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I

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A Monsieur l'Abbé Joziers,

Presbytère de Buis-la-Dame (Oise).

«Paris, 11 janvier.

«Cher Monsieur l'Abbé,

«Je voudrais mieux répondre à cette confiance que vous avez en moi. Mais, hélas, je ne puis vous donner sur mon moral les bonnes nouvelles que vous attendez. Ce premier trimestre n'a guère été satisfaisant. Je me sens toujours très dépaysé dans ce Paris où tout est nouveau pour moi.

«Cependant mon existence est définitivement organisée maintenant: outre les cours préparatoires à l'École de Médecine, j'ai pris des inscriptions à la Sorbonne, pour la licence ès-sciences naturelles; de sorte que, depuis quelques semaines, je vis davantage encore au quartier latin. (Que ces détails, cher Monsieur l'Abbé, ne vous inquiètent pas; et, à ce propos, les conseils affectueux de votre dernière lettre m'ont infiniment touché. Non, ne craignez rien à ce sujet: j'ai, grâce à Dieu, le cœur assez haut pour triompher des tentations auxquelles vous avez pensé; et puis, vous oubliez le sentiment profond et pur que j'ai emporté de Buis, le projet si cher, qui est toute ma raison de vivre, et ma sauvegarde).

«Ces études de sciences me font un emploi du temps très chargé; mais elles complètent celles de médecine et m'intéressent au delà de ce que je puis vous dire. D'ailleurs que ferais-je de plus de loisirs? Mon père, comme vous le savez peut-être, vient d'être nommé professeur; son cours complique encore une vie très occupée, où je n'ai guère de place.

«Vous serez certainement satisfait de savoir que j'ai fait la connaissance d'un jeune prêtre suisse, nommé Schertz, qui se destine à enseigner l'histoire naturelle dans son pays, et qui est venu prendre ses grades à Paris. C'est un passionné de biologie; nous sommes voisins de laboratoire, et sa collaboration m'est précieuse. Toutes ces études sont extrêmement attachantes; je ne peux pas encore analyser ce que je ressens, mais certains cours me transportent: je crois qu'il est impossible de ne pas éprouver une espèce de vertige, à ces premiers contacts avec la Science, lorsqu'on commence à distinguer, pour la première fois, quelques-unes de ces grandes lois qui ordonnent la complexité universelle!

«Je m'applique, sur vos conseils, à me pénétrer de cet ordre, et à y exalter la certitude de Dieu. Mais votre optimisme communicatif me manque plus que vous ne pouvez croire. Peut-être l'amitié de l'abbé Schertz me sera-t-elle, à ce point de vue, de quelque profit? Sa gaieté naturelle, son entrain au travail, prouvent une foi robuste, dont l'appui peut venir en aide à mon déséquilibre moral.—Je le souhaite, car j'ai traversé, ces dernières semaines, des heures de dépression bien pénibles...

«Excusez-moi de vous attrister une fois de plus à ce sujet, et croyez, cher Monsieur l'Abbé, à mes sentiments de respectueuse sympathie.

Jean Barois.»

Jean Barois

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