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Salle à manger du Dr Barois.

La fin du dîner.

LE DOCTEUR (se levant de table).—Vous m'excusez, monsieur Schertz? (L'abbé et Jean se sont levés.) Il faut que je sois à Passy à neuf heures, pour une consultation... Je regrette de ne pas prolonger cette soirée auprès de vous, j'ai été tout à fait heureux de faire votre connaissance.—Allons, bonsoir mon petit. Au plaisir de vous revoir, monsieur Schertz... (Souriant.) Et croyez moi, je tiens beaucoup à mon idée: il faut agir d'abord, et réfléchir ensuite; la jeunesse d'aujourd'hui, elle réfléchit trop, et, n'ayant pas agi, elle réfléchit mal...

La chambre de Jean.


L'abbé est assis dans un fauteuil bas, les jambes croisées, les coudes sur les bras du siège, les mains jointes sous le menton.


L'abbé Schertz: trente et un ans.

Un corps plat et long, gaîné dans la soutane. De grands bras musclés, aux gestes pleins de mesure.

Une tête osseuse et forte. Un teint blanchâtre. Un front fuyant, qu'exagère le port des cheveux noirs, plantés haut, et rejetés en arrière. Le visage, dénudé par le rasoir, est rendu plus glabre encore par la pauvreté des sourcils. Dans l'ombre, sous l'encorbellement rectiligne des arcades, une paire d'yeux clairs et précis; des prunelles vert-de-gris, entre des cils noirs. Le nez long, rattaché aux maxillaires par deux sillons mobiles. Les lèvres fines et gaies; par instants, blêmes et comme figées.

Gravité aimable, formaliste.

Un parler pesant, rude, un peu nasillard. Des phrases longues, des tournures peu usitées: il paraît traduire en français ce qu'il pense.

Jean, assis sur son bureau, fume en balançant les pieds.

JEAN.—Vous me faites plaisir. J'aime beaucoup mon père... (Souriant.) Croiriez-vous qu'il m'a fait très peur, pendant longtemps?

SCHERTZ.—Est-il possible?

JEAN.—Il m'intimidait. Je ne le connais vraiment que depuis quelques mois, depuis que je vis avec lui... Ah, un métier comme le sien, hausse un homme!

SCHERTZ.—Il n'y a pas seulement l'apport du métier dans une pareille richesse morale! Car, sans cela, tous les médecins...

JEAN.—Évidemment; j'admets qu'il y ait eu, chez mon père, prédisposition naturelle.

Je voulais dire ... qu'il n'a pas l'appui de la religion.

SCHERTZ (subitement intéressé).—Ah?... J'en avais le doute.

JEAN.—Oui. La famille de mon père était d'un milieu catholique très pratiquant, et lui-même a reçu une éducation foncièrement religieuse. Pourtant, depuis longtemps je crois, mon père a cessé de pratiquer.

SCHERTZ.—Et aussi de croire?

JEAN.—Je le suppose. Jamais il ne s'en est expliqué avec moi... Mais il y a un je ne sais quoi qui ne trompe pas... D'ailleurs...

Jean se tait, réfléchit une seconde en fixant l'abbé; puis, sautant de la table, il traverse la pièce à pas incertains, allume une cigarette, et se laisse tomber sur un canapé de cuir, vis-à-vis de l'abbé.

SCHERTZ.—D'ailleurs?

JEAN (après une seconde d'hésitation).—Je voulais dire que la profession de mon père est, en somme, bien dangereuse pour la foi...

Schertz: geste d'étonnement.

JEAN.—A cause de l'hôpital... Songez à l'opinion que peut avoir celui qui, tous les jours de sa vie, du matin jusqu'au soir, n'a pas d'autre fonction que de se pencher sur de la souffrance? Quelle conception peut-il se faire de Dieu?

Schertz ne répond pas.

JEAN.—Je vous scandalise?

SCHERTZ.—En aucune manière. Vous m'intéressez. C'est la vieille objection du mal.

JEAN.—Elle est formidable!

SCHERTZ (flegmatique).—Formidable.

JEAN.—Et, jusqu'à présent, nos théologiens ne l'ont, en somme jamais réfutée...

SCHERTZ.—Jamais.

JEAN.—Vous en convenez?

SCHERTZ (souriant).—Mais comment pourrais-je autrement?

Jean tire quelques bouffées en silence. Puis il jette brusquement sa cigarette et considère l'abbé bien en face.

JEAN.—Vous êtes le premier prêtre à qui je l'entende dire...

SCHERTZ.—Avez-vous distinctement posé la question à quelqu'autre?

JEAN.—Oh, souvent!

SCHERTZ.—Eh bien?

JEAN.—On m'a fait toutes les réponses possibles... Que j'étais trop sensible... Que j'étais un orgueilleux révolté... Que le mal est la condition du bien... Que l'épreuve est nécessaire pour l'amélioration de l'homme... Que, depuis le péché originel, Dieu avait voulu le mal, et qu'il faut le vouloir avec lui...

