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III

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«A Monsieur l'abbé Schertz, Professeur de Chimie Biologique,

«Institut Catholique, Berne (Suisse).

«Paris, lundi de Pâques.

«Mon cher ami,

«Je vous remercie de l'affectueux intérêt que vous prenez à la santé de mon père. Il va mieux. Il a dû renoncer à ses jours de consultation et à son cours; il n'a gardé que ses matinées à l'hôpital. C'est encore beaucoup pour son état. Néanmoins ses confrères estiment qu'avec une surveillance attentive, une rechute n'est pas à craindre avant plusieurs années.

«Je suis bien en retard avec vous; ne m'en gardez pas rigueur; je suis tellement occupé cet hiver! Vos lettres me font toujours le même plaisir; elles me rappellent nos bonnes soirées d'il y a deux ans, nos discussions, nos lectures à haute voix! Hélas, cher ami, tout cela me paraît si loin... Non que j'aie perdu le bienfait de votre influence: rassurez-vous, je crois que vous m'avez pour toujours apaisé, et que je vous dois, pour la vie entière, une foi compréhensive et calme, robuste en son fond, conciliante en sa forme, le vrai soutien de tous les jours. Mais l'engrenage de ces études médicales est impitoyable: il m'est impossible d'ouvrir un livre qui ne soit pas technique!

«J'en ai d'autant moins le temps, que j'ai tenu à ne pas interrompre mes sciences naturelles; ces études m'ont toujours passionné, infiniment plus que celles de médecine, et je ne veux pas me contenter de ce brevet élémentaire qu'est la licence. Mon patron me pousse beaucoup à concourir pour l'internat dès l'an prochain. Je préférerais consacrer tout mon effort à l'agrégation. La médecine est un chemin tout tracé pour moi; le professorat de sciences naturelles, qui répond plus complètement à mes goûts, est une carrière assez aléatoire. Je ne sais que résoudre. Je ne suis pas seul en cause, vous le savez, et ma décision engage une autre vie que la mienne... Ces perplexités, que je ne puis confier à personne assombrissent souvent mon horizon.

«J'ai été bien heureux de vous savoir définitivement occupé selon vos désirs. Je regrette seulement que vos congés soient si rares: quand nous reverrons-nous, maintenant? En y pensant, je me défends mal d'un regret égoïste: je songe à tout ce que votre amitié représentait pour moi, et que je n'ai pas remplacé.

«Au revoir, cher grand ami. Envoyez-moi une bonne et longue réponse, et ne doutez pas de mon fidèle attachement.

Jean Barois.»

Jean Barois

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