les enfants à travers les bouleaux;
Et son amour se change eu des tourments nouveaux.
Comment lavera-t-il cette infamante tache?
Comment il punira la vierge qui se cache
Sous le toit paternel et se moque de lui,
Il ne saurait le dire en son trouble aujourd'hui;
Mais que ce soit demain ou bien plus tard, n'importe!
Il saura se venger d'une terrible sorte!