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La Nature, toujours féconde, toujours inépuisable dans ses créations, semble s’être surpassée elle-même lorsqu’il s’est agi d’organiser les insectes. Après avoir donné aux gros animaux la force, la vigueur, la majesté dans les formes, elle paraît de prime abord n’avoir plus rien gardé de ses ressources pour les êtres inférieurs. Mais non, il n’en est pas ainsi; ces êtres si menus sont ses favoris; elle les aime autant que l’imposante animalité supérieure; elle semble même avoir épuisé pour eux son ingéniosité. Aux gros animaux elle a donné la force; aux petits elle donnera la légèreté, la souplesse, la grâce en miniature. Le terrible lion étend sa domination sur les immenses déserts du Sahara; le gentil papillon possédera l’infini des airs. Pour combiner leur structure intérieure, pour constituer ces organes si délicats et ces membres si déliés, la Nature se fera mécanicienne par excellence. Après avoir formé de toutes pièces ces brins de corps, dans lesquels elle allume une vie pleine et entière, elle se complaira, comme un artiste consommé, à mettre en œuvre toutes les richesses de sa palette et celles de son imagination, afin de composer l’enveloppe qui leur sert de vêtement.

Les mots manquent pour exprimer, pour dépeindre les nuances variées, les reflets changeants qui se jouent si admirablement sur la parure de beaucoup d’insectes. Les nombreuses variétés de mouches que nous méprisons, auxquelles nous daignons à peine accorder la faveur d’un regard, parce qu’elles sont petites, ne manqueraient pas, si nous nous donnions la peine de les considérer de près, d’exciter notre admiration au plus haut point. Les unes semblent formées de pierres précieuses reliées ensemble et étincelant aux rayons du soleil. Le rubis, le saphir, l’émeraude, entremêlent leurs reflets, resplendissent sur leurs élégantes livrées; on dirait parfois une mosaïque chatoyante. Les autres sont formées d’anneaux savamment disposés. D’autres sont fortement rayées des couleurs les plus vives, qui font contraste: lumière et ombre. Sur les unes, la Nature a placé une teinte brillante et uniforme de jais; elle en a enveloppé d’autres d’un manteau parsemé de diamants et mi-parti de pourpre et d’azur.

Egalement variées dans leurs formes, leurs ailes déroulent à nos yeux des couleurs et des nuances inimitables. Parcourues par de fines veinures, elles ont la transparence d’une lame de cristal, la légèreté d’un tissu de gaze. Les unes sont longues et effilées, d’autres taillées comme des pétales de fleur et miroitantes comme une nappe de glace. De légères antennes, organes du toucher d’une sensibilité exquise, se balancent mollement sur leur tète. Leurs yeux, taillés à facettes plus artistement que le diamant de pure eau, jettent des traits de lumière comme des grains de rubis.

La chenille, l’humble chenille elle-même, étale souvent à nos yeux de très-belles couleurs et des dessins ingénieusement combinés. Mais que sera-ce, lorsque, dépouillé de l’enveloppe qui le retenait prisonnier, le papillon s’élancera dans les airs, et, de peur de tacherses fraîches teintes, planera au-dessus des prairies auxquelles il a emprunté leur éclat. Ses ailes ressemblent alors à des parterres en petits croquis, où les dispositions les plus diverses, les nuances les mieux mariées brillent sans trop se confondre. Tous les jeux de lumière s’y trouvent réunis à profusion. Sur ce léger tissu de gaze, la Nature a brodé de gracieuses figures, et les a teintées avec toute la vivacité et la fraîcheur de la vie. Le moelleux et le mat du velours s’allient agréablement sur ces ailes avec des couleurs éclatantes. Le nacré, le fauve, l’orangé, le brun au reflet d’azur, le bronzé, l’argent et l’or s’éclipsent mutuellement. Les ailes de quelques papillons sont couvertes de langues de feu, d’autres montrent des yeux faits de bleu et de pourpre. Souvent les plus petits sont ceux auquels la Nature a accordé le plus joli costume.

Certains coléoptères offrent aussi des images bien riches et séduisantes. Celui-ci est couvert d’une cuirasse reluisante d’or et d’argent, et comme enrichie de pierreries. Des reflets variables se jouent sur son armure ciselée. Ses couleurs sont métalliques; le vert qui y domine se change, aux rayons du soleil, en une teinte cuivreuse et rongeâtre. Cet autre est revêtu d’un habit de velours ponceau, rayé en zig-zag, couvert de points qui paraissent chatoyer. Les richesses de l’arc-en-ciel et les nuances de l’aurore ont comme apporté leur tribut pour embellir ce petit chéri de la nature.

Mais ce n’est pas même assez pour l’insecte d’être embelli de tout ce que le monde peut offrir de resplendissant; ce n’est pas assez pour lui d’avoir emprunté à la fleur son velouté et au ciel son rayon. Il veut davantage. La fleur avait encore pour elle la douce odeur qui la distinguait. Quelques insectes semblent avoir été jusqu’à prendre à la fleur le parfum qu’elle recèle. On en connaît qui répandent une odeur de musc et de rose assez forte pour se fixer au doigt qui les a touchés.

Tout n’est pas fini; quelques-uns d’entre-eux ont encore obtenu la lumière. La Nature a transformé leurs corps en petites lampes qui, à l’heure où la nuit se fait sur la terre, attirent encore notre attention et nous font admirer l’insecte lorsque tout ce qui a vie est plongé dans l’obscurité.

Après ce que nous venons de dire, ne nous étonnons pas de la passion obstinée des collectionneurs d’insectes. Quelle jouissance pour eux d’aller à cette chasse! Quelle extase devant leur butin multicolore! Ils se complaisent à étaler leurs insectes sur des bouchons comme les marchands à disposer leurs étoffes en draperie devant leurs magasins. Ils en composent des tableaux avec un réel amour de peintre fleuriste; ils croiront même vous accorder une grande grâce en vous faisant admirer leurs collections. Dans le monde, l’on en rit et l’on dit: «c’est un collectionneur.» A ce titre, cher lecteur, je vous demande à mon tour de ne pas vous ébahir de ma passion d’insectologiste.

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