Читать книгу L'Art en Alsace-Lorraine - René Ménard - Страница 11
ОглавлениеV
LA STATUAIRE MONUMENTALE
ANS les églises chrétiennes, les statues qui décorent l’édifice se rattachent à une pensée générale qui symbolise le mystère de la rédemption d’après les principaux faits de l’Histoire sainte et les idées essentielles du dogme catholique.
Tout cet ensemble, dont bien souvent le sens nous échappe aujourd’hui, était au moyen âge comme le livre des illettrés. Les enfants, ne sachant pas lire pour la plupart, ne pouvaient pas comme aujourd’hui apprendre le catéchisme; mais, après l’enseignement oral, les fidèles regardaient les statues, dont la signification était comprise par tout le monde, et quand on savait par cœur les images semées à profusion dans toutes les parties de l’église, on possédait toutes les connaissances requises pour un chrétien.
A Strasbourg, le tympan du portail central (fig. 24) est divisé en quatre bandes, où se déroule toute l’histoire de Jésus-Christ. En bas, nous voyons l’Entrée à Jérusalem, la Cène, la Flagellation, puis, au-dessus, le Christ en croix ayant à ses côtés l’Église et la Synagogue, et, à ses pieds, le Tombeau d’Adam. En remontant encore, nous trouvons la Descente aux enfers, le Christ et saint Thomas, et, tout en haut, l’Ascension, qui termine la vie terrestre.
Sur le trumeau, la Vierge tient l’enfant Jésus dans ses bras, et sur les côtés de la porte sont placés les prophètes et les rois de l’Ancien Testament. Dans les cordons extérieurs des voussures, est figurée la création du monde, celle de l’homme, la chute et ses suites, puis viennent les patriarches, les apôtres, les évangélistes et les pères.
Fig. 24.–Tympan du Portail central. (Cathédrale de Strasbourg.)
Le tympan du portail de gauche représente les scènes de l’enfance du Christ, y compris la fuite en Égypte. Sur les côtés, les vertus, sous forme de vierges couronnées de diadèmes, foulent aux pieds les vices. Au portail de droite, on voit la résurrection et le jugement avec les statues des vierges sages et des vierges folles; puis dans les voussures des deux portails, les anges, les martyrs et les saints confesseurs.
Chacun des personnages représentés se rapprochait plus ou moins d’un caractère typique destiné à le faire reconnaître. Les prophètes et les patriarches sont des figures graves, portant de longues barbes, et la plupart du temps tenant en main des rouleaux en partie déployés (fig. 25). On les représentait rarement avec des livres comme nous en voyons quelquefois aux apôtres.
Fig. 25.–Statues du Portail de Strasbourg.
La parabole des vierges sages et des vierges folles est représentée sur un grand nombre de monuments religieux. Habituellement, les vierges sont au nombre de dix: les cinq sages sont placées à la droite du Christ; près d’elles est souvent un arbre vigoureux et couvert de feuilles et de fruits. Le mauvais arbre de l’Évangile, dont les branches sont stériles, porte une hache qui attaque le tronc destiné à être jeté au feu; il est placé près des vierges folles. Ces vierges figurent sur nos grandes cathédrales.
A Notre-Dame de Paris, les vierges sages tenaient des lampes allumées, les vierges folles des lampes éteintes et renversées. La porte du ciel s’ouvre pour les sages et se ferme pour les folles.
Mais parmi les représentations de ce genre, les plus célèbres sont celles qui décorent la façade de la cathédrale de Strasbourg. Elles sont placées sur les portails latéraux. Les vierges sages sont accompagnées de l’image. du fiancé: un jeune gentilhomme élégant et beau est également placé à côté des vierges folles, mais les reptiles qui rampent sur son dos expriment aux yeux des fidèles son caractère diabolique. En effet, celui-ci n’est plus le fiancé, c’est le tentateur.
Fig. 26.–Statues du Portail de Strasbourg.
Tant que l’art avait été uniquement exercé par des moines agis sant sous la direction immédiate de leurs supérieurs, il avait une signification très-déterminée et toujours facile à comprendre pour les fidèles, mais il en fut tout autrement quand les travaux de l’église furent confiés à des laïques.