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VIII
LES VITRAUX

Table des matières


L y a deux espèces de vitraux: ceux qui sont faits avec des morceaux de verre de couleur, et ceux qui sont faits avec des morceaux de verre sur la surface desquels on peint. La première n’est en réalité qu’une sorte de mosaïque dont les parties sont reliées avec des linéaments en plomb au lieu d’être appliquées sur le sol ou contre une muraille; la seconde est une véritable peinture, qui est exécutée sur le verre au lieu de l’être sur la pierre, le bois ou la toile.

Les vitraux les plus anciens sont ordinairement composés de médaillons circulaires, trilobés ou elliptiques, comprenant des sujets bibliques ou légendaires. Il y a aussi de grandes figures, mais beaucoup moins que dans l’époque suivante. Les contours sont indiqués soit par la baguette de plomb, soit par un linéament noir; les ombres sont inconnues.

La période ogivale fut éminemment favorable à la peinture des vitraux. Dans l’époque romane, les percées étaient rares et étroites, tandis que les grandes fenêtres ogivales, avec les riches couleurs de leurs verrières, produisaient sous l’action de la lumière comme un scintillement de pierres précieuses, qui se mariait avec l’or des ornements intérieurs et les teintes variées des dalles du pavage.

Dans le XIVe siècle, les grandes figures commencent à prévaloir, tandis que les angles de l’ogive s’enrichissent de petits sujets, de chérubins, de fleurons. Aux pieds des saints, on place généralement les armoiries des donateurs de vitraux.

Au XVe siècle, le dessin devient beaucoup plus correct, et les détails sont souvent traités avec une extrême délicatesse. Mais la couleur perd beaucoup de sa richesse, et l’effet est loin d’avoir la même puissance. A partir du XVIe, la perspective s’introduit et les figures sont modelées comme dans les tableaux; les teintes plates de l’ancien art décoratif ont complétement disparu.


Fig. 33.–Saint Sylvestre; pape.

La cathédrale de Strasbourg suffirait pour faire une histoire des vitraux, depuis le XIIe jusqu’à la fin du XVe siècle. Ceux des galeries supérieures de la nef représentent les ancêtres de Jésus-Christ, avec les images des saints et des martyrs. Les scènes de l’histoire biblique, le Jugement dernier, la Jérusalem céleste, la Naissance de Jésus-Christ, les mages, les empereurs chrétiens, forment une splendide décoration en verre.

Un certain nombre de ces vitraux sont fort anciens: ce sont, pour la plupart, des grandes figures en pied de saints (fig. 33), de chevaliers martyrs et d’empereurs (fig. 34), d’un effet imposant et d’une rare beauté d’exécution. De la même époque sont aussi les deux grandes roses du croisillon méridional.


Fig. 34.–L’Empereur Henri II, l’Oiseleur.

Les vitraux de Strasbourg avaient une célébrité européenne, et les habitants de la cité en parlaient avec un légitime orgueil. Dans la nuit du25au26août1870, les Allemands, sans parvenir à les détruire entièrement, en ont saccagé une grande partie. Ceux de la partie supérieure ont particulièrement souffert. Les bombes dirigées sur la cathédrale entraient par les vitraux du côté du nord et ressortaient par ceux de l’autre côté. L’incendie, dont les flammes sortaient du toit percé d’obus et s’élevaient à une hauteur énorme, a achevé de briser ce que les bombes n’avaient pas atteint. Les vitraux du bas ont moins souffert, étant en partie préservés par les constructions voisines.

Plusieurs autres églises de la contrée possèdent d’admirables vitraux dont la description nous entraînerait trop loin. Ces verreries gigantesques, destinées à l’instruction de la sainte plèbe de Dieu, comme disent d’anciennes inscriptions, forment une des plus grandes richesses artistiques de l’Alsace, et peu de provinces sont aussi magnifiquement dotées. Mais, comme dans tous les arts du moyen âge, les auteurs de ces chefs-d’œuvre nous sont généralement inconnus, et bien peu de noms parmi eux sont parvenus jusqu’à nous.

Jean de Kircheim est le plus ancien peintre verrier de l’Alsace qui ait acquis de la célébrité. On lui a quelquefois attribué l’ensemble des grandes verrières de la cathédrale de Strasbourg, erreur manifeste, puisqu’elles appartiennent à des époques différentes; mais la série des apôtres qui décore la chapelle Sainte-Catherine, dans cette église, paraît être bien positivement son ouvrage. Il vivait au milieu du XIVe siècle.


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