SCHERTZ (souriant).—Eh bien?

JEAN (haussant les épaules).—Des mots... Des apparences d'arguments...

Schertz: un regard aigu vers Jean; puis son masque change d'expression, s'aggrave. Il évite de relever les yeux.

JEAN.—Au fond des choses, on se heurte à un sophisme: on veut me prouver la puissance et la bonté de Dieu en faisant l'apologie de l'ordre universel; et dès que je veux faire remarquer combien cet ordre est imparfait, on me refuse le droit de porter un jugement sur cet univers, justement parce qu'il est l'œuvre de Dieu... (Quelques pas; il élève la voix.) Si bien que jamais on ne m'a permis de concilier ces deux affirmations: d'une part, que Dieu est la somme de toutes les perfections; et, d'autre part, que ce monde imparfait est son œuvre!

Il s'arrête devant l'abbé et cherche à rencontrer son regard. Mais Schertz détourne la tête. Un silence. Enfin leurs yeux se croisent; ceux de Jean voilés d'une expression anxieuse, qui questionne.

L'abbé ne peut pas se dérober entièrement.

SCHERTZ (sourire mal assuré.).—Ainsi, vous aussi, mon pauvre ami, vous voilà soucieux de ces grands problèmes...

JEAN (avec vivacité).—Qu'y puis-je? Je vous assure que je voudrais bien ne pas en être obsédé comme je le suis!

Il va et vient, les mains aux poches, secouant la tête comme s'il poursuivait intérieurement la discussion. Son visage énergique s'est encore durci: une émotion concentrée plisse le front et donne à la bouche un pli perplexe et têtu.

JEAN.—Tenez, mon cher, vous parliez tout à l'heure de mon père... Il y a une chose qui m'a toujours confusément choqué, même enfant: c'est qu'on puisse, au nom de la religion, condamner un homme comme lui, uniquement parce qu'il ne fait pas ses pâques, et ne met jamais le pied dans une église! Là-bas, à Buis, on le jugeait très sévèrement...

SCHERTZ.—Parce qu'on ne le comprenait pas.

JEAN (interloqué).—Mais vous-même, en tant que prêtre, vous êtes bien obligé de le condamner aussi?

Geste réservé de Schertz.

JEAN (avec passion).—Quant à moi, je m'y suis toujours refusé, d'instinct! Une existence comme celle de mon père, c'est une aspiration ininterrompue vers ce qui est noble et grand. Et on pourrait la flétrir,—et on devrait la flétrir—au nom de Dieu? Non, non... Des vies comme la sienne, vous savez, c'est autre chose, c'est au-dessus... (Il fait quelques pas et regarde l'abbé avec angoisse. Sur un ton morne). Et puis, le terrible, mon cher, c'est quand on réfléchit posément à ceci: Un homme comme mon père ne croit pas... Des hommes comme lui ne croyent pas... Ce ne sont pas des sauvages, pourtant? Ils ont connu notre religion, ils l'ont même pratiquée, avec ferveur. Pourtant, un jour, délibérément, ils l'ont rejetée!... Hein? On se dit: «Je crois, et eux, ils ne croyent pas... Lequel a raison?» Et malgré soi, on ajoute: «C'est à voir...» De ce jour-là, on a perdu le repos! «C'est à voir...», voilà le seuil maudit, voilà la formule liminaire de l'athéisme!

SCHERTZ (gravement).—Ah, pardon... Vous abordez là un malentendu capital! De tels hommes n'acceptent pas le culte actuel de l'Église... Mais soyez certain que la force qui les fait grands est de même nature, exactement, que celle du meilleur prêtre, du meilleur!

JEAN.—Il y a donc deux façons d'être chrétiens?

SCHERTZ (poussé plus loin qu'il ne voudrait).—Cela est possible.

JEAN.—Cependant, au fond, il ne peut, il ne doit y en avoir qu'une!

SCHERTZ.—Sans doute... Mais à travers les divergences, qui sont plus apparentes que réelles, c'est toujours la même chose, le même élan de la conscience vers la bonté et la justice infinies...

Jean l'examine avec attention, en silence.


Longue pause.

SCHERTZ (gêné).—Tenez, l'odeur de votre tabac me tente: je vais faire une sortie à mon régime... Merci...

(Voulant à tout prix dévier l'entretien.) Je vous ai apporté le cours préparatoire que vous m'avez demandé...

Jean prend les cahiers, et les feuillette d'un air distrait.

Quelques jours après.

Pension de famille, place Saint-Sulpice.

La chambre de l'abbé.

SCHERTZ (se levant promptement).—Ach! une bonne visite!...

JEAN.—Je viens bavarder avec vous jusqu'à l'heure du cours.

