Читать книгу Études d'histoire naturelle - Romuald Jacquemoud - Страница 16
XI
ОглавлениеTous les insectes ne donnent pas à leur existence la forme de l’association; la plupart vivent seuls et se suffisent à eux-mêmes; ils sont assurés de trouver leur subsistance; la table est mise pour eux dans le calice de chaque fleur. D’autres, qui se nourrissent d’herbes vertes, n’ont qu’à se baisser pour découvrir leur victuaille. Toujours certain de toucher sa proie, l’insecte carnassier n’a qu’à exploiter les nombreux êtres infimes qui fourmillent de toutes parts.
Parmi les insectes, il en est qui vivent en petites républiques oligarchiques. Soumis à des lois, ils élèvent des espèces de villes, possèdent une police attentive et vigilante, entretiennent de nombreuses armées qui servent à défendre la cité contre les attaques des ennemis du dehors; ils ont même des esclaves qu’ils vont enlever dans les peuplades voisines. Dans ces étranges Etats, comme dans les anciennes républiques, plus ou moins lilliputiennes, les enfants sont élevés en commun par la nation. Nous nous sommes habitués à nous faire une idée fort embellie de ces petites républiques; nous les avons acceptées, sur figure de rhétorique, comme le séjour de la paix et de la liberté. Mais, si nous y regardons de près, si nous appliquons la loupe du naturaliste sur ces microscopiques gouvernements, nos rêves s’évanouissent, et nous ne tardons pas à reconnaître la vérité dans son jour. Tout ce petit peuple est laborieux, il est vrai; mais nous retrouvons là les mêmes défauts que nous regrettons de voir dans la société humaine. Les puissants exploitent les humbles, les prolétaires; ils consomment pour eux seuls ce que produit le travail assidu de milliers d’ouvriers, et ne servent qu’à former une sorte de cour adulatrice autour de la Mère de tout le peuple, qui est la véritable souveraine, parfois très-tyrannique, et sur laquelle repose l’espérance de tous ses sujets. Puis, comme nous l’avons déjà remarqué, il se produit là journellement des déchirements intestins.
Sans doute, l’organisation merveilleuse de toutes ces sociétés démontre à un haut point l’intelligence de l’insecte; elle est une raison sans réplique pour tous ceux qui n’ont voulu voir dans l’insecte qu’une créature sans sensibilité et sans instinct. Mais, en histoire naturelle comme partout, plus que partout, la vérité est nécessaire, et sa lumineuse évidence ne peut se nier. Reconnaissons ce qui est positif; mais n’embellissons rien de ce qui est déjà si beau par soi-même; ce serait faire injure à la toute-puissance et à la sagesse du Créateur.