Читать книгу Études d'histoire naturelle - Romuald Jacquemoud - Страница 12
VII
ОглавлениеVenons maintenant aux mœurs du monde insectulaire. Les passions qui n’agitent que trop souvent le cœur de l’homme, qui excitent les gros animaux, ont trouvé un écho jusque dans la création infinitésimale qui se meut sous nos pieds. En étudiant les mœurs des insectes, en les examinant de très-près, nous retrouvons chez eux les discordes, les luttes intestines qui déchirent souvent notre société. La guerre, la colère, la jalousie ont aussi répandu leurs germes pernicieux dans l’animalité d’en bas; là se trouvent des tyrans insatiables, des maîtres despotes des chasseurs, petits Nemrods avides et cruels, des peuples inquiets et tracassiers qui se nourrissent de ce qui est vivant, qui font leur proie des insectes plus faibles et ne veulent rien laisser vivre en paix autour d’eux.
La touffe d’herbe qui se cache dans la prairie, la fleur qui s’épanouit aux rayons du soleil, un tout petit creux dans le sol, une lézarde de vieux mur, la fissure d’une enveloppe d’arbuste, sont souvent le théâtre de scènes de carnage et de désolation. Dans le monde des insectes comme dans celui des hommes, la loi du plus fort est bien souvent la meilleure. L’insecte n’a pas toujours, comme d’autres créatures, un lieu sûr où il puisse se retirer; beaucoup d’animaux, en outre, en font leur nourriture; il devait donc être organisé et armé d’une manière toute particulière.
La Nature, dont l’œil maternel suit le tout petit être tapi sous le brin d’herbe comme l’animal indompté qui parcourt les bois, comme le poisson au fond des ondes, comme l’oiseau dans les airs, a prévu les attaques auxquelles peuvent être en butte les insectes; elle les a dotés de moyens de défense nombreux et solides. Son ingénieuse sollicitude leur a fait trouver, dans ce qui semble les livrer plus facilement à leurs ennemis, un moyen d’échapper aux dangers. La ténuité des insectes leur permet de se dérober facilement aux ennemis qui les poursuivent; leur prestesse les fait promptement disparaître. Une feuille, une petite branche, un interstice entre l’écorce et le bois d’un arbre, en voilà assez pour abriter la vie de l’insecte et le garantir de ses persécuteurs.
Outre ces refuges, les insectes possèdent encore d’autres moyens de sauvegarde ainsi que des instruments agressifs. Toutes les armes que l’industrie a appris aux hommes à forger, existaient déjà en miniature chez les insectes. Certains coléoptères font revivre sur eux l’armure des anciens Preux. Cottes de mailles à l’épreuve, brassards, casques étincelants, armures finement ciselées; rien ne leur manque pour compléter la ressemblance. De solides plastrons recouvrent toutes les parties de leur corps et rendent en quelque sorte invulnérable le petit chevalier. Mais ses ennemis, les insectes carnassiers, portent aussi des armes qui découvriront les parties faibles, qui sauront trouver le défaut de la cuirasse; ils ont des piques brunies et acérées, des dards aigus qui contiennent un venin actif; des flèches qui, une fois entrées, ne ressortent plus; des pinces dentelées et tenaces, des mâchoires insatiables. Mais ce n’est pas tout; qui le croirait? Nous retrouvons, dans cette petite armée, des artilleurs pourvus de singuliers instruments de détonation que la Nature s’est chargée d’entretenir; le jet vaporeux qui résulte de cette décharge, et dont l’oreille de l’observateur peut entendre le bruit léger, brûle presque l’adversaire qu’il atteint.