L'abbé débarrasse le fauteuil.


Jean fait en souriant le tour de la chambre:

Un petit bureau: une grande table à expériences; un arsenal de flacons, de porcelaines; un microscope. Sur les murs, un christ, une vue panoramique de Berne, un portrait de Pasteur, des planches anatomiques.

JEAN (riant).—Je me demande comment vous pouvez vivre dans cette atmosphère!

SCHERTZ.—C'est mon acide sulfurique...

JEAN.—Non, je parle au figuré. Je me demande souvent comment un prêtre peut vivre dans cette atmosphère scientifique.

SCHERTZ (s'approchant de lui).—Mais pourquoi donc?

JEAN.—Parce que moi,—qui ne suis pas prêtre, pourtant,—j'y respire difficilement ... et mal.

Sous le sourire, une souffrance contenue.

JEAN (s'asseyant).—Ah, j'aurais besoin, un jour, de causer longuement avec vous de vider mon sac...

SCHERTZ (rêveur).—Oui...

Son regard fait le tour de la pièce, se pose sur celui de Jean, et s'y enfonce brusquement. Puis il hésite, baisse les yeux, et réfléchit intensément quelques secondes.

SCHERTZ.—Vous le voulez?

Ils se regardent en silence, émus tous deux. Ils pressentent une de ces heures d'épanchement total, où deux âmes de jeunes hommes, préparées par l'amitié, s'étreignent spontanément et se pénètrent.

SCHERTZ (avec douceur).—Qu'y a-t-il donc?

JEAN (s'abandonnant).—Il y a que je suis dans un fichu état moral...

SCHERTZ.—Moral?

JEAN.—Religieux, plutôt.

SCHERTZ.—Depuis quand?

JEAN.—Ah, depuis longtemps, plus longtemps que je ne croyais! Il doit y avoir des années déjà, que, sans m'en rendre compte, je suis obligé de me débattre pour conserver la foi.

SCHERTZ (vivement).—Non pas la foi! Mais cette foi réceptive des enfants: ce n'est pas la même chose!

JEAN (tout à sa pensée).—Je ne m'en suis aperçu vraiment que depuis quelques mois. Paris, peut-être... L'ambiance de Paris! L'ambiance surtout de cette Sorbonne! Ces cours où l'on analyse toutes les grandes lois universelles, sans jamais prononcer le nom de Dieu...

SCHERTZ.—On ne le nomme pas, mais on parle de lui sans cesse.

JEAN (amèrement).—J'avais l'habitude d'en parler plus nettement.

SCHERTZ (avec un sourire encourageant).—Il faut seulement s'entendre. (Hésitant.) Je pourrais peut-être vous aider, cher ami; mais je suis retenu par le peu que je sais de votre vie religieuse... Où en êtes-vous réellement?

JEAN (découragé).—Je n'en sais rien moi-même. Mais ça ne va plus, plus du tout...

L'abbé s'est assis, les jambes croisées, le buste penché en avant, le menton sur ses doigts entrelacés.

JEAN.—Je suis partagé entre des tendances qui se contredisent. Un déséquilibre atroce, d'autant plus douloureux que j'ai connu le calme, la foi sereine, le bon feu intérieur... Je vous jure que je n'ai rien fait pour en arriver là: au contraire. Longtemps j'ai refusé à ma raison le droit de s'attacher à ces questions. Mais maintenant je ne peux plus. Les objections s'amoncellent autour de moi; presque chaque jour j'en rencontre une nouvelle! J'ai bien dû m'apercevoir, bon gré, mal gré, qu'il n'y a pas un seul point de la doctrine catholique qui ne soulève aujourd'hui d'innombrables contradictions... (Tirant de sa poche un fascicule de revue.) Tenez, connaissez-vous ça? Un article de Brunois: «Les rapports de la raison et de la foi» (Geste négatif de Schertz.) Ça m'est tombé sous les yeux, par hasard, il n'y a pas bien longtemps. Je n'avais jusque-là aucune idée de ce que pouvait être l'exégèse moderne, je ne soupçonnais pas ce qu'étaient les attaques de la critique historique... Quelle révélation!

C'est là-dedans que j'ai appris, pour la première fois des choses comme ceci: Que les Évangiles ont été rédigés entre les années 65 et 100 après Jésus-Christ, et que, par conséquent, l'Église s'est fondée, a existé, pourrait exister sans eux... Plus de soixante ans après le Christ! Comme si, de nos jours, sans un seul document écrit, à l'aide de souvenirs et de vagues témoignages, on voulait consigner les actes et les paroles de Napoléon... Et voilà le livre fondamental, dont l'exactitude ne doit être mise en doute par aucun catholique!

(Tournant des pages.) Que Jésus ne s'est jamais cru Dieu, ni prophète, ni fondateur de religion, si ce n'est à la fin de sa vie, grisé par la crédulité de ses disciples...

Qu'on a été très long à édifier et à préciser le dogme de la Trinité, et qu'il a fallu plusieurs réunions de conciles pour fixer la double nature du Christ, faire la part de son humanité et de sa divinité... Bref: qu'il a fallu des années de controverses pour constituer ce dogme et le rattacher avec quelque vraisemblance aux paroles prononcées par Jésus; alors qu'au catéchisme, on nous l'enseigne, ce dogme de la Trinité, dès les premières leçons, comme une vérité élémentaire, toute simple, révélée par Jésus lui-même, et si claire, qu'elle n'a jamais été contredite par personne!

(D'autres pages.) Et ça! L'Immaculée conception... Une invention presque récente! Qui n'a pris naissance qu'au XIIe siècle, dans le cerveau mystique de deux moines anglais! Qui n'a été discutée et formulée qu'au XIIIe! Dont l'unique point de départ est la faute grossière de je ne sais quel traducteur grec, lequel s'est servi à tort du mot grec παρθένος jeune fille, pour traduire l'ancien mot hébreux, qui qualifiait naturellement Marie de jeune femme...

Vous souriez? Vous saviez tout ça? (Déçu.) Alors vous ne pouvez pas bien comprendre ce que j'ai pu éprouver à de pareilles lectures... Notez que je ne sais même pas encore si c'est exact. (Schertz fait signe que oui.) Mais que cela puisse être imprimé, tout au long, avec la signature d'un savant aussi sérieux, aussi circonspect que Brunois, c'est inouï! Le ton de l'article, surtout, est déroutant: ces objections sont rappelées là incidemment, pour appuyer la thèse, sans même être discutées, comme autant de vérités acquises aujourd'hui, comme autant de points d'histoire définitivement élucidés! Simplement, un renvoi, pour indiquer où les ignorants comme moi peuvent trouver la démonstration raisonnée de chacune de ces affirmations! Et je vous cite cet article parce que je viens de le lire. Mais de tous les côtés, dans tous les domaines, je me heurte à des réfutations!

Tout le savoir moderne est donc en contradiction absolue avec notre foi?

SCHERTZ (affectueusement).—Je vous croyais en relation avec un abbé de Buis, un prêtre instruit...

JEAN.—Bah... C'est un homme actif, un saint, qui n'a jamais eu un doute sérieux, et qui d'ailleurs, si cela lui arrivait, en triompherait tout de suite, par l'action. (Sourire rancunier.) Il m'a prêté des bouquins de théologie...

SCHERTZ.—Eh bien?

JEAN (levant les épaules).—J'y ai trouvé des arguments spécieux et verbeux, présentés comme s'ils étaient inattaquables, mais que la moindre réflexion crève comme des outres gonflées. Ça ne peut convaincre que des convaincus. Je vous scandalise?

SCHERTZ.—Mais non, aucunement. Je vous comprends très bien.

JEAN.—Vrai?

SCHERTZ.—Mieux que vous ne pouvez croire...

Jean ébauche un geste étonné que Schertz arrête de la main.

SCHERTZ.—Continuez, voulez-vous?

JEAN.—Mais voilà... C'est tout... Chaque fois que je veux raisonner, avec l'espoir de consolider ma foi, ou simplement chaque fois que je cherche à analyser mon inquiétude, je sens que je porte un nouveau coup à mes croyances... C'est en cherchant à prouver sa foi qu'on l'ébranle: j'en ai fait l'expérience. J'ai beau faire: ça croule...

SCHERTZ (vivement).—Non, non.

JEAN.—Ah, je vous assure que je ferai tout pour éviter ça! (Avec abandon et angoisse.) Il existe peut-être des gens qui peuvent se passer de religion? Moi pas. J'en ai besoin, besoin, comme de manger ou de dormir. Sans religion je serais, je ne sais pas, comme un arbre dont les racines n'auraient plus de sol, plus de nutrition possible! Tout s'en irait d'un seul coup... Ah, c'est terrible, mon cher; je me sens catholique jusqu'au fond des moelles! Je m'en aperçois mieux encore depuis que j'ai tant à lutter: tout ce que je pense, tout ce que je veux, tout ce que je fais, est déterminé en moi par un sens catholique qui fait partie de ma nature; et s'il m'arrivait de perdre ce sens-là, ma vie entière reposerait pour toujours sur une absurde contradiction!

SCHERTZ.—Mais enfin, cette crise morale a des intermittences? Il y a des jours encore où vous pouvez vous rapprocher de Dieu?

JEAN (perplexe).—Je ne sais pas comment vous dire... Au fond, je n'ai pas vraiment l'impression que je m'écarte de Dieu ... même quand je doute de lui... (Souriant.) Je ne peux pas vous expliquer...

L'abbé fait signe qu'il comprend très bien.

JEAN (après avoir réfléchi).—En somme, le problème angoissant est celui-ci: Tout se tient dans la religion catholique: la foi, le dogme, la morale, l'émotion intérieure de la prière; tout se tient... (Schertz fait un geste de dénégation que Jean ne remarque pas...) Et si on en rejette une fraction, on perd l'ensemble!

L'abbé se lève, et fait quelques pas, les mains derrière le dos.

SCHERTZ.—Ach! mon ami, comme nous vivons une heure tragique de la vie religieuse des hommes!

Il s'arrête devant Jean et le considère, gravement.

SCHERTZ (d'une voix mesurée).—Voyons, pour résumer: d'une part, votre raison, qui se blesse à des points de dogme et qui refuse de les accepter; et, d'autre part, votre sensibilité religieuse, vivace, très vivace, qui a goûté Dieu, si je puis dire, et qui ne peut plus s'en passer?

JEAN.—Exactement. Sans compter une crainte instinctive, qui a ses racines dans mon enfance et dans mon atavisme, sans doute: la terreur de perdre la foi.

SCHERTZ.—Oui. Eh bien, mais c'est à peu près ce que j'ai éprouvé moi-même!

JEAN.—Ah? Quand?

SCHERZ.—Lorsque j'ai quitté le séminaire.

JEAN (impatiemment).—Et ... maintenant?

SCHERTZ (montrant sa soutane et souriant).—Vous voyez...

Il repousse de la main l'interrogation de Jean.

SCHERTZ (posément).—Voulez-vous me laisser citer mon propre exemple?

Jean lui adresse un sourire reconnaissant.

L'abbé se carre dans son fauteuil, le visage sur ses mains croisées, les paupières plissées, le regard lointain.

SCHERTZ.—Jusqu'à l'ordination, je n'avais pas beaucoup étudié les sciences, mais j'étais très attiré, depuis longtemps; et j'ai commencé à étudier, aussitôt prêtre. Je me rends bien compte, à distance, de ce qui s'est passé; et cela arrive à beaucoup. (Avec respect.) C'est la discipline scientifique! On la découvre tout à coup; on s'y soumet passionnément; elle prend possession de vous; elle vous forge un cerveau neuf. Et puis, plus tard, un jour, quand on se tourne vers le passé, tout est changé: les choses autrefois habituelles, on les regarde, et c'est comme si on les voyait pour la première fois: on les juge... Et, de ce jour-là, c'est fini, on ne peut plus ne pas juger! Pas vrai?... Voilà la discipline scientifique!

JEAN.—Oui: on ne peut plus s'empêcher de voir...

SCHERTZ (souriant).—Moi, je ne savais pas, j'ai cru que je pouvais retourner en arrière. J'ai fermé tous les livres, et je suis parti pour le monastère de Brügen. (Hésitant.) Une...

JEAN.—Une retraite?

SCHERTZ.—Une retraite. Cinq mois, pendant le plein hiver... D'abord j'ai tenté une consultation des Pères; beaucoup étaient instruits. Mais ils affirmaient, et moi je raisonnais; c'était toujours le même malentendu... Ils riaient à la fin, et disaient toujours: «Rien d'impossible pour Dieu.» Alors, quoi répondre?

L'un m'a dit, un jour: «Ce qui m'étonne, c'est qu'avec de pareilles pensées, vous n'ayez pas perdu la foi...» Ah, j'ai beaucoup réfléchi là-dessus. C'était vrai: ma foi n'était pas diminuée. Comme vous le disiez tout à l'heure pour vous. J'avais la conviction intérieure,—pour ainsi dire une certitude—que rien n'était modifié. Impossible d'éprouver un remords. Je me sentais soumis à quelque chose qui était plus fort que ma volonté, et, en même temps, très élevé, et si respectable...

Alors, que faire? J'ai cherché à transiger.

JEAN (secouant la tête).—Une voie dangereuse...

SCHERTZ.—J'étais bien obligé de reconnaître, devant les arguments scientifiques si nets, que la lutte était inutile. Et ne pas faire, comme certains prêtres savants, des demi-concessions, insuffisantes. Non: reculer courageusement, fier d'être sincère, et avec l'assentiment de Dieu au fond de la conscience.

(Un temps.)

Ainsi, j'ai quitté Bürgen, et je suis rentré à Berne, et je me suis appliqué à approfondir avec les livres et la réflexion, toutes ces questions.

(Gaiement.) Ach! mon ami, quand on regarde, quelle inégalité vraiment des deux camps en présence! D'un côté, les adversaires de l'Église,—je parle seulement des vrais savants, ayant fait œuvre.—Et de l'autre, nos apologistes du catholicisme, qui se lamentent et brandissent de vieux arguments tout gâtés, et finalement menacent d'anathème! A qui, malgré soi, va la confiance? L'attitude de Rome est véritablement incompréhensible; il faut l'étudier de près pour s'en convaincre! Elle attaque la science moderne en ignorant tout des faits actuels. Elle ignore jusqu'à la plus élémentaire méthode: impossible de discuter. Pour cela même, voulant soutenir trop, elle rend sa thèse entière insoutenable. J'ai eu besoin de deux années pour acquérir cette conviction, mais je ne regrette pas: grâce à ces années de travail, j'ai reconquis pour toujours la paix intérieure.

JEAN.—La paix intérieure...

L'abbé se penche en avant, comme pour demander à Jean toute son attention.

SCHERTZ.—Mon ami, je suis parvenu à cette distinction capitale:

Il y a dans le sentiment religieux deux éléments tout à fait séparés par leur nature. Premièrement: le sentiment religieux dans sa pureté, qui est, si je puis dire, l'alliance conclue avec le divin, et, en même temps les rapports intimes et privés qui s'établissent entre Dieu et les âmes religieuses. Bien.—Secondement: l'élément, je dirai dogmatique, les affirmations théoriques sur Dieu, et les rapports,—non plus intimes, mais cultuels—entre l'homme et Dieu. Comprenez-vous cela?

JEAN.—Oui.

SCHERTZ.—Eh bien, pour la sensibilité religieuse d'aujourd'hui, un seul de ces éléments est fondamental: c'est le premier, l'alliance personnelle avec Dieu.

JEAN.—Comment pouvez-vous dire: la sensibilité d'aujourd'hui? La religion n'est pas soumise à la mode!

SCHERTZ.—Ach, ceci est une parenthèse. La religion est soumise sinon à la mode, du moins au développement moral de l'humanité. Tenez: au moyen âge, est-ce qu'on ne puisait pas de grandes forces, simplement dans le sens littéral des dogmes? Aujourd'hui non; c'est un fait. Regardez les catholiques, ceux qui ont vraiment une vie intérieure: beaucoup d'entre eux ont de capitales ignorances, au sujet de la religion théorique; sans qu'ils s'en doutent, le dogme est chez eux au deuxième plan; et cela n'importe pas.

Reprenons. Je dis: pour vous, pour moi, pour un grand nombre de nos contemporains, le premier élément, la foi personnelle, est intacte. C'est la croyance dogmatique qui a perdu l'équilibre. Nous n'y pouvons rien: la religion romaine, telle qu'elle est fixée actuellement, est inacceptable pour beaucoup d'esprits ayant de la culture, et pour tous les esprits ayant des connaissances approfondies. Le Dieu qu'ils nous offrent est trop petitement humain: aujourd'hui, la croyance en un Dieu personnel, en un Dieu monarque, en un Dieu fabriquant l'univers, la croyance au péché et à l'enfer... Ach, non! Cette religion-là n'est plus à notre mesure! Elle ne contente plus, comment dire, notre soif de perfection.

Les croyances humaines sont obéissantes à l'évolution, comme toutes choses; elles marchent, allant du moins bien vers le mieux. Eh bien, la religion doit, de toute nécessité, être adaptée à l'intelligence actuelle. Rome est fautive de résister à cette adaptation.

JEAN (vivement).—Mais en condamnant, comme vous le faites, l'Église contemporaine, est-ce que c'est réellement vous qui avez raison?... N'est-ce pas, simplement, que vous êtes...

SCHERTZ (l'interrompant).—Comprenez bien ceci: dans les croyances des hommes, même en supposant que l'origine en soit divine, il y a forcément un élément humain. On commence seulement à en tenir compte. Ainsi, les orthodoxes avouent seulement depuis peu, que certains récits de la Bible et des Évangiles sont des histoires figurées. Je donnerai des exemples: Jésus descendant vers les régions inférieures de la terre... Ou bien Jésus emporté par Satan sur la montagne... Aucun théologien sérieux n'ose plus affirmer: «Oui, cette descente a eu lieu, matériellement... Oui, cette montagne a existé, matériellement.» Ils avouent aujourd'hui: «C'est figurativement

Eh bien, cette manière d'appeler honnêtement symbole ce qui est manifestement symbolique, voilà ce qui est bon pour des gens comme vous ou moi. Mais il faut l'appliquer, non pas comme les orthodoxes, qui le font de mauvais gré et seulement pour les légendes vraiment grossières; il faut l'appliquer à tous les faits affirmés par la religion, dès que ces faits sont inacceptables à la raison moderne. Ainsi vous avez la solution de toutes les difficultés.

Long silence.


Jean réfléchit, sans détacher les yeux du visage énergique de l'abbé.

SCHERTZ.—D'ailleurs, il faut être bien persuadé, mon cher ami, qu'avant peu d'années, tous les théologiens instruits en arriveront là; et ils seront surpris que les catholiques du XIXe siècle aient pu si longtemps accepter le sens littéral de tous ces récits poétiques. Ils diront: «Ce sont des visions des histoires pleines de signification, mais idéales; les évangélistes les ont accueillies sans critique, ainsi que pouvaient faire des gens anciens, dénués d'instruction, et crédules.»

JEAN.—Mais un fait est un fait. Les dogmes sont vrais, ou bien ils ne sont rien.

SCHERTZ.—Ach! Le vrai et le réel, c'est deux!... L'objection que vous faites est fréquente. Mais vous dites: vérité; et vous pensez: authenticité. Ce n'est pas la même chose. Il faut s'attacher à voir la vérité, non pas dans le fait lui-même, mais dans la signification morale de ce fait... On peut accepter le sens fondamental que renferme le mystère de l'Incarnation, ou celui de la Résurrection, sans, pour cela, admettre que ce soient des événements authentiques, historiquement exacts, comme la capitulation de Sedan ou la proclamation de la République!

L'abbé se lève, tourne autour de la table et vient se camper devant le siège où Jean reste songeur.

L'abbé est ému. La gravité formaliste de son visage a disparu, laissant paraître l'intensité d'une flamme intérieure que Jean ne soupçonnait pas.

SCHERTZ (montrant, d'un grand geste, son crucifix).—Quand je suis agenouillé là, devant cette croix, et que je sens monter, du plus profond de moi, comme une vague, cet amour pour Jésus, et que ma bouche prononce: «Mon Sauveur!» Ach, ce n'est pas je vous assure, parce que je pense au dogme mystique de la Rédemption, à la façon d'un enfant du catéchisme!... Non... Mais je considère immensément, ce que Jésus a fait pour l'humanité: tout ce qui est vraiment bon dans l'homme d'aujourd'hui, tout ce qui promet de s'épanouir dans l'homme de demain, vient de lui! Et alors, je me penche, en toute raison satisfaite, devant notre sauveur, devant celui qui est le symbole du sacrifice et du désintéressement; devant la Douleur acceptée, qui rend l'homme pur!

Et quand je fais le matin, sur l'autel, ma communion de chaque jour, qui renouvelle ma force et m'élève le cœur pour la journée entière, mon sentiment est si intense que c'est bien exactement pour moi comme la Présence réelle de Dieu! Pourtant l'Eucharistie, ce n'est qu'un symbole, le symbole de l'action sensible et continue de Dieu sur mon âme; mais mon âme l'appelle, cette action, et la recherche, presqu'avidement!

Jean réfléchit. L'exaltation de l'abbé augmente, par opposition, son calme et son besoin de contradiction.

JEAN.—Je veux bien. Cependant un simple catholique, qui croit fermement aux faits matériels de l'incarnation ou de l'Eucharistie, met dans ses prières et dans ses communions bien plus que vous ne pourrez jamais y mettre, avec vos restrictions!

SCHERTZ (vivement).—Non! L'essentiel, c'est de dégager la vérité dans la mesure où elle peut être bonne à chacun de nous.

Mettons-nous sur le terrain pratique: notre raison ne peut pas accepter le dogme, c'est un fait; au contraire, le symbole que nous en dégageons est clair, satisfait notre raison, et contribue à notre amélioration. Alors, comment hésiter?

JEAN.—Est-ce que ce n'est pas amoindrir la doctrine que de la dépouiller de ses formes traditionnelles? Le christianisme a toujours été, et reste une doctrine. «Allez et enseignez toutes les nations...» C'est l'acceptation intégrale de cette doctrine qui fait le chrétien.

SCHERTZ.—Mais c'est justement pour maintenir intégralement la doctrine, qu'il faut aujourd'hui en modifier la forme! L'histoire enseigne que les dogmes, pendant des siècles, ont pu se transformer, s'accroître, être soumis à l'évolution générale: vivre, en somme. Pourquoi maintenant les laisser immobiles dans la tradition, comme des momies? Puisque nous constatons que la religion actuelle n'est plus conforme aux besoins des consciences contemporaines, pourquoi n'aurions-nous pas le droit, à notre tour, d'ajouter quelque chose au travail des théologiens devanciers?

Quatre heures sonnent à Saint-Sulpice.

L'abbé se lève et touche l'épaule de Jean, qui regarde dans le vague.

SCHERTZ.—Nous recauserons de tout ça.

JEAN (comme au sortir d'un rêve).—Ah, je ne sais plus, moi... J'ai été si longtemps habitué à donner une valeur absolue aux formes traditionnelles... Il y a, dans la religion ainsi comprise, un manque d'unité qui me choque!

SCHERTZ (agrafant sa cape).—L'inégalité est partout. Pourquoi les hommes, tous si différents les uns des autres, n'auraient-ils pas des formules variables pour adorer le même Dieu?

(Souriant.) Il faut partir.

Laissez déposer, mon ami... Et rappelez-vous l'aveu de Saint Paul: «Nous ne voyons maintenant qu'au travers d'un miroir, en énigme...» «Videmus nunc per speculum, in œnigmate...»

Ils descendent dans la rue.

Plusieurs minutes de silence, côte à côte.

JEAN (brusquement).—Il faut être logique: pourquoi continuez-vous à pratiquer, s'il est avéré que ces pratiques n'ont qu'une importance figurative?

Schertz s'arrête net, sort le menton hors de son collet, et regarde Jean comme pour savoir s'il plaisante ou non. Son visage prend aussitôt une expression de souffrance.

SCHERTZ.—Ach, vous ne m'avez donc pas compris?

Il se recueille pendant quelques secondes.

SCHERTZ (pesant ses termes).—Parce qu'il serait insensé de renoncer à cette fontaine d'eau vive qu'est une religion pratiquée!... Il faut se comporter avec la religion comme si elle était vraie dans tous ses détails, parce qu'elle est vraie ... en profondeur. Voyez, par exemple, notre prière catholique: où trouver semblable élan?

JEAN.—Vous n'avez plus besoin de formules!

SCHERTZ.—Ne le croyez pas! C'est par les formules que le divin pénètre dans notre vie. Il faut que nous acceptions tous, indistinctement, les formes du culte; mais que chacun, selon l'état de sa conscience, en fasse l'interprétation appropriée, et s'en serve selon ses besoins.

JEAN.—Alors, autant passer au protestantisme...

SCHERTZ.—Que non! Voyez cette religion individualiste et finalement anarchiste qu'est le protestantisme: là n'est pas réellement notre nature. Tandis que la forme du catholicisme, organisée, sociale...—que dire?—communautaire... Voilà la nature humaine!

JEAN.—Alors la libre-pensée toute pure!

SCHERTZ.—Non, mon ami. Nous, catholiques, nous n'aurons jamais le droit de faire cette rupture.

JEAN.—Le droit?

SCHERTZ (gravement).—Nous n'avons pas le droit de nous isoler des autres. Comment la religion a-t-elle acquis peu à peu ses indiscutables vertus sociales? Par les efforts de tous. Eh bien, rester à l'écart, c'est agir comme un individualiste.

JEAN.—Mais votre attitude est bien celle d'un individualiste!

SCHERTZ (sursautant).—Pas du tout! Choisir ses symboles, selon son développement personnel: oui; mais en se rappelant toujours que ce qui est symbole pour nous, a son équivalent dans les formules plus populaires. C'est ainsi qu'on reste lié à toutes les autres. Voilà le bon individualisme...

Jean ne répond pas.

SCHERTZ.—Mon ami, songez dont à ce qu'elle est, cette religion! Songez que pour tant d'êtres humains, elle est la seule fenêtre ouverte sur la vie spirituelle! Combien sont-ils, ceux qui jamais ne pourront aller plus loin que l'image? Et vous voudriez commettre la mauvaise action de vous séparer d'eux? Mais dans chaque sentiment religieux, il y a un germe qui est le même: comme un gémissement, comme un élan plus ou moins vigoureux de l'âme vers l'infini... Nous sommes tous semblables devant Dieu!

... Faites comme moi. Je n'ignore pas quels inconvénients il y a dans la religion actuelle: mais je n'y regarde pas. «Ora patrem tuum in abscondito...» Je pense que toutes les organisations des hommes ont des imperfections. Je pense que le catholicisme est, pour la majorité, très supérieur aux autres confessions, parce qu'il est vraiment, dans toute la valeur du terme, une association. Et j'accepte les pratiques, d'abord parce que j'y puise moi-même des forces que je ne trouverais nulle part, et puis parce que, sans elles, le catholicisme cesserait d'être cette solidarité religieuse, dont tant d'âmes ont le besoin...

L'abbé se tait.

Ils viennent de pénétrer dans les galeries de la Sorbonne, encombrées d'étudiants.


Jean cherche à mettre un peu d'ordre dans ses idées:

—«Ce qu'il y a de certain, oui, c'est qu'il faut chercher... Jusqu'ici j'ai fait tout ce que j'ai pu pour me refuser à penser; je croyais qu'il n'y avait rien à gagner par la réflexion... C'est une erreur: on ne peut pas retourner en arrière, revenir aux sentiments religieux de son enfance... C'est impossible, voilà un fait acquis... Tâchons au contraire d'aller de l'avant: il y a un moyen de reconstruire, puisque Schertz...

«Mais je me suit aperçu que je ne connais pas le premier mot de tout ça... C'est le grand point, savoir... Il faut que je travaille ça... Les dogmes... Je n'en ai retenu que le côté extérieur, cultuel. L'abbé parle toujours du fond, du fond qui est sous la forme... La forme, jusqu'ici m'a caché le fond... Approfondir, d'abord... Approfondir jusqu'au point où le sens du dogme et les exigences de la raison sont conciliables: voilà...

«C'est la seule chance d'équilibre qui me reste...

Jean Barois